SNCF : Jean-Pierre Farandou pense que "le record de 24 millions de billets vendus pendant l'été peut être battu"

Alors que les vacances d'été débutent, Jean-Pierre Farandou, le PDG de la SNCF est optimiste. "Les Français ont envie de prendre le train et on s'en réjouit", dit-il.

Article rédigé par Isabelle Raymond
Radio France
Publié
Temps de lecture : 11min
Jean-Pierre Farandou, le PDG de la SNCF, en février 2023. (ALAIN JOCARD / AFP)
Jean-Pierre Farandou, le PDG de la SNCF, en février 2023. (ALAIN JOCARD / AFP)

L'actuel PDG de la SNCF, encore pour quelques mois, Jean-Pierre Farandou, annonce vendredi 4 juillet sur franceinfo, que les ventes "pourraient terminer à pas loin de 25 millions de billets vendus pendant l'été". Pour des millions de Français, c'est le début des vacances d'été. La SNCF a prévu de faire rouler plus de 2 400 trains tout au long du week-end, des TGV, des Ouigo, des Intercités. Ce sont 1,3 million de voyageurs qui sont attendus dans les gares. La société a aussi prévu de renforcer le trafic tout l'été avec 800 trains grandes lignes chaque jour en circulation.

franceinfo : Pensez-vous battre un nouveau record en termes de billets vendus cet été ?

Pour le moment, les ventes sont très, très bien parties à la fois au mois de juin et pour tout l'été. Oui, je pense que le record de 24 millions de billets vendus peut être battu. On pourrait terminer pas loin de 25 millions de billets vendus pendant l'été, donc 25 millions de personnes transportées pendant cet été. Les Français ont envie de prendre le train et on s'en réjouit. C'est un mode efficace et un mode pratique, c'est un mode écologique et les Français nous le prouvent. Il n'y a jamais eu autant d'appétit des Français pour le train. On est absolument ravis de les aider à partir en vacances.

Craignez-vous que la chaleur ou les intempéries viennent perturber le trafic, comme ça a été le cas en début de semaine sur la ligne Paris-Milan, notamment ?

La chaleur, ou plus largement le changement climatique, est effectivement importante et vient percuter parfois la circulation des trains. Dans la Maurienne, on sait que c'est une inondation, des pluies diluviennes qui ont ruisselé, un torrent qui est sorti de son lit et qui a amené un torrent de boue qui a interrompu la circulation ferroviaire. Ça, c'est une première chose. Les intempéries, les inondations, puis la chaleur. La chaleur, c'est d'abord une gêne pour nos voyageurs. Ce n'est pas toujours très agréable de voyager quand il fait très chaud.

Les trains sont-ils climatisés ?

Les trains sont climatisés. Les climatisations souffrent parfois un petit peu parce qu'elles sont données à fond pour maintenir la température la plus agréable possible à bord. Nos personnels aussi sont sollicités dans les trains, dans les gares ou dans les différents chantiers. Dilatation des rails, dilatation des caténaires, tout ça souffre. Alors on s'y prépare, bien évidemment.

Mais c'est de plus en plus important chaque été ?

Oui, bien sûr. Plus elle monte en degrés, plus elle dure dans le temps, plus effectivement nos installations sont mises à rude épreuve. Donc oui, c'est quand même pour nous des moments compliqués et d'autant plus qu'il y a énormément de monde dans les trains comme on l'a dit. Mais bon, on est là pour faire face, on fait face, on se mobilise pour réussir les départs des Français.

L'avion est moins cher de 37% en moyenne sur les liaisons de province à province, quand un changement de train est nécessaire. Et la voiture est moins chère de 30% en moyenne quand on part en famille. Ce sont les résultats d'une étude comparative qui a été publiée cette semaine par l'Association de défense de consommateurs UFC Que choisir avec le Réseau Action Climat. Est-ce normal que la voiture ou que l'avion soit parfois moins cher que le train ?

