Édito
L'attentat de Mulhouse relance le sujet des OQTF et embarrasse le gouvernement

Un conseil interministériel de contrôle de l'immigration se tiendra mercredi, alors que le suspect de l'attaque au couteau qui a fait un mort à Mulhouse ce week-end est un Algérien sous OQTF.

Article rédigé par Benjamin Sportouch
Radio France
Publié
Temps de lecture : 3min
Bruno Retailleau, le ministre de l'Intérieur, à Mulhouse, après une attaque au couteau, le 22 février 2025. (SEBASTIEN BOZON / AFP)
Bruno Retailleau, le ministre de l'Intérieur, à Mulhouse, après une attaque au couteau, le 22 février 2025. (SEBASTIEN BOZON / AFP)

C'est un véritable serpent de mer qui empoisonne l’exécutif actuel, comme ses prédécesseurs, et qui participe grandement à la disqualification de nos politiques, à la hauteur des engagements, des promesses sans cesse réitérées sur ce sujet si sensible. Un conseil interministériel de contrôle de l'immigration se tiendra mercredi 26 février, après l’attaque mortelle au couteau samedi à Mulhouse par un Algérien en situation irrégulière. Ce qui relance une nouvelle fois le sujet des Obligations de quitter le territoire français (OQTF)

D’abord, le champ des OQTF s’est constamment étendu, par exemple contre des étudiants étrangers en échec scolaire. Bien au-delà des seules menaces à l’ordre public ou de l’apologie du terrorisme. Cette inflation explique notre record européen : plus de 130 000 mesures prononcées en 2023, contre 26 000 en Italie pourtant confrontée à une pression migratoire majeure. Elle éclaire aussi notre faible taux d'application : à peine 10% des mesures exécutées, quand l'Allemagne atteint 30%. En multipliant les motifs d'éloignement, nos dirigeants ont dilué les priorités et donc paradoxalement accentué leur incapacité à agir. Un constat si criant que la Cour des comptes a fini par qualifier ces mesures de simple "enjeu de communication".

Des annonces sans effet qui soulignent l'impuissance de l'État

Mais nos gouvernants ne sont pas restés les bras croisés pour tenter d’appliquer ces OQTF, en particulier pour les cas les plus préoccupants. Les initiatives se sont en effet multipliées pour obtenir des laissez-passer consulaires, principal obstacle aux expulsions. D’abord par le dialogue, la voie diplomatique, notamment avec les pays du Maghreb - sur fond de tensions déjà exacerbées avec Alger. Puis par des mesures coercitives : en 2021, réduction drastique des visas de 50% pour le Maroc et l'Algérie, 30% pour la Tunisie. Une stratégie abandonnée dans les années qui ont suivi, faute de résultats probants. Là encore, les annonces sans effet n'ont fait que souligner l'impuissance de l'État.

Une fois de plus, n'espérons pas de solution miracle du comité interministériel qui se tiendra mercredi. Cette réunion avait été décidée avant le drame de Mulhouse. Sauf que cette tragique actualité lui confère une résonance plus forte et amplifie les attentes. C’est tout le paradoxe de ce genre de ces concertations au sommet. Elles mettent en lumière l’urgence d’agir tout en exposant l'absence de réponses efficaces jusque-là. L’actuel ministre de l’Intérieur Bruno Retailleau, et ses prédécesseurs avant lui, tend en quelque sorte le bâton pour se faire battre. Il finit, et c’est certainement le plus inquiétant, par faire le jeu des tenants de solutions radicales, comme l’immigration zéro, aussi spectaculaires que démagogiques et inapplicables.

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