"Quand on se croise, on se dit 'c'est soit eux, soit nous'" : les rixes entre quartiers, un phénomène qui s'aggrave en Essonne
Cent soixante-seize élus de l'Essonne viennent de demander solennellement à l’État plus de moyens pour lutter contre les rixes entres quartiers qui ont fait cinq morts ces deux dernières années. Ce département francilien concentre à lui seul un quart des rixes en France.
À Massy (Essonne), ville de 48 000 habitants, deux quartiers rivaux se font face depuis des dizaines d'années : Place de France et Zola. Sans qu'on ne sache vraiment ce qui a déclenché cette hostilité. Entre ces deux quartiers, il existe une ligne de chemin de fer, qui symbolise la frontière. Et c'est ainsi que la situation est vécue par les habitants. Par exemple, un jeune du quartier Zola ne peut pas se mettre en couple avec une fille du quartier Place de France, c'est impossible. La plupart des jeunes ne vont jamais dans le quartier rival, et quand ils sont à l'extérieur, la vigilance est de mise. "Quand on se croise, on se dit 'c'est soit eux, soit nous' parce qu'il y en a forcément un qui va dégainer une lame", raconte ce jeune homme de 17 ans, rencontré sur un point de deal.
"C'est partout. Malheureusement, la bagarre ne s'arrête pas qu'à Massy. On fait avec. On vit avec, c'est comme ça."
Un jeune homme de 17 ansà franceinfo
C'est comme une règle tacite. Même les habitants qui sont en dehors de ces histoires en font les frais puisque la plupart des services sociaux sont situés dans l'un des deux quartiers. Les équipes de la prévention spécialisée, qui sont tous les jours sur le terrain pour aider ces jeunes, doivent composer avec ça. "Un jeune avait rendez-vous à la Sécurité sociale, il avait fallu mettre en place une stratégie d'y aller à l'ouverture avec les trois collègues les plus costauds pour pouvoir être là si jamais, se souvient Bénédicte, une éducatrice. Aller à la Sécu devrait être un truc tellement banal et qui ne devrait pas poser problème au quotidien. Ces trucs de rixes institués depuis longtemps posent de vrais problèmes d'intégration sociale."
Le phénomène s'aggrave
Les chiffres sont clairs : en 2020, il y a eu 99 affrontements, 30 de plus l'an dernier. Ces rixes entre quartiers ont causé la mort de cinq personnes ces deux dernières années en Essonne. "Il n'y a plus le même respect qu'il y avait avant dans les cités", raconte Kassima, 27 ans. Il a lui-même participé à ces rixes il y a une dizaine d'années, mais à l'époque, dit-il, il s'agissait de bagarres.
"Aujourd'hui tu vas dire quelque chose à des petits, ils s'en foutent. Ils sont 'matrixés' [formatés] les petits de nos jours, ils sont là dans les délires de clips, ils ont un couteau dans leur sacoche... Ils sont carrément dans un délire."
Kassima, 27 ansà franceinfo
Ces jeunes se retrouvent dans une matrice renforcée par les réseaux sociaux, car évidemment toutes ces rixes sont diffusées sur internet.
Ces rixes entre quartiers sont entrées dans la culture populaire : à Saint-Michel-sur-Orge et Sainte-Geneviève-des-Bois, cette rivalité est exacerbée par deux groupes de rap qui s'invectivent depuis des années. Dans un clip, on voit donc des jeunes cagoulés, armés de gros marteaux. La chanson démarre par ces mots "C'était nous devant Léonard", une façon de revendiquer l'agression d'un jeune de 15 ans, grièvement blessé à coup de marteau devant le lycée Léonard de Vinci. "Impliqué dans les rixes, impossible d'en sortir", poursuivent ces rappeurs qui parlent d'une situation qui touche tout le département.
Une situation qui inquiète
Dans une lettre ouverte, les élus parlent d'un "phénomène global" qui concerne les grandes villes mais aussi des zones rurales. "Une des trois adolescentes tuées l'année dernière, une jeune femme de 14 ans, a été tuée à Saint-Chéron, un petit village rural de 5 000 habitants, réagit Alexandre Touzet, vice-président du Conseil départemental de l'Essonne délégué à la prévention et à la sécurité. Cette violence se diffuse sur le territoire, dans les territoires péri-urbains, dans les territoires ruraux, dans le cadre des moyens de transport, d'opérations de logements sociaux qui se créent où des familles s'implantent et où les communes n'ont pas forcément tous les services publics pour pouvoir répondre à ces difficultés."
"Beaucoup de maires ruraux ou péri-urbains se sont associés, parfois sur des territoires où on ne soupçonnait pas ce niveau de violence chez les jeunes."
Alexandre Touzet, vice-président du Conseil départemental de l'Essonne, délégué à la prévention et à la sécuritéà franceinfo
Ces 176 élus de l'Essonne attendent de l'État un plan spécial pour ce département avec des renforts dans la police, la justice et l’éducation nationale comme ce fut le cas pour la Seine-Saint-Denis, en 2019. Jean Castex a bien proposé un plan pour l'Essonne il y a un an, mais rien n'a bougé depuis.
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