Bilan de santé : "Il est inutile de faire des check-up ultra-complets avec une batterie d’examens à l'aveugle"

Si la prévention est essentielle pour déceler les problèmes de santé à temps, certains bilans de santé excessifs peuvent générer plus de risques que de bénéfices. Entre surdiagnostic, coûts élevés et angoisses inutiles, le magazine 60 Millions de consommateurs nous aide à y voir plus clair.

Article rédigé par Catherine Pottier
Radio France
Publié
Temps de lecture : 4min
Un médecin réalise un électrocardiogramme à un patient. (JAMES HARDY
 / MAXPPP)
Un médecin réalise un électrocardiogramme à un patient. (JAMES HARDY / MAXPPP)

franceinfo : Selon 60 millions de consommateurs, on en fait parfois trop ! La prévention c'est pourtant nécessaire, cela permet parfois de dépister des problèmes de manière précoce et donc de mieux les traiter ?

Adélaïde Robert : Oui, la prévention est essentielle, cela permet d’éviter l’émergence de problèmes de santé. Le dépistage de certaines pathologies ou facteurs de risque aussi est nécessaire, pour les traiter plus vite et mieux. Ce qui est inutile c’est de faire des check-up ultra-complets avec une batterie d’analyses de sang, d’examens d’imagerie, à l’aveugle.

Ce que vous voulez dire c'est que faire des bilans de santé à répétition ne va pas augmenter notre espérance de vie?

On dénonce les bilans XXL avec cette fausse idée de se dire qu'en payant plus une photographie complète de son organisme, on va avoir l’assurance d’une vie en meilleure santé. Cela n'est pas prouvé. Non seulement, c’est inutile, mais c’est parfois délétère.

En tout cas certaines entreprises privées en profitent beaucoup

Oui, il y a même une sorte de tourisme pour clientèle très aisée qui se développe autour de ça. À Paris, l’entreprise Zoï est souvent citée : elle propose un bilan avec 37 examens et 200 marqueurs pour 3 600€. Mais on peut trouver plus cher encore. En Suisse, la clinique Nescens propose un check-up à 14 600,95 euros.

Attention aussi aux surdiagnostics. Vous citez le cas d'Alain qui a été opéré avec de lourdes séquelles et on ne sait pas si l'intervention était vraiment nécessaire. 

Oui, le risque de faire trop d'examens, c'est de faire du sur diagnostic, c'est-à-dire d'aller diagnostiquer des troubles qui si on ne les avait pas diagnostiqués n'auraient pas fait parler d'eux. C'est le cas du dosage de l’antigène spécifique de la prostate, des échographies thyroïdiennes qui sont faits sur des gens en bonne santé. Cela entraîne une cascade d’autres examens et parfois des interventions à risque ou des traitements médicamenteux qui ont des effets secondaires.

Reste que la prévention est plébiscitée par certaines mutuelles, il y en a même qui prennent en charge certains bilans de santé.

Effectivement, on reçoit des invitations à des bilans dès 45-50 ans. Quand ces bilans prennent la forme d’un entretien de prévention, que les examens prescrits sont individualisés, que cela permet d’améliorer la participation aux dépistages organisés, c’est utile. À l’inverse, même un simple électrocardiogramme n’est pas utile en examen de routine chez des personnes sans symptôme de maladie cardiaque ni facteur de risque. Pourtant, ça fait partie des examens systématiques de la plupart des bilans de santé.

Mais que disent les médecins ? Parce que, parfois, ce sont les patients qui demandent ces examens, ces médicaments... C'est très français ça !

Oui, les patients peuvent être inquiets et demander des examens et les médecins ont tendance à céder à cette demande parce que cela prend beaucoup plus de temps de justifier leur refus. Cela dit la prescription d’examens inutiles ce n’est pas que français. Il y a une campagne très intéressante, née au Canada, qui travaille sur la pertinence des soins. Elle met en ligne des ressources d’ailleurs sur choisiravecsoin.org en expliquant pourquoi tel ou tel examen a un intérêt limité. Mais même si les patients sont demandeurs d’examens, cela reste quand même de la responsabilité des professionnels de santé de faire le tri dans ce qu’ils proposent. Et ne pas en faire un business, surtout.

Faire des examens de santé tout le temps, attendre les résultats, cela crée de l'angoisse quand même.

Bien sûr, c’est anxiogène ! Plus on va faire d'examens, plus on va s'angoisser, on va avoir des effets délétères liés à l'intervention. Mais tous ces examens secondaires sont à la charge du patient. On paie pour un bilan, mais si on a un résultat qui oriente vers un autre examen nécessaire, là, c'est pour la Sécu et la mutuelle et il y a un reste à charge pour le patient.

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