Reportage
Lutte contre l'obésité : aux Etats-Unis, la révolution des médicaments coupe-faim

Ils s’appellent Ozempic, Wegovy ou Mounjaro – des noms parmi des dizaines d’autres. Aux Etats-Unis, ces médicaments anti-obésité, initialement destinés aux diabétiques, sont de plus en plus populaires. Face à leurs utilisateurs, qui changent drastiquement leurs habitudes alimentaires, le marché s’adapte.

Article rédigé par Isabelle Labeyrie
Radio France
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 4min
Eli Phetteplace montre son médicament anti-obésité. Atlanta, le 29 septembre 2025. (ISABELLE LABEYRIE / FRANCEINFO / RADIO FRANCE)
Eli Phetteplace montre son médicament anti-obésité. Atlanta, le 29 septembre 2025. (ISABELLE LABEYRIE / FRANCEINFO / RADIO FRANCE)

Aux Etats-Unis, on les appelle "GLP-1", du nom de l'hormone de satiété sur laquelle ils agissent. Environ 2% de la population, soit près de sept millions de personnes, y ont déjà recours. Avec ces médicaments, plus de grignotage ni d'envie de sucre ou de gras, mais une attirance pour les légumes et les aliments sains.

"Quand j'ai commencé, explique Eli Phetteplace, je pesais 120 kilos. J'en ai déjà perdu 20". Le (presque) quinquagénaire, habitant d'Atlanta, a du faire une pause dans son traitement – le temps de trouver une assurance-santé qui accepte de le rembourser. Mais il est enchanté : "Vous voyez, c'est un tout petit flacon, ça se garde au frigo. Et il faut avoir ses aiguilles pour se piquer."

"Ça a changé ma vie. Tu choisis mieux ta nourriture, tu contrôles mieux tes quantités. Et après quelques mois, ça devient une habitude, tu n'y penses même plus !"

Eli Phetteplace, sous traitement contre l'obésité

à franceinfo

Avec sa femme, elle aussi sous traitement, il va toujours au restaurant, mais plus du tout comme avant : "Les portions sont énormes ! Donc on commande un seul plat et on partage. Ça nous suffit, et au final on dépense deux fois moins. Il faut juste se mettre d'accord sur le plat… Et là, c'est souvent elle qui décide !"

Jay Bandy, président du Goliath Consulting Group, confirme : "Pour nous, ça a vraiment commencé l'an dernier : les clients se sont mis à réclamer des choses à partager, des petites portions… Certains restaurants se sont adaptés, et ça marche bien ! C'est comme quand tu as un vegan à table : ça t'incite à faire pareil. Ce sera la même chose, c'est un segment en croissance qui va transformer le marché."

À New-York, plusieurs restaurants ont commencé à afficher des "Menus Ozempic", comme le Tucci à Manhattan, qui propose à ses clients un arancini au lieu de trois pour la portion "normale". À Atlanta, en Géorgie, on valorise surtout la cuisine du Sud : le plat qui a la cote est plutôt… le poulet frit. Mais la chaîne "Smoothie King", qui possède 1 200 enseignes à travers le pays, y est bien implantée. À la carte, trois smoothies "GLP-1 support", destinés à ces clients spécifiques. Leur particularité ? Ce sont des boissons ultraprotéinées, mélange de fruits et de poudre. Car les consommateurs de médicaments anti-obésité ont besoin de compenser la fonte des muscles qu'entraîne un amaigrissement rapide. Le Gladiator saveur vanille, par exemple, apporte à lui seul 45 grammes de protéines.

Christopher, responsable d'une enseigne en centre-ville, se montre étonnamment assez critique. "Les clients nous demandent le 'spécial GLP-1', mais c'est une boisson qu'on proposait déjà à la carte parmi d'autres formules. Pour moi, c'est une technique pour attirer des clients différents, donc faire plus d'argent… Mais c'est juste du marketing." Une stratégie commerciale bien comprise des marques de plats préparés. Le poulet-brocolis ou le bœuf sauce barbecue de la marque "Healthy Choice" affichent par exemple la mention "compatible GLP-1". Les rayons surgelés des supermarchés en sont pleins. Les boissons protéinées, elles aussi, connaissent des ventes record : ce ne sont plus seulement les sportifs qui les consomment.

Des plats préparés "GLP-1 friendly" dans un supermarché d'Atlanta, le 29 septembre 2025 (ISABELLE LABEYRIE / RADIO FRANCE)
Des plats préparés "GLP-1 friendly" dans un supermarché d'Atlanta, le 29 septembre 2025 (ISABELLE LABEYRIE / RADIO FRANCE)

Manger (et boire) moins et mieux

La tendance s'applique aussi à la consommation d'alcool. Le cocktail stylé du moment est le "mini Martini", par exemple au Talat Market, restaurant branché du quartier Summerhill d'Atlanta. "Nous, on fait un Martini façon glacée, explique Carter Culwell, le responsable des boissons. Il fait six centilitres, la moitié d'un martini normal. Et c'est aussi à moitié prix : 7 dollars au lieu de 14. Je ne pensais pas que ce serait si populaire, mais c'est devenu notre boisson la plus vendue."

La démocratisation des médicaments anti-obésité  va-t-elle créer un cercle vertueux ? C'est l'avis de Nicholas Church, médecin responsable du Somerset Medical à Atlanta. Il a de plus en plus de patients qui, après avoir tout essayé pour perdre du poids, lui demandent un traitement Ozempic. "Je pense qu'on verra de moins en moins de crises cardiaques ou d'AVC, moins de tension artérielle, moins de diabète. Moins d'arthrite aussi : si vous perdez du poids à 40 ans, vous n'aurez pas besoin d'une prothèse du genou à 60 ans !"

"À long terme, ça pourrait aider les Américains à être en meilleure santé."

Nicholas Church, médecin à Atlanta

à franceinfo

Swiss Re, une compagnie de réassurance, a fait ses projections : l'usage généralisé des médicaments GLP-1 pourrait réduire la mortalité de plus de 6% aux États-Unis d'ici 2045. L'enjeu est considérable, mais il faudra du temps pour inverser la tendance. Selon une étude du magazine The Lancet publiée en 2024, deux adultes américains sur trois sont soit obèses, soit en surpoids.

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