La dessinatrice Louison se confie sur son combat avec la PMA : "Malgré les avancées, il reste une part qu'on ne maîtrise pas"

Tous les jours, une personnalité s'invite dans le monde d'Élodie Suigo. Mardi 6 mai 2025 : la dessinatrice de presse et auteur Louison. Elle publie le livre "Et le bébé alors ???", aux éditions Flammarion.

Article rédigé par Elodie Suigo, Étienne Presumey
Radio France
Publié
Temps de lecture : 5min
La dessinatrice et auteure Louison, en avril 2022, à Paris. (JOEL SAGET / AFP)
La dessinatrice et auteure Louison, en avril 2022, à Paris. (JOEL SAGET / AFP)

Louison est autrice de bande dessinée, dessinatrice et romancière, formée à l'atelier de Sèvres avant de créer ses propres blogs pour lui offrir la possibilité de dessiner tous les jours. Elle a intégré le journal Marianne avec comme mentor le caricaturiste et dessinateur de presse Tignous, mort assassiné le 7 janvier 2015 lors de l'attentat de Charlie Hebdo . La politique fait aussi partie de ce qu'elle aime croquer, encore un héritage, mais celui-ci familial, transmis par ses parents, psychanalystes de gauche, qui l'ont très tôt accompagnée dans la découverte du monde qui l'entoure. Le 7 mai 2025, elle publie Et le bébé alors ??? chez Flammarion, un récit poignant, parfois déchirant, sur ce qu'elle vit depuis qu'elle est montée à bord de "ce train PMA express".

franceinfo : C'est à la fois un cri du cœur, mais aussi un coup de gueule ?

Louison : C'était en tout cas une nécessité de pouvoir écrire, parce que c'est quand même très lourd, très long parce qu'on se sent très seule aussi. C'est sûr que l'écriture permettait une sorte de défouloir, de médicaments, de doudou. Il y a des chapitres que j'ai finis en larmes et des chapitres que j'ai finis en me marrant. Ça a été un peu des montagnes russes aussi dans l'écriture, mais là, de savoir que ça allait être lu, partagé et que ça allait peut-être même aider d'autres femmes, d'autres couples, c'était une sacrée chance.

Ce livre montre aussi le parcours du combattant. Vous dites qu'une femme "en PMA a pris l'habitude de se taire, de ne rien dire, des douleurs, des déceptions, des chagrins, de la honte". Vous parlez des examens approfondis, douloureux. Il y a un terme qu'on découvre dans le livre, c'est stérilité idiopathique. C'est une belle façon de dire que normalement ça devrait fonctionner.

Ça ne marche pas, on ne sait pas pourquoi ça ne marche pas, on ne sait pas si ça continuera à ne pas marcher. C'est un très gros terme comme ça, bien scientifique pour dire, ça ne marche pas. C'est important parce que ça montre bien que dans la PMA, malgré les avancées en 40 ans, il reste une part qu'on ne maîtrise pas et c'est ça aussi qu'il faut supporter et que les médecins doivent supporter aussi de nous dire. J'aurais peut-être moins forcé sur la science si on m'avait dit : "On ne sait pas ce qui ne marche pas". Il y a cette part de mystère quelque part sur la capacité de se reproduire et on vous dit stérilité idiopathique. Pour le scrabble, c'est cool. De dire, on ne sait pas, ce serait un aveu, certes, mais au moins, on pourrait dire qu'on est tous dans la même barque.

Ce livre est une belle façon de faire changer les comportements sur des questions qui font mal, comme demander "et le bébé, c'est pour quand ?". C'est aussi une façon d'accompagner celles et ceux qui pensent être bienveillants avec des questions qui font mal ?

C'est une façon d'être un peu pédagogique en disant que parfois, c'est bien de rien dire en fait.

"On est en 2025, on sait que quand dans un couple, il n'y a pas d'enfant qui arrive, c'est qu'on n'en veut pas ou qu'on ne peut pas en avoir. "

Louison

à franceinfo

Les "et alors, c'est pour quand ?", on les a eus, dès que je me suis mariée. Même pendant la cérémonie, Madame la Maire signale qu'il y a huit cases sur le livret de famille, donc je ne comprenais pas. Pour moi, huit cases, c'est une BD, ce n'est pas un bébé.

En plus du texte, il y a des dessins. Vous ouvrez d'ailleurs cet ouvrage avec un dessin d'une cigogne. Le dessin est arrivé dans votre vie très tôt, parce que vous faisiez pipi au lit ?

Effectivement, le pipi au lit m'a amené chez la psy et donc je passais mes séances à m'exprimer par le dessin. Je me rappelle que moi, je racontais mes rêves en dessin, donc il y avait quelque part, à six ans, l'ébauche de ce qui sera après un métier presque de grandes personnes.

Ça a commencé par les blogs et puis Tignous arrive, ça reste votre plus belle rencontre ?

Tignous, c'était vraiment, le petit coup de pied au cul très tendre sans jamais être condescendant. Et ça me manque beaucoup dans ma vie de tous les jours. Il a suffisamment mis de petits coups aux fesses pour que régulièrement, j'aie une petite voix dans la tête qui me dise : "Tu vas y aller, tu ne te laisses pas faire, tu y retournes et tu me rends fier".

On a le sentiment d'ailleurs dans cet ouvrage qu'il est toujours là quand on regarde vos dessins. On retrouve cet humour, cette capacité qu'il avait de dédramatiser certains moments difficiles et en même temps de rendre justes certains moments.

Les dessins de Tignous montraient l'horreur du monde, l'horreur des gens, l'horreur des comportements, mais avec quelque chose qui faisait pouffer tout de suite. 

"On passe notre temps à raconter des choses très tristes, si on fait un dessin sinistre, ça ne sert à rien."

Louison

à franceinfo

Je pense que beaucoup de dessinateurs de presse sont comme ça.

Commentaires

Connectez-vous ou créez votre espace franceinfo pour commenter.