: Enquête

"Mémoricide", "Populicide"... Philippe de Villiers est-il un phénomène littéraire ?

Après le succès de son livre Mémoricide, sorti en 2024, et dont 230 000 exemplaires ont été vendus (selon les chiffres de franceinfo), le fondateur du Puy du Fou, ancien député européen et candidat à l'élection présidentielle sort un deuxième opus Populicide, mercredi 8 octobre. Un brûlot anti-immigration dans lequel il décrit un peuple français en voie de disparition.

Pour comprendre les ressorts de ce succès littéraire, rendez-vous dans une librairie de l'Ouest parisien où les ventes de Mémoricide atteignent des records dans la catégorie livre politique. Mais il ne faut pas le dire trop fort.

Quel est le profil des lecteurs ?

Sur la dizaine de libraires sollicités, deux, seulement, acceptent de parler de Philippe de Villiers. Parmi eux Agnès, installée depuis 30 ans dans le XVIe arrondissement de Paris et qui s'est fait dévaliser : "Je n'en ai plus." Elle a vendu 250 exemplaires, "c'est beaucoup, mais il a le public, cela s'est beaucoup offert à Noël et cela continue. Je pense qu'il y a beaucoup de tapage médiatique qui lui donne une force." Les lecteurs sont "assez âgés entre 60-80 ans et plutôt cultivés."

Charles-Henri, par exemple, un magistrat à la retraite, qui se définit comme un homme de centre gauche, mais visiblement très ouvert aux idées de l'extrême droite. Son dernier achat, "c'est un livre sur les Le Pen. Je ne suis pas du tout RN, mais j'ai un peu envie de me renseigner." Il a aussi acheté le dernier livre de Philippe de Villiers.

"Il remue des idées intéressantes et, il faut le reconnaître, on a dépassé le nombre d'immigrés acceptable dans la société française."

Charles-Henri

franceinfo

Jean-Pierre, lui, achètera, dès sa sortie, le nouveau livre de l'ancien député européen. Ce septuagénaire n'est pourtant pas un amateur de livres politiques, mais il en a entendu parler à la télévision et pas sur n'importe quelle chaîne. "C'est par CNEWS", chaîne du groupe Bolloré, qui consacre au fondateur du Puy du Fou une heure d'émission toutes les semaines, une sorte de caisse de résonance, qui lui permet de mettre en avant ses idées, parfois complotistes, notamment la théorie du grand remplacement.

"Nous sommes en train de changer de peuplement"

Il n'y a qu'à lire les premières lignes de Populicide, qu'il présente comme son livre testament. "Nous sommes en train de changer de peuplement, nous sommes en train de changer d'art de vivre, de civilisation. Quand on tue un homme, cela s'appelle un homicide et quand on tue un peuple, cela s'appelle un populicide", a déclaré Philippe de Villiers, début septembre 2024.

Les dangers de l'immigration et les prétendus mensonges véhiculés par les élites, voilà ce que l'auteur décline tout au long des 384 pages de ce nouvel ouvrage. Les premiers extraits seront publiés en exclusivité par le Figaro Magazine, ce week-end. Combien d'exemplaires seront tirés ? Le secret est bien gardé par Fayard, sa maison d'édition, propriété du groupe Bolloré, qui a refusé de nous répondre. Difficile de rater le livre en vitrine, avec un grand bandeau rouge concocté par l''éditeur et ces 13 lettres : "Époustouflant".

Auteur polémique ou homme politique ?

Philippe de Villiers est en retrait "de la politique active", mais cela ne l'a pas empêché de soutenir activement Éric Zemmour lors de la présidentielle de 2022. Il est également à l'origine d'une pétition, très politique, pour exiger un référendum sur l'immigration. Un appel à signatures relayé par le JDD, propriété du groupe Bolloré, encore et toujours. Selon Raphaël Llorca, expert en communication à la Fondation Jean-Jaurès, Philippe de Villiers et Vincent Bolloré s'alimentent mutuellement.

"Ce qui est vraiment fascinant dans le cas de Philippe de Villiers, c'est que c'est peut-être celui qui incarne le mieux le projet transmédia de la galaxie Bolloré.

Raphaël Llorca, expert en communication à la fondation Jean-Jaurès

franceinfo

"Il est partout. Voilà plus de 50 ans qu'il a compris que le combat politique ne se menait pas seulement dans les urnes, mais aussi dans les idées, les parcs d'attractions, les livres, dans des chroniques, des tribunes. Tout en étant extérieur au champ politique, il conserve cette force d'influence et de perturbation."

À 76 ans, Philippe de Villiers a-t-il pour autant renoncé à occuper le devant de la scène politique ? "Pas sûr du tout", glisse un parlementaire qui le connaît bien, mais cette question, nous ne pourrons pas la poser au principal intéressé, qui lui aussi a refusé de répondre à franceinfo.