Fin du "conclave sur les retraites" : "On pourra toujours reprendre une discussion à laquelle je participerai avec plaisir", dit le président de l'U2P
Après six mois et une quinzaine de réunions, les partenaires sociaux sont réunis au ministère du Travail, mardi, pour ce qui est censé être la dernière séance de négociation de ce que le Premier ministre a appelé le "conclave sur les retraites".
Mardi 17 juin, pour la dernière séance prévue du fameux "conclave sur les retraites", syndicats et patronat ont travaillé sur des possibles améliorations à la réforme des retraites de 2023, qui a repoussé l'âge de départ à la retraite de 62 à 64 ans. Parallèlement aux syndicats FO et CGT, l'U2P, l'Union des entreprises de proximité, a été la seule organisation patronale à quitter la table des négociations en mars dernier, pour protester sur un éventuel retour de l'âge de départ à 62 ans.
Franceinfo : En tant que président de l'U2P, appelez-vous de vos vœux un accord ce soir ?
Michel Picon : Oui, bien sûr. Je suis un fervent défenseur du paritarisme, j'y crois. Et donc, évidemment, lorsque les partenaires sociaux négocient, c'est bien qu'ils trouvent un accord. Même si ce conclave est quand même un peu miné par les dimensions politiques qu'il a prises. On n'a jamais vu un accord entre partenaires sociaux aussi dépendant de conséquences politiques à l'Assemblée. Tout cela, c'est une des raisons aussi qui nous a amenés à sortir.
Sur quoi pourrait porter cet accord, à votre avis, dans le camp patronal ?
Ce pourquoi, dès le début, nous pouvions travailler, c'étaient les distorsions entre les retraites des hommes et des femmes, souvent dues à la maternité, et les sujets d'usure professionnelle qui font qu'un certain nombre de nos concitoyens n'arriveront pas à travailler jusqu'à 64 ans. Donc il faut prendre en compte l'usure professionnelle et puis aussi la pénibilité pour un certain nombre de professions.
Justement, les syndicats veulent réintroduire des critères pour permettre de partir plus tôt : le port de charges lourdes, les postures pénibles. Et la CPME a une proposition intermédiaire : des "points d'usure" qui permettrait de se reconvertir, par exemple, mais avec l'agrément de la médecine du travail. Est-ce un point de passage qui vous conviendrait ?
Oui, je pense qu'on ne peut pas systématiser la pénibilité, c'est plutôt individu par individu qu'il faut regarder. Si on fait une réforme pour pousser les gens jusqu'à 64 ans, ce n'est pas pour les rendre malheureux, c'est parce que ça s'impose économiquement. Donc il y a un certain nombre de personnes pour qui il faudra prendre des dispositions particulières, notamment ceux exposés à des métiers pénibles. Mais ça s'apprécie individu par individu, avec la médecine du travail. Je trouve que c'est une bonne analyse parce que sinon on va arriver à 60% de la population qui va dire : "J'avais un métier pénible et par conséquent, moi je ne pars pas à 64 ans, mais à 62 ou 61." Et le système ne fonctionne pas.
Vous qui représentez les petits patrons, craignez-vous qu'énormément de gens partent avant l'âge légal, vous préférez la prévention des reconversions ?
Si cette réforme pousse à 64 ans l'âge de départ, ce n'est pas pour rendre les gens malheureux, c'est simplement parce que si l'on veut pouvoir assurer le paiement de ses pensions, il faut repousser les bornes d'âge.
"Au nom de quoi, dans notre pays, en France, on pourrait se dispenser de toutes ces contraintes qui touchent tous les pays européens ?"
Michel Pison, président de l'U2Pà franceinfo
Nous avons une démographie qui est déséquilibrée. Les gens qui sont en retraite aujourd'hui disent, à juste titre, j'ai cotisé, donc je dois toucher, mais ils ont cotisé à 14% alors qu'aujourd'hui on en est à 28.
Donc si les personnes qui disent qu'elles sont usées par leur travail peuvent passer devant la médecine du travail, êtes-vous prêt à les accompagner dans le cadre d'une reconversion ?
Absolument. Il faut d'abord travailler sur la prévention, notamment la prévention sur l'usure. Et il faut accompagner ceux pour qui ce n'est pas possible, dont la santé est altérée et qui ne profiteront pas longtemps de la retraite. Mais pour ça, il faut de la ressource. Parce que tout ça, ça coûte de l'argent, de même que le rééquilibre entre les hommes et les femmes.
Un point de rééquilibre, ce serait de revoir l'âge de la décote. Aujourd'hui, si on n'a pas tous ses trimestres, on doit attendre 67 ans pour partir à taux plein. Les syndicats proposent 66 ans. Cela concernerait 120 000 personnes, dont 80 000 femmes. Qu'en pensez-vous ?
