David Foenkinos : "Ce qui est très émouvant pour moi, c'est d'avoir toute une nouvelle génération de lecteurs et lectrices"
Tous les jours, une personnalité s'invite dans le monde d'Élodie Suigo. Mercredi 12 février 2025 : l’écrivain David Foenkinos. Il vient de publier un nouveau roman, "Tout le monde aime Clara" aux éditions Gallimard.
David Foenkinos est romancier, scénariste et réalisateur. Depuis sa première publication en 2002, les tournants de sa carrière d'écrivain s'intitulent La Délicatesse, Charlotte, aussi couronnée des plus grands prix comme le prix Renaudot pour Charlotte. Et puis il y a surtout le fait que l'intégralité de ses livres est toujours mise en exergue soit par des adaptations au cinéma, soit parce qu'ils rappellent un certain nombre d'histoires à ceux qui les lisent. Son nouveau roman, Tout le monde aime Clara, vient de paraître aux éditions Gallimard. C'est l'histoire de Clara, mais vue par son père, Alexis, conseiller financier dans une banque privée, considéré comme un génie de la gestion. À la suite d'un terrible accident, Alexis décide de se mettre à l'écriture.
franceinfo : Votre carrière a démarré en 2002. Il a fallu 22 ans pour que vous nous offriez une autobiographie complètement maquillée.
David Foenkinos : Bravo et merci ! Enfin quelqu'un qui me comprend. Même moi, je n'ai pas saisi ! C'est vrai qu'au cœur de ma vie, il y a eu un grave accident. J'ai été opéré du cœur à l'âge de 16 ans, j'ai passé des mois à l'hôpital et c'est vrai que je décris le destin de cette jeune fille qui à 16 ans, passe des mois à l'hôpital sans me rendre compte de la part personnelle et autobiographique. Et comme tous les gens qui ont été gravement malades, moi, après cette expérience, je me suis mis à lire, à écrire. Cela a déverrouillé ma sensibilité et je le transpose non pas par l'écriture, mais par le don de voyance avec Clara qui va se réveiller et puis renouer à la vie avec cette étrange particularité de ressentir les choses. Et pour la première fois, j'ai enquêté. J'ai rencontré plusieurs voyants, non pas pour prédire mon avenir et savoir si j'allais être invité sur franceinfo, mais pour comprendre comment on vivait, le fait de subitement avoir des flashes. Et puis voilà, il faut canaliser, il faut apprendre à gérer cette capacité à voir l'avenir.
Je vais vous poser des questions que vous posez dans le livre. Vous dites que l'écriture permet de mettre des mots sur les émotions et d'offrir à son imagination des vêtements concrets. Si on considère que l'imagination offre des vêtements concrets, c'est quoi la tenue correcte exigée de l'écriture ?
Alors là, je suis en double col roulé ! Je ne sais pas, c'est peut-être mon côté scorpion. J'aime bien m'emmitoufler et avoir ce goût de l'ombre et de la pénombre, donc je mettrais une grosse couverture. Et à d'autres moments où je suis dans un goût de lumière et de partager ce que j'écris.
Pour qui écrivez-vous ?
"Pendant des années, entre 15 et 25 ans, j'ai clairement écrit uniquement pour moi, sans oser montrer mes textes à personne."
David Foenkinosà franceinfo
Pendant une dizaine d'années, j'avais assez peu de lecteurs, donc j'écrivais pour les quelques personnes généreuses qui voulaient bien me lire jusqu'au succès de "La délicatesse". Maintenant, c'est vrai que j'ai la chance incroyable d'être beaucoup suivi. J'essaie de ne pas penser d'une certaine manière aux lecteurs ou aux lectrices quand j'écris. Quand je suis dans mon intimité, dans mon esprit, dans mon imagination, je crois que personne ne peut me parasiter. Et ce sont les moments parfois de fragilité, mais aussi de grandes joies. En fait, ce sont comme des conversations avec moi-même un peu étranges.
La personne avec laquelle vous parlez est agréable ?
Non, c'est pour ça qu'au bout d'un moment, j'en ai tellement marre, il faut que je sorte, que je vienne vous voir. Il faut que j'aille rencontrer les gens. Mais j'adore ces deux énergies, c'est-à-dire que je prends beaucoup de plaisir à avoir le retour des lecteurs, à partager avec eux. À pouvoir échanger, parfois même en échangeant avec vous, je comprends mon livre parce que pour moi, l'acte d'écrire n'est pas forcément un acte raisonnable. L'acte romanesque doit se nourrir de la partie la moins rationnelle, la moins compréhensive de son esprit donc, j'aime bien me laisser guider par des intuitions sans les comprendre.
Est-ce qu'au fil du temps, à travers tous ces tableaux qui rejoignent une même œuvre, la vôtre, on touche du doigt davantage la vérité ? Enfin, il y a une recherche sur soi-même, c'est une sorte de quête.
Oui. Plus on revient sur des thèmes, plus on se rend compte qu'ils sont obsessionnels. Le mien, vraiment, tourne autour de la seconde vie, de la renaissance et de l'importance de l'art pour cicatriser. Après la longue expérience à l'hôpital, je me suis mis à lire, à écrire. Les livres m'ont sauvé.
Alors qu'il n'y avait pas de bibliothèque à la maison.
Non, je lisais très peu, même pas du tout, avant mon opération du cœur.
"Je sais plus que quiconque à quel point la sensibilité artistique peut consoler, cicatriser une vie."
David Foenkinosà franceinfo
Dans ce livre-là, il y a une sculpture, il y a une œuvre d'art et c'est une sculpture que l'on trouve au cimetière non-catholique de Rome qui s'appelle l'Ange du chagrin, qui est absolument éblouissante. C'est un sculpteur qui, à la mort de sa femme pendant huit mois d'une manière obsessionnelle, a sculpté leur mausolée d'une certaine manière, leur façon de traverser l'éternité de leur amour. Je trouve que c'est un acte d'amour qui traverse les décennies et les siècles. Et c'est un peu le sujet du livre puisqu'il y a un lien entre les générations et les époques.
Vous avez vendu plus de quatre millions de livres. Qu'est-ce que cela représente pour vous ?
Ce qui est très émouvant pour moi, c'est d'avoir toute une nouvelle génération de lecteurs et lectrices. Je vois dans les dédicaces, j'ai beaucoup de jeunes, 15, 16, 17 ans qui lisent Charlotte, qui avaient le Goncourt des lycéens ou Vers la beauté ou Numéro deux sur le casting de Harry Potter. Pour moi, ça me touche profondément et en même temps, je ne m'arrête pas du tout à ça. Je suis plutôt en train de penser à mon prochain livre, à comment je vais essayer de me renouveler. Ce qui m'intéresse et qui m'obsède, c'est ce que je vais faire après.
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