L'usine Caremag ambitionne "de produire 600 tonnes de terres rares", estime son président
Ces "600 tonnes représentent 15% de la production mondiale actuelle", se félicite sur franceinfo Frédéric Carencotte, le président de la société Caremag.
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D'ici 2027, Caremag, la toute première usine française de recyclage des terres rares devrait voir le jour à Lacq, dans les Pyrénées-Atlantiques. "On a décidé de démarrer par une unité de recyclage d'aimants permanents à laquelle on couple une unité de raffinage de terres rares lourdes", explique jeudi 10 avril Frédéric Carencotte, fondateur de Carester et président de la société Caremag. "Le recyclage couplé au raffinage va nous permettre, pour certaines terres rares, les terres rares lourdes, de produire 600 tonnes de ces terres rares, poursuit-il, ce qui représente 15% de la production mondiale actuelle".
Un projet d'usine qui a pour ambition de permettre à la France de sortir de la dépendance chinoise en la matière. "Aujourd'hui, 65% des mines de terres rares sont en Chine. Plus de 80% du raffinage des terres rares est fait en Chine, dit-il. Nous n'avons pas de mines en France, pas en Europe. Il y a six ans, on a décidé de lancer un projet de recyclage d'aimants contenant des terres rares".
Franceinfo : D'abord, à quoi servent ces terres rares ?
Frédéric Carencotte : Les terres rares permettent de faire des aimants permanents, et les aimants aux terres rares sont les aimants les plus puissants qui existent commercialement. On les utilise notamment dans des moteurs électriques, car ceux avec aimants sont plus performants, et un moteur électrique avec aimants aux terres rares est encore plus performant. Parce que quand on va avoir besoin d'un moteur électrique léger ou de petite taille, on va mettre l'aimant le plus efficace qui existe commercialement, donc on va mettre un aimant aux terres rares. Donc aujourd'hui, la plupart des moteurs électriques des voitures électriques, la plupart des moteurs électriques des voitures hybrides et la plupart des turbines d'éolienne offshore sont équipés d'aimants permanents aux terres rares.
Le problème pour nous, Français et européens, c'est que la Chine a le monopole des terres rares. Mais l'Europe a décidé de limiter cette dépendance. Est-ce vital, selon vous ?
Aujourd'hui, 65% des mines de terres rares sont en Chine. Plus de 80% du raffinage des terres rares est fait en Chine. Il y a six ans, quand j'ai monté cette société, nous avons décidé de faire une société de services, mais également d'avoir notre propre projet. Nous n'avons pas de mines en France, pas en Europe. En revanche, les aimants existent déjà dans plein d'outils que l'on utilise aujourd'hui, nous avions devant nous une mine urbaine. On a décidé de lancer un projet de recyclage d'aimants contenant des terres rares.
En France, on n'a pas de terres rares, mais vous avez des idées pour votre future usine Caremag. Elle va être construite à Lacq, dans les Pyrénées Atlantiques. Votre idée, c'est le recyclage, la "récup'". C'est ça la solution ?
Caremag va recycler des aimants à partir de trois sources. On dit souvent que les aimants sont utilisés pour les moteurs électriques, mais leur recyclage, ce n’est pas pour demain. En revanche, dès aujourd'hui, les aimants sont fabriqués.
"Quand on fabrique un aimant aux terres rares, il faut le couper et on a des chutes de production qui vont de 15 à 30%. Donc on va commencer par recycler ces chutes de production des fabricants d'aimants."
Frédéric Carencottesur franceinfo
Aujourd'hui, ces chutes partent en Asie essentiellement, qui est le seul endroit où on peut les recycler. On va donc les garder. On va aussi récupérer les chutes de production des assembleurs de moteurs et commencer à récupérer les aimants contenus dans les équipements en fin de vie : les voitures usagées, les éoliennes usagées ou les prototypes d'éoliennes, les trottinettes usagées, parce que 100% des trottinettes électriques contiennent des aimants aux terres rares.
Vous voulez devenir le premier recycleur européen de terres rares. Dans les objets contenant des terres rares, il y en a beaucoup à récupérer ?
Selon les objets, ça va de quelques grammes à plusieurs tonnes. Une éolienne offshore, aujourd'hui, c'est plusieurs tonnes d'aimants aux terres rares. Une voiture électrique, c'est quelques kilos. Donc oui, il y a des aimants aux terres rares à récupérer dans de nombreuses applications.
Votre objectif, c'est la souveraineté ? Est-ce possible et à quel horizon ?
On a décidé de démarrer par une unité de recyclage d'aimants permanents à laquelle on couple une unité de raffinage de terres rares lourdes. Le recyclage couplé au raffinage va nous permettre, pour les terres rares lourdes, d'en produire 600 tonnes. Cela représente 15% de la production mondiale actuelle, ce qui est déjà pas mal.
Que pensez-vous de la reprise de Vencorex, cette usine chimique en France, indispensable à la dissuasion nucléaire, reprise aujourd'hui par un groupe chinois ? On a l'impression qu'elle fait le trajet inverse du vôtre.
"Moi, aujourd'hui, j'ai monté un projet, j'ai sécurisé des fonds : 216 millions d'euros auprès de l'Etat français qui nous aide depuis 2020 avec des subventions. Un partenaire japonais met également 110 millions d'euros".
Frédéric Carencottesur franceinfo
Ces partenaires me permettent de sécuriser la construction de l'usine, le fonctionnement de ses premières années. Et à côté de cela, j'ai des partenaires sur le long terme pour acheter mes produits : les Japonais, qui m'apportent aussi des financements, mais également Stellantis avec qui j'ai un contrat de dix ans.
Cet accord France-Japon, n'est-ce pas déjà une autre dépendance ? Où se trouve l'Europe, quels fonds va-t-elle vous donner ?
L'Europe nous aide via le Critical Raw Materials Act.
"L'an dernier, l'Europe a émis un acte européen, dans lequel il est écrit que, à l'horizon 2030, l'objectif est d'utiliser des aimants en Europe, dont 25% proviendront du recyclage. Des aimants pour lesquels 40% du raffinage aura été fait en Europe."
Frédéric Carencottesur francinfo
Moi, je souscris complètement à cela. Et cette volonté de l'Europe, ces objectifs, nous permettent à nous d'attirer des clients qui veulent pouvoir vendre leurs produits en Europe.
Oui, mais vous n'avez pas tout à fait répondu à ma question parce que moi, je voyais dans votre attelage financier, pour l'instant, des Japonais qui ne sont pas des Européens. Est-ce une autre forme de dépendance ?
Aujourd'hui, je dirais plutôt d'un partenariat complémentaire entre la France et le Japon. La France est en Europe, donc on a la France et le Japon qui s'allient pour sécuriser les terres rares à moyen et long terme.
Vous avez déjà des clients alors que l'usine doit commencer à tourner début 2027. Le Japon ne sera pas votre unique client. Vous commencez à évoquer la filière automobile ?
Nous avons annoncé en septembre dernier un contrat de dix ans avec Stellantis qui nous permet d'avoir de la visibilité sur des volumes, visibilité sur des prix, qui nous ont aidées à financer notre investissement. Nous en avons d'autres, mais ça n'est pas public aujourd'hui.
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