Crime raciste, passagers insensibles, ville laxiste… On a vérifié plusieurs affirmations sur le meurtre d'Iryna Zarutska
Iryna Zarutska, une réfugiée ukrainienne de 23 ans, a été tuée aux États-Unis à la fin du mois d'août. La diffusion des images de vidéosurveillance sur internet et le profil du suspect, un SDF afro-américain avec des troubles mentaux, suscitent l'émotion et l'incompréhension.
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Ce sont des images qui bouleversent et qui sont massivement partagée sur les réseaux sociaux depuis une semaine. Celles du meurtre d'Iryna Zarutska, une réfugiée ukrainienne de 23 ans, par un homme afro-américain le 22 août 2025 dans un tram de la ville de Charlotte, en Caroline du Nord, aux États-Unis. Les vidéosurveillances de l'agression n'ont été rendues publiques que le 5 septembre.
On y voit la jeune femme s'installer sur une banquette vide, juste devant un homme avec un sweat à capuche rouge. Ils ne se parlent pas, ne se regardent pas. Soudain l'homme se lève, saisit la tête d'Iryna Zarutska, lui assène des coups, et s'en va. La scène est extrêmement rapide. La réfugiée ukrainienne, qui s'était exilée aux États-Unis avec sa famille après l'invasion russe en Ukraine en 2022, est sous le choc. Puis elle se recroqueville sur elle-même. Trente secondes plus tard, elle perd connaissance, tombe par terre devant son siège. Les secondes passent et son sang commence à couler. Elle meurt dans l'instant.
Est-ce un crime raciste ?
L'histoire, qui a commencé à avoir un écho national et international après la publication des images de vidéosurveillance, a d'abord été relayée sur les réseaux sociaux par des personnalités situées à l'extrême droite américaine, appartenant notamment à la sphère MAGA qui soutient Donald Trump. Elon Musk et plusieurs de ces internautes ont estimé qu'il s'agissait d'un crime raciste anti-blanc.
En s'éloignant de la scène du crime, l'agresseur présumé, DeCarlos Borwn, un Afro-Américain de 34 ans, a en effet prononcé la phrase "I got that white girl". En français : "J'ai eu cette fille blanche."
Mais l'enquête devra définir s'il s'agit du mobile principal du meurtre. Pour l'instant, il est poursuivi pour meurtre dans l'État de Caroline du Nord, et il encourt la peine de mort pour meurtre dans un transport en commun au niveau fédéral. À ce jour, le motif raciste n'est pas précisé.
Le profil du suspect est complexe. Il est SDF, a déjà été condamné à plusieurs reprises, notamment pour braquage à main armée, mais, selon sa famille, il souffre de troubles schizophréniques et d'hallucinations. Selon CNN, il a raconté plusieurs fois à sa sœur que le gouvernement avait implanté une puce sous sa peau. Sa famille estime que la justice et le système médical l'ont abandonné.
En janvier 2025, il a été interpellé pour avoir appelé pour de mauvaises raisons le 911, le numéro des services d'urgence américain. Il leur avait demandé d'enquêter sur un objet "fabriqué par les hommes" qui contrôlerait quand il mange, marche et parle. Les enquêteurs avaient conclu que son problème était médical. DeCarlos Brown avait été remis en liberté à condition de promettre par écrit qu'il viendrait à sa prochaine convocation.
Les autres passagers ont-ils aidé la victime ?
Des internautes partagent des captures d'écran montrant la jeune femme, juste après l'agression, toujours assise seule sur la banquette. Les autres passagers, qui sont aussi Afro-Américains, sont chacun à leur place et semblent ne pas se soucier de son sort. Ces internautes les accusent d'être indifférents à ce qui est arrivé à la jeune femme parce qu'elle est blanche.
Le temps de réaction des passagers semble en effet assez long, d'un point de vue extérieur. Il se passe environ une minute et trente secondes avant que quelqu'un ne vienne voir Iryna Zarutska recroquevillée devant son fauteuil. Le passager est venu la voir juste après que son sang a commencé à couler sur le sol.
Impossible de savoir s'ils étaient indifférents ou s'ils n'avaient pas compris la gravité de ce qu'il s'était passé, l'agression ayant été extrêmement rapide, ou au contraire si les autres passagers étaient aussi sous le choc. D'où ils étaient assis, ils ne pouvaient pas voir les blessures de la réfugiée ukrainienne, qui d'ailleurs ne sont pas non plus visibles sur les images de vidéosurveillance. Son sang a commencé à couler seulement une fois qu'elle était sur le sol.
