"Tout le monde cherche son procès politique" : l'augmentation des commissions d'enquête parlementaire agace des députés

Le nombre de ces instances de contrôle a bondi ces dernières années. "Il y en a un peu trop", pense même la présidente de l'Assemblée nationale, Yaël Braun-Pivet.

Article rédigé par Victoria Koussa
Radio France
Publié
Temps de lecture : 3min
L'animateur Cyril Hanouna auditionné à l'Assemblée nationale dans le cadre de la commission d'enquête sur l'attribution, le contenu et le contrôle des autorisations de services de télévision. (LP/OLIVIER LEJEUNE / MAXPPP)
L'animateur Cyril Hanouna auditionné à l'Assemblée nationale dans le cadre de la commission d'enquête sur l'attribution, le contenu et le contrôle des autorisations de services de télévision. (LP/OLIVIER LEJEUNE / MAXPPP)

Industriels, patrons de presse, responsables politiques, acteurs... Ils sont de plus en plus nombreux à prendre place dans cette grande salle de l’Assemblée nationale ou du Sénat qui ressemble à une cour d’audience et se transforme parfois en tribunal politique. D’un côté les auditionnés, qui prêtent serment avant de passer sur le grill des rapporteurs, assis face à eux. Ces commissions sont essentielles à la vie parlementaire, servent à contrôler l’action du gouvernement, à "évaluer les politiques publiques". Mais Yaël Braun-Pivet, présidente du Palais Bourbon, a estimé dimanche 18 mai sur France 3 qu’il y en a "un peu trop" ces derniers temps.

Ce qu'elle dit est vrai. Franceinfo en recense plus de neuf par an en moyenne depuis 2022, depuis qu’Emmanuel Macron est privé de majorité. C’est deux fois plus que lors de son premier mandat, qui a malgré tout connu la commission sur l'affaire Benalla et trois fois plus que sous le socialiste François Hollande. Sous Nicolas Sarkozy (UMP), il n’y en avait qu'une par an, toujours en moyenne, et la tendance s’accélère sous cette nouvelle législature post-dissolution. La première raison est mathématique : il y a beaucoup plus de groupes politiques aujourd’hui à l'Assemblée, onze. Un record sous la Ve République, et chacun de ces groupes a le droit de lancer une commission parlementaire par session, en gros par année scolaire. La deuxième raison, c’est que l’hémicycle est fracturé, et ces groupes veulent se faire entendre, prendre la lumière sur certains sujets.

Des confrontations qui font du clic

Façon d'exister, à tout prix, déplorent des parlementaires. "Chaque fait divers donne lieu à sa commission d’enquête, comme il n’y a plus de place pour les textes de loi, tout le monde a l’espoir d’imprimer et cherche son procès politique", dénonce à franceinfo un cadre macroniste. D’autant que la confrontation fait du clic, attire : 200 000 spectateurs, par exemple, devant La Chaine Parlementaire pour l’audition de François Bayrou dans le sillage de l’affaire Bétharram, assure à franceinfo une source haut placée à l’Assemblée, soit quatre fois plus d’audience qu’en temps normal.

Certains craignent que cette arme parlementaire n’en sorte affaiblie. La force d’une commission est de rendre des recommandations, à la fin de six mois de travaux, de faire bouger les lignes, grâce notamment à un pouvoir : celui de convoquer qui elle veut. Sauf que cette surmédiatisation effraie des acteurs clés de certains dossiers, industriels, patrons… Récemment, le milliardaire Pierre-Édouard Stérin a refusé de comparaître dans l’une d’elles, consacrée à l’organisation des élections, malgré le risque d’une peine de deux ans de prison - peine rarement exécutée.

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