Il y a aussi des cas où le train est moins cher dans leur étude. Il faut quand même le dire aussi. Il y a quand même des cas où le trait est moins cher, comme pour des trains directs sur des distances raisonnables par rapport à l'avion en particulier et notamment en France. Bonne nouvelle parce qu'on a beaucoup de nos déplacements qui se passent en France sur des relations directes à partir de la région parisienne par exemple. Alors, le prix du train, c'est un vieux débat, le prix du TGV. Je ne pense pas qu'on parle du prix des TER et des trains d'Ile-de-France qui est très raisonnable. Le prix du train, il couvre le coût du train. Et produire un train et faire circuler un train, ça coûte cher. Il y a le péage. Vous savez, c'est comme les autoroutes. 

"On paie un péage pour faire circuler les trains qui est très élevé, c'est 40% du prix du train."

Jean-Pierre Farandou

sur franceinfo

Donc c'est beaucoup. Il y a les engins eux-mêmes qui coûtent très cher. Un TGV neuf, c'est 35 millions d'euros, donc bien sûr ça se répercute dans le prix du train. Il y a les salaires des personnels et c'est normal de payer correctement les personnels. Il y a les taxes, ça ne se sait pas, mais on paie 10% de TVA. Quand on additionne tous ces coûts-là, on arrive à un coût total. Il est normal que le TGV, qui est un service commercial, il n'y a pas de subvention, répercute dans son prix le coût de production.

Mais est-ce normal que l'avion, parfois, coûte moins cher que le train ?

C'est parfois, le mot est dans le parfois, si ce sont quelques prix sur des low cost, on sait très bien que parfois tous les coûts ne sont pas pris en charge. Il y a les fameuses taxes sur les kérosènes, par exemple, où il n'y a pas de taxes, alors que nous, on paie tous les impôts. Voilà, on peut en discuter. Moi ce que je vois, c'est que les trains sont remplis, bien remplis. On fait attention à nos prix. Il y a les Ouigo, c'est fait pour. C'est notre réponse à ce que vous avez dit sur les familles qui prennent leur voiture pour qu'il y ait une alternative raisonnable. Je rappelle que pour un enfant dans un Ouigo, c'est 5 euros ou 10 euros, ce n’est pas cher du tout. Voilà, on est très attentifs. Et on a pris la décision stratégique qu'il y ait plus de Ouigo encore dans notre pays puisqu'on va monter à 30% le nombre de places Ouigo dans l'offre TGV.

Vous avez de nouveaux concurrents sur les lignes à grande vitesse avec la Renfe espagnole qui a ouvert deux lignes Lyon-Barcelone et Marseille-Madrid et Trenitalia, l'italienne, sur Paris-Lyon et Paris-Marseille. Ces deux compagnies concurrentes pratiquent des prix plus bas en moyenne que ceux de la SNCF. Comment est-ce possible ?

Ils sont libres de leur politique commerciale. Je n'ai pas de commentaire à faire. Nous, d'abord, on peut s'ajuster. C'est ce qu'on a fait entre Paris et Lyon. Nous aussi on est capables d'ajuster nos prix s'il le faut. Et sur Paris-Lyon, Trenitalia n'a pas beaucoup baissé les prix parce qu'il faut qu'ils fassent attention aussi à leurs résultats. S'ils exploitent des trains en France pour perdre de l'argent, je ne suis pas sûr que leur actionnaire, l'Etat italien, soit complètement satisfait. Donc Trenitalia devra aussi faire attention aux prix pratiqués pour qu'à la fin leur exploitation soit rentable. Voilà donc les concurrents aussi le problème c'est qu'eux n'ont pas de contraintes que nous avons. Par exemple Trenitalia, ne s'arrête pas à Valence, ne s'arrête pas au Creusot. Nous, ce sont des villes que nous desservons avec nos TGV. Ça nous coûte de l'argent ces arrêts intermédiaires, ce sont des contraintes d'aménagement du territoire qui aujourd'hui ne sont pas du tout prises en charge par des concurrents. On pense qu'il y a un problème d'équité, d'équité concurrentielle et nous souhaitons qu'avec le gouvernement, on trouve les moyens de rendre équitable la manière dont on assure des missions d'aménagement du territoire avec la grande vitesse.

