Pétition pour un référendum sur l'immigration : pourquoi on ne peut pas se fier aux chiffres avancés par Philippe de Villiers
L’ancien eurodéputé souverainiste a lancé le 6 septembre une pétition pour "exiger un référendum sur l’immigration". Selon ce qui est indiqué sur le site de la pétition, plus de 1,5 million de personnes ont déjà signé. Mais ces chiffres sont invérifiables.
Depuis le 6 septembre, une pétition, lancée par Philippe de Villiers, appelle à "exiger un référendum sur l'immigration". Le site affiche plus de 1,5 million de signataires au moment de la publication de cet article, mercredi 17 septembre à 18h30.
Un succès dont se félicite l’ancien eurodéputé qui peut compter sur l'appui et la couverture de tous les médias appartenant au milliardaire français conservateur, Vincent Bolloré. Sauf que l'authenticité de toutes ces signatures pose problème.
Des signatures impossibles à authentifier
La pétition est hébergée sur un site créé pour l’occasion et, contrairement aux sites classiques qui hébergent des pétitions en ligne, elle ne dispose d’aucun mécanisme de vérification des identités.
L’Agence de vérification de Radio France a pu signer avec de fausses adresses mail, comme journaliste@123.com. À chaque fois, la signature a été comptabilisée. Une adresse ne peut pas être utilisée deux fois, mais rien n’empêche d’en inventer plusieurs.
À l’inverse, des plateformes comme Change.org envoient un mail de confirmation avant de valider une signature. Et surtout, la comparaison souvent faite par Philippe de Villiers avec la pétition contre la loi Duplomb ne tient pas. Cette pétition, lancée en juillet sur le site de l’Assemblée nationale, a recueilli plus de 2,1 millions de signatures vérifiées. En effet, chaque signataire devait s’authentifier via France Connect, comme pour une déclaration d’impôts, garantissant qu’une personne ne signe qu’une fois.
En comparaison, une autre pétition officielle sur l’immigration, lancée fin juillet sur le site de l'Assemblée dédié, n’a réuni qu'un peu plus de 3 000 signatures en deux mois.
Des failles techniques et une cyberattaque confirmée
D'autres détails posent des questions sur la fiabilité de ce site lancée par Philippe de Villiers début septembre. Depuis son lancement, le site a évolué, notamment pour se conformer davantage aux règles de protection des données (RGPD).
Grâce à l'outil Internet Archive, Radio France a pu comparer la première version du site à celle en ligne actuellement. La lettre écrite par Philippe de Villiers est identique mais le formulaire a été modifié. À l'origine, seuls les prénoms, noms et mails étaient demandés. Pas le code postal.
L'outil vérificateur "Cloudflare" est apparu seulement le 16 septembre. Il est censé permettre de s'assurer que les signataires sont des humains et non des robots. Il s’activait d'abord automatiquement dès qu'un internaute arrivait sur le site de la pétition, avant d’être reparamétré pour imposer de cocher la case de vérification.
Au cours de la journée du 16 septembre, les mentions légales et la politique de confidentialité du site ont aussi été étoffées. Il a notamment été ajouté que "l'utilisateur s’engage à fournir des vraies informations, exactes et complètes sur ledit formulaire. Il s’engage notamment à ne pas user d’une identité fausse ou usurpée de nature à induire l'éditeur en erreur". Mais il est toujours possible de signer avec une fausse adresse mail.
Enfin, une option a été ajoutée pour demander aux signataires s'ils consentent à ce que "Philippe de Villiers communique l'adresse mail utilisée à la société Lagardère Media News" qui appartient à Vincent Bolloré. Il est aussi précisé que ces informations serviront au JDD et à JDNews, eux aussi appartenants au milliardaire français.
Le site a aussi été victime d’une cyberattaque en début de semaine, comme l’indiquait un message affiché aux utilisateurs. Des experts en cybersécurité, interrogés par Radio France, confirment que le site a été attaqué et est tombé, c’est-à-dire que l'URL d'origine ne fonctionne plus. Il est maintenu en ligne grâce à un système d'archivage.
Ils précisent également qu'il est relativement simple de créer un robot capable de générer automatiquement des signatures sur un tel site. Cela reste une possibilité théorique et ils ne confirment pas que cela est le cas pour cette pétition. Seule l’analyse des bases de données permettrait de dire si cela a été fait.
Autre faille : il est possible de signer depuis l’étranger. Des tests réalisés avec un VPN ont montré qu’on pouvait le faire depuis plusieurs pays, y compris depuis la Russie.
Un relais médiatique massif dans les médias Bolloré
La pétition bénéficie d’une exposition exceptionnelle dans l’écosystème médiatique de Vincent Bolloré. Elle a fait la une du Journal du Dimanche le 7 septembre, a été reprise à l’antenne sur Europe 1 et CNews, où Philippe de Villiers est régulièrement invité. Sur les réseaux sociaux, Pascal Praud l’a également relayée en s’interrogeant : "Comment se fait-il qu’aucune des 12 antennes du service public n’ait mentionné cette pétition qui franchit le million de signatures, alors que celle contre la loi Duplomb, elle, a bénéficié d’une large couverture ?"
Ce discours, qui dénonce le prétendu silence des médias publics, contraste avec la forte visibilité donnée à l’initiative par les antennes du groupe Bolloré. Sur Europe 1, Ludovic de Froissard, présenté à l’antenne comme consultant en communication mais qui collabore en réalité avec Le Journal du Dimanche, a affirmé être à l’origine de la pétition. Il assure que les signatures sont "contrôlées en temps réel" et que "5% n’ont pas été retenues".
Contactés par Radio France, ni Ludovic de Froissard, ni l'équipe de Philippe de Villiers n’ont donné suite afin de détailler quels critères auraient conduit à écarter certaines signatures, ou encore pour fournir des données brutes vérifiables.
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