Je trouve que ça serait très bien, mais c'est 1,2 milliard d'euros de plus dans une situation économique qui prévoit déjà 6 milliards d'euros de déficit en 2030. Et donc il faut regarder ça avec plus de précision et le faire seulement pour ceux pour qui c'est nécessaire, mais pas pour tous. On ne peut pas généraliser.
Pour les petites retraites notamment ?
Oui, les petites retraites, et puis aussi par rapport à l'espérance de vie, en fonction de la profession que l'on a. Elle doit pouvoir être un des paramètres et qui ajuste les choses.
Ne craignez-vous pas de créer une nouvelle usine à gaz sur la décote ?
Dès qu'on veut travailler en exonérant la règle générale, ça devient toujours usine à gaz, évidemment.
"La décote, la passer à 66 ans, de manière générale, ce n'est pas possible, car c'est 1,2 milliard d'euros."
Michel Piconà francienfo
Autre voie de passage, suggérée par le Premier ministre il y a quelques jours : une "prime senior", sorte de cumul emploi retraite qui permettrait aux seniors de rester en emploi tout en touchant une partie de leur retraite. Qu'en dites-vous ?
C'est sorti comme un lapin d'un chapeau. Pardon de le dire ainsi, mais la veille d'une clôture de conclave, le Premier ministre a fait cette avancée. Ce n'est pas idiot car notre pays souffre d'une sous-activité des seniors, pour de multiples raisons. Donc ça pourrait permettre de maintenir plus de seniors au travail, pour ceux qui le veulent, sur la base du volontariat, d'avoir 64 ans, tous ses trimestres et de rester un an de plus parce que le travail me plaît.
Vous, patron toujours, vous seriez prêt à jouer le jeu ?
Nos salariés, nous, on souhaite les garder. On en a besoin. Ils ont l'expérience, ils transmettent. Et dans ces conditions-là, le salaire continuera à être payé, des cotisations rentreraient dans la caisse et une partie de la retraite serait versée en plus du salaire. Dans quelle proportion ? On n'en sait rien. Mais ça peut correspondre à des besoins d'un certain nombre de nos concitoyens.
Pour finir sur la méthode, vaut-il mieux se quitter ce soir sur un constat d'échec ou prendre quelques jours supplémentaires ?
Il faut trouver une solution et peut-être prolonger si on n'y arrive pas. En tout cas, la situation ne serait pas dramatique sur le plan des retraites. La réforme Borne s'appliquera, elle se déroulera. On pourra toujours reprendre une discussion - à laquelle je participerai avec plaisir - sur la définition d'aménagements à la réforme Borne. Mais il faut arrêter d'hystériser, avec des conséquences politiques, ce débat.
À regarder
-
Vagues, rafales : la tempête Benjamin a battu des records
-
Tempête Benjamin : sauvetage en pleine mer
-
Nouvelle-Calédonie : 50 détenus attaquent l'État en justice
-
Cancer : grains de beauté sous surveillance grâce à l'IA
-
La langue des signes est-elle en train de mourir ?
-
Un malade de Parkinson retrouve l'usage de ses jambes
-
Ils crient tous ensemble (et c'est ok)
-
Obligée de payer une pension à sa mère maltraitante
-
Maison Blanche : Donald Trump s'offre une salle de bal
-
Musée du Louvre : de nouvelles images du cambriolage
-
Traverser ou scroller, il faut choisir
-
Manuel Valls ne veut pas vivre avec des regrets
-
Nicolas Sarkozy : protégé par des policiers en prison
-
Piétons zombies : les dangers du téléphone
-
Tempête "Benjamin" : des annulations de trains en cascade
-
Femme séquestrée : enfermée 5 ans dans un garage
-
Vaccin anti-Covid et cancer, le retour des antivax
-
A 14 ans, il a créé son propre pays
-
Ils piratent Pronote et finissent en prison
-
Aéroports régionaux : argent public pour jets privés
-
Bali : des inondations liées au surtourisme
-
Cambriolage au Louvre : une nacelle au cœur de l'enquête
-
Alpinisme : exploit français dans l'Himalaya
-
Un objet percute un Boeing 737 et blesse un pilote
-
Cambriolage au Louvre : où en est l'enquête ?
-
Jean-Yves Le Drian défend l'image de la France
-
Chine : 16 000 drones dans le ciel, un nouveau record du monde
-
Donald Trump lance de (très) grands travaux à la Maison Blanche
-
Glissement de terrain : des appartements envahis par la boue
-
Emmanuel Macron sème la confusion sur la réforme des retraites
Commentaires
Connectez-vous ou créez votre espace franceinfo pour commenter.
Déjà un compte ? Se connecter