Il faudrait que les concurrents qui exploitent ces lignes s'arrêtent tout au long du trajet, c'est ce que vous préconisez ?

Oui, par exemple, ça peut être une solution qu'ils aient des contraintes d'arrêts intermédiaires comme nous. Ou alors il faut s'acquitter d'une espèce de taxe d'aménagement du territoire pour compenser le fait qu'ils n'ont pas les mêmes missions de service public que nous avons.

Un de vos chevaux de bataille, c'est le financement du réseau. Vous êtes particulièrement alarmiste sur l'état du réseau, avec, selon vous, un tiers des lignes qui sont quasiment en état de délabrement. N'est-ce pas un peu exagéré ?

Ce que je peux vous dire, c'est que si on n'arrive pas à trouver 1 milliard d'euros supplémentaires à partir de 2028 qui s'ajoute aux 3,5 milliards qu'on a déjà décidé de mettre dans le renouvellement du réseau, on aura des problèmes puisque c'est 4 000 kilomètres de ligne sur environ 28 000 qui seront abîmés, avec des pannes, des retards, des incidents, de l'irrégularité, enfin bref, tout ce que les gens n'aiment pas ou des réductions de vitesse parce que l'état de la ligne ne permettra pas de rouler à vitesse normale. Donc c'est très important. 

"Et si on ne fait toujours rien en 2032, c'est 10 000 kilomètres de ligne qui seront pénalisés, quasiment 40% de notre grand réseau national légué par nos anciens et qu'on doit absolument maintenir en bon état."

Jean-Pierre Farandou

sur franceinfo

Donc ce sont des lignes en particulier qui sont dans cet état-là, des lignes que les gens empruntent Paris-Clermont, Paris-Limoges, enfin, ce sont des lignes que les gens connaissent ?

Ce sont des lignes importantes, bien évidemment, un peu partout en France. Le réseau structurant, je ne parle pas même pas des petites lignes, de dessertes fines du territoire. Ce sont des lignes importantes qui petit à petit seront menacées, seront abîmées, où la qualité de service baissera si nous n'arrivons pas à trouver ce milliard d'euros supplémentaire. Je dis bien à partir de 2028, on n'est pas en train de peser sur le budget de 2026.

Mais c'est maintenant que ça se décide, à votre avis ? Il y a une conférence du financement qui est en train de se terminer. Elle doit normalement décider comment est ce qu'on finance justement le renouvellement et la modernisation du réseau.

Effectivement, il y a une conférence de financement des infrastructures avec un volet ferroviaire important qui est en train de se finaliser. Je crois que le rapport de cette conférence sera rendu la semaine prochaine au ministre des Transports. Oui, il faut décider maintenant, parce que pour organiser la circulation des trains et les travaux en 2028, c'est en septembre 2025 qu'il faudra décider. Donc en septembre 2025, il faudra savoir si oui ou non nous avons ce milliard d'euros supplémentaires à partir de 2028.

Et notre réseau est plus ancien que celui d'un de nos voisins européens ?

Notre réseau français est en moins bon état que nos voisins européens. Il a 30 ans de moyenne d'âge. Le réseau allemand a 18 ans, le réseau suisse 15 ans. Mais ces 30 ans de moyenne, ça cache parfois des gros écarts. On a des rails qui ont plus de 100 ans dans l'est de la France. On a des caténaires, vous savez ces fils qui conduisent l'électricité pour alimenter les moteurs, notamment dans les Landes, qui ont plus de 70 ans. Et quand il fait très chaud, le cuivre est plus fragile et ça casse. Ça crée des gros incidents où des milliers de voyageurs se retrouvent bloqués pendant des heures. On ne demanderait pas mieux que de les changer ces caténaires. Encore faut il qu'on ait l'argent pour le faire.

Commentaires

Connectez-vous ou créez votre espace franceinfo pour commenter.