Budget 2026 : "Ne plus vivre à crédit, c'est un travail de tous, si chacun apporte sa pierre, ça ne sera douloureux pour personne", estime le président de l'U2P

Le premier "Conseil des entreprises", lundi, a réuni à Bercy ministres et représentants d'organisations patronales pour discuter des problèmes économiques de la France et de l'Europe. Michel Picon, présent en tant que président de l'U2P, nous donne son compte rendu.

Article rédigé par Camille Revel
Radio France
Publié
Temps de lecture : 8min
Michel Picon, président de l'U2P. (FRANCEINFO / RADIO FRANCE)
Michel Picon, président de l'U2P. (FRANCEINFO / RADIO FRANCE)

Ces réunions devraient avoir lieu environ tous les mois et demi, selon le ministre de l'Économie et des Finances : les "Conseil des entreprises". Lundi 14 avril avait lieu le premier d'entre eux. Les organisations patronales étaient réunies à Bercy, pour discuter avec les ministres notamment des droits de douane américains et de la préparation du budget 2026.

En plus des trois organisations patronales représentatives, l'U2P, le Medef et la CPME, étaient présents les responsables de l'Afep (association française des entreprises privées), le lobby des grandes entreprises. Michel Picon, président de l'U2P, l'Union des entreprises de proximité, était présent, représentant l'artisanat, les commerçants et les professions libérales, soit les deux tiers des entreprises françaises.

franceinfo : Comment cette réunion s'est-elle passée  ?

Michel Picon : Sur la forme, ça s'est bien passé, sur le fond, il y a beaucoup d'inquiétudes. Mais le pire n'étant jamais certain, les sujets que nous avons évoqués ont probablement tous une solution. À l'ordre du jour, bien évidemment, il y avait les droits de douane mis en place par la présidence Trump, qui perturbent un petit peu. Nous, organisations patronales, avons réaffirmé notre souhait d'avoir une réponse mesurée, graduée et en tout état de cause européenne. Ce à quoi le gouvernement travaille sous l'impulsion du ministre de l'Économie et des Finances, que j'ai trouvé à sa tâche et tout à fait calme, à hauteur de la situation.

"On ne répond pas à la folie par la folie."

Michel Picon, président de l'U2P

à franceinfo

Il y aura plein de pleins de mesures dans les trois prochaines semaines qui seront annoncées. Bien évidemment, il y a les sujets de GAFAM. Il y a le risque aussi de pénétration plus forte des Chinois qui vont voir leur marché aux États-Unis fermé. On a évoqué tous ces sujets, mais rien n'est arbitré et en tout état de cause, ça ne pourra être arbitré que de manière européenne.

À propos des GAFAM, les géants du numérique américain (Google, Apple, Facebook, Amazon, Microsoft), que pensez-vous de la question d'une éventuelle imposition européenne de ces entreprises-là ?

Je pense qu'elle n'est pas exclue, mais il faut la faire de manière mesurée. Il faut mesurer le retour que cela aura : une augmentation des prix pour nos concitoyens, et aussi les conséquences qu'il pourrait y avoir à des mesures de rétorsion. Je pense à l'industrie touristique et particulièrement à nos hôteliers, qui sont dépendants pour certains à plus de 30% de leur chiffre d'affaires par une société qui s'appelle Booking. Bien sûr, tout cela demande beaucoup de pondération et beaucoup de réflexion avant d'agir.

Pour revenir sur ces droits de douane, Donald Trump a suspendu ceux qui visent entre autres l'UE pour 90 jours. Cela ne vous rassure pas ?

Non, ce n'est pas rassurant, parce qu'il reste 10% tout de même de droits de douane. Dans sa grande générosité, il est passé de 20% à 10%, pour l'ensemble des produits qui vont sur son sol, mais également 25% pour l'acier, l'aluminium et d'autres dispositions.

"Les 90 jours de suspension, il faut les utiliser à négocier. Mais pour négocier, il faut être armé."

Michel Picon

à franceinfo

Quand on voit la façon dont le président Trump traite les sujets, il ne respectera que ceux qui sont forts. Donc il faut qu'on prenne des forces, qu'on prenne des armes pour y aller. Et c'est ce à quoi aujourd'hui le ministère de l'Économie et des Finances s'emploie avec ses partenaires européens.

