Édito
La panthéonisation de Robert Badinter le 9 octobre, symbolique à plus d'un titre

Robert Badinter entrera au Panthéon dans six mois en hommage à son rôle dans l'abolition de la peine de mort. Un symbole triplement puissant à un moment où la justice est attaquée, la démocratie affaiblie et critiquée et l'antisémitisme en plein rebond.

Article rédigé par Renaud Dély
Radio France
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 3min
Robert Badinter entrera au Panthéon le 9 octobre 2025. (DIDIER ALLARD / INA)
Robert Badinter entrera au Panthéon le 9 octobre 2025. (DIDIER ALLARD / INA)

L’entrée au Panthéon de Robert Badinter aura lieu dans six mois, le 9 octobre, une date symbolique. C'est l’anniversaire de la promulgation de la loi abolissant la peine de mort, le 9 octobre 1981, il y a 44 ans. Une réforme portée par l’avocat devenu garde des Sceaux qui fit entrer la France dans l’âge des démocraties modernes.

Emmanuel Macron avait ouvert la voie à cette panthéonisation l’an dernier, quelques jours après la disparition de Robert Badinter. Mais l’annonce de mardi résonne tout particulièrement. 48 heures plus tôt, Marine Le Pen tonnait sur une place de Paris contre "la tyrannie des juges" coupable d’avoir rendu une "décision politique" qui "bafoue l’État de droit" et "l’État de démocratie". En exhortant les militants RN à se révolter contre un "système" qui aurait "sorti la bombe nucléaire" pour "la faire taire", la cheffe de file de l’extrême droite marchait sur les traces de son père.

Cible de l'extrême droite, défenseur de la République

Il avait même défilé place Vendôme sous les fenêtres du ministère de la Justice. C’était en 1983, Jean-Marie Le Pen scandait en chœur avec quelques centaines de policiers en colère : "Badinter assassin !", "Badinter à Moscou". Le fondateur du FN le surnommait "l’avocat des assassins" ou "le ministre de la délinquance" et les journaux d’extrême droite le couvraient d’injures, parfois antisémites, à chaque fait divers sanglant. L’homme qui a aboli la peine de mort, dépénalisé l’homosexualité ou encore supprimé les quartiers de haute sécurité dans les prisons, fut la cible de l’extrême droite pendant des décennies. Et Marine Le Pen perpétua ce flambeau anti-Badinter en réclamant le rétablissement de la peine de mort jusqu’en 2017. L’ancien garde des Sceaux ne s’y trompait pas : "Jouer la carte de la sécurité est politiquement rentable. Il y a toujours quelqu'un, comme Marine Le Pen pour en faire plus. La démagogie ruisselle...", écrivait-il à son sujet, en 2011. Ce qui n’avait pas empêché Marine Le Pen d’essayer, en vain, de s’incruster lors de l’hommage de l’an dernier.

Cette cérémonie aura donc une forte portée politique, sans doute un peu plus encore que d’habitude. Car Robert Badinter fut aussi président du Conseil constitutionnel, ce juge suprême de plus en plus contesté par les populistes de tous horizons. Grand défenseur de laïcité, pourfendeur de la montée des communautarismes, il est enfin l’incarnation même de la lutte contre l’antisémitisme, ce fléau qui ressurgit avec force au cœur même de l’hexagone. Bref, une certaine idée de la République, à défendre et promouvoir sans relâche. Comme le grand historien résistant Marc Bloch qui rejoindra à son tour le même temple laïque quelques mois plus tard, le 16 juin 2026, date du 82e anniversaire de son assassinat par les nazis.

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