Grégory Gadebois joue les faux infirmiers dans "Une pointe d'amour" : "Une vision poétique gaie et lumineuse"

Tous les jours, une personnalité s'invite dans le monde d'Élodie Suigo. Jeudi 1er mai 2025 : le comédien Grégory Gadebois. Il est à l'affiche du film "Une pointe d'amour" de Maël Piriou.

Article rédigé par Elodie Suigo, Étienne Presumey
Radio France
Publié
Temps de lecture : 6min
L'acteur Grégory Gadebois au Festival de Cannes, le 25 mai 2024. (LOIC VENANCE / AFP)
L'acteur Grégory Gadebois au Festival de Cannes, le 25 mai 2024. (LOIC VENANCE / AFP)

Grégory Gadebois est cet acteur à la force tranquille assez déconcertante avec un jeu et un regard toujours assez captivants. C'est par le théâtre qu'il a décidé d'épouser ce métier, il a d'ailleurs été pensionnaire de la Comédie-Française pendant six ans, ancien élève de Catherine Hiegel et Dominique Valadié. Il a obtenu le Molière du seul en scène pour Des fleurs pour Algernon, en 2014 et le César du meilleur espoir masculin, pour son interprétation du marin pêcheur Tony dans Angèle et Tony d'Alix Delaporte en 2010. Depuis le 30 avril 2025, il est à l'affiche du film Une pointe d'amour de Maël Piriou aux côtés de Julia Piaton et Quentin Dolmaire. L'histoire de Mélanie, une avocate atteinte d'une maladie incurable et de son meilleur ami Benjamin, tous deux en fauteuil roulant. Ils décident un jour de partir dans un bordel spécialisé en Espagne pour faire l'amour pour la première fois.

franceinfo : Pour s'y rendre, Mélanie monte à bord du van d'un de ses clients tout juste "sorti de zonzon", pour reprendre votre terme. C'est drôle, terriblement humain et essentiel pour offrir un regard sur le handicap et sur un sujet tabou le sexe, pour celles et ceux qui sont touchés justement par le handicap. Est-ce que c'est ce qui vous a plu dans le scénario ?

Grégory Gadebois : Oui. Quand on la résume cette histoire, finalement, c'est un repris de justice qui emmène deux personnes en fauteuil roulant au bordel en Espagne. C'est un peu triste, un peu glauque même et en fait, c'est très poétique le scénario. À la lecture, il y avait quelque chose de très doux, qui est plus lumineux que sombre.

Il y a beaucoup de légèreté. On prend le temps de respirer, de jouir des bienfaits de la vie et des sourires aussi. Ce film, n'est-il pas finalement une bulle d'oxygène dans ce monde de brutes ?

Ça devrait toujours être ça, en fait. C'est Brassens qui disait ça de ses chansons. "Si les gens, pendant le temps qu'ils l'écoutent, ils ne pensent pas à leurs problèmes, c'est déjà pas mal". C'est bien quand ça fait ça aussi, quand ça nous fait juste sourire. C'est une vision un peu gaie, un peu lumineuse, où on ressort en étant de meilleure humeur que quand on a commencé. Ce n'est pas mal déjà et ce n'est pas rien, je trouve.

Le personnage que vous incarnez sort de prison. Donc, c'est aussi un regard sur la deuxième chance, sur la possibilité de s'en sortir et de construire une vie différemment ?

Sur le fait qu'on peut, même sans le vouloir. Je parle pour mon personnage, il n'a pas de velléité de changer, il est très heureux comme ça. Il se débrouille, il s'arrange, mais par contre, il n'est pas spécialement fermé, il est plutôt ouvert et, en râlant, en ronchonnant un peu, il se laisse embarquer dans cette aventure. Je trouve que c'est ça qui est bien, de ne pas s'interdire des choses parce que finalement, on se met dans la case où les gens nous mettent. On lui a dit : "Toi dans cette case repris de justice, tu as accès à ça, ça et ça". Et elle arrive avec son fauteuil, elle dit : "Non, on va faire autrement". Et c'est ça qui est chouette.

Il y a beaucoup d'humilité dans votre personnalité et dans les personnages que vous incarnez. Vous êtes né dans un village normand de 70 âmes. Vous avez d'abord été déménageur, mais vous suiviez des cours d'art dramatique à côté. Et parce que vous aviez cette timidité maladive, votre mère à 15 ans, vous a dit : "Il faut que tu fasses du théâtre".

C'est un ami de ma maman qui avait eu cette idée et j'avais dit non. Et puis au bout d'un moment, plus tard, vers 18-19 ans, ma maman me demande : "Je t'inscris ou pas ?" et j'ai fini par être d'accord. Effectivement, ça m'a changé et ça part d'un défaut.

"J'aime bien que les choses partent d'un défaut et de passer d'un 'à cause', à un 'grâce à'."

Grégory Gadebois

à franceinfo

Vous avez été récompensé aux César et aux Molière. Qu'est-ce que représentent ces prix pour vous dans ce parcours assez incroyable ? C'est un peu un conte de fées, ce que vous avez vécu ?

Oui, c'est super ! Et les prix, c'est génial ! Il ne faut pas se mettre tout d'un coup à croire qu'on est génial, mais les prix, c'est quand même tous les gens du métier qui se réunissent et qui disent, on l'aime bien et c'est super.

C'est une belle récompense pour quelqu'un qui, comme vous, a eu très longtemps peur de déranger.

Je l'ai toujours un peu, ça ne passe pas.

"J'ai toujours l'impression qu'on va dire : 'Non, mais qui lui a dit de venir ? Non, on va faire autrement monsieur, c'est bon maintenant'. Mais ça va mieux quand même."

Grégory Gadebois

à franceinfo

Le public vous a découvert grâce à votre rôle de Charlie Gordon dans Des Fleurs pour Algernon en 2013, adapté du roman de Daniel Keyes. Le public s'est déplacé en nombre. Vous ne pouvez pas dire que c'est grâce aux autres, puisque vous étiez seul sur scène.

Je disais le texte correctement, mais c'est parce que ce texte, déjà, il est incroyable. Et puis la mise en scène d'Anne Kessler est tout sauf contraignante pour un acteur. Travailler avec Anne Kessler, c'est formidable. On a l'impression d'être un petit génie, que les choses viennent et se font naturellement.

Quel regard avez-vous alors sur cette carrière ?

Je suis content. Ça s'appelle une carrière, oui, c'est vrai, ça fait bizarre comme mot, mais oui, je trouve que c'est bien. Il faudrait être difficile quand même, c'est chouette comme métier.

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