Pour le budget 2026, vous avez forcément parlé du chiffre des 40 milliards d'euros, l'effort qu'il faut faire, selon le ministre de l'Économie, si on veut arriver à réduire le déficit. A-t-il abordé ce sujet ?

Oui, on a passé une bonne partie de ce premier Conseil des entreprises sur la construction du projet de loi de finances 2026 et du projet de loi de finances de la Sécurité sociale. Oui, 40 milliards, ce n'est pas facile à trouver, surtout que ça vient après un budget 2025 qui était déjà difficile à rééquilibrer. Ça nécessitera, il faut le dire, l'effort de tous. Et de l'État, et aussi des petites entreprises que je représente, parce qu'on va demander aux collectivités locales de réduire la voilure. Les entreprises, il faut y aller avec beaucoup de précaution, parce que derrière l'entreprise, il y a de l'emploi. Et si on déséquilibre trop l'entreprise, c'est l'emploi que l'on touche.

Nous avons exprimé deux sujets qui ont déjà été affectés et sur lesquels je pense qu'il ne faut pas aller plus loin. Le premier, c'est la formation et notamment la formation des plus jeunes, les contrats d'apprentissage. Il ne faut plus y toucher, parce que ça a déjà été fait. C'est une chance pour nos enfants qui rentrent en apprentissage. 80% de ceux qui préparent un CAP, un BEP ou un bac pro trouvent un travail à la sortie. Et on a besoin de plus en plus de Français qui travaillent dans notre pays. Et puis le deuxième sujet, c'est celui de l'abaissement des exonérations de cotisations sociales sur les bas salaires. S'il y a ces exonérations, c'est bien parce que dans notre pays le coût du travail est trop élevé. Et il faut vraiment s'attaquer à ce sujet du financement de la protection sociale de notre pays.

Demain matin, François Bayrou réunit une conférence des finances publiques. Y allez-vous ?

Oui, bien sûr. Cette conférence a pour but de faire partager la situation, pour que chacun prenne bien compte de la situation.

"On ne peut plus continuer à vivre à crédit, comme nous le faisons depuis 40 ans."

Michel Picon

à franceinfo

Remettre aux générations futures le poids de la dette que nous consommons aujourd'hui, franchement, ce n'est pas raisonnable. Il y a longtemps qu'on aurait dû le faire. C'est un travail de tous. Il va falloir privilégier les achats français. Il va falloir que chacun sur la sécurité sociale fasse un peu d'effort. Si chacun apporte sa pierre à l'édifice, ça sera douloureux pour personne.

Pour vous, très petites entreprises, artisans, commerçants, indépendants, quelle peut être votre pierre ?

Ça va déjà être de réorganiser nos entreprises en fonction de marchés qui vont baisser. La consommation n'a jamais été aussi basse qu'en ce moment. Les défaillances des entreprises, ce sont 66 000 entreprises qui sont parties au tapis, c'est déjà une pierre importante. Les contrats des collectivités locales seront certainement plus faibles si on leur demande d'être à contribution. Les petites entreprises, elles vont avoir des difficultés. Mais moi, j'ai confiance dans leurs capacités, dans leur résilience. Elles vont s'adapter. On doit tous imaginer que les subventions d'aujourd'hui, ce sont les impôts de demain.

L'Association des maires de France n'ira pas demain matin à la conférence de François Bayrou. Elle dénonce une séquence de communication. "Aucun ordre du jour détaillé ou document de travail n'a été fourni aux organismes convoqués", écrit-elle dans un communiqué. Comprenez-vous cet avis-là ?

Non, franchement, je pense que ce sont des postures politiques. Elles nous ont menés dans la situation que nous connaissons aujourd'hui, donc il faut en sortir. La situation des collectivités locales, tout le monde la connaît, et s'exonérer de participer à un constat collectif pour en tirer ensemble des conclusions, non, je ne crois pas que ce soit une bonne chose. Je le regrette d'ailleurs, parce qu'on est souvent mis à contribution par les collectivités locales. Et moi je les appelle à la modération fiscale sur les entreprises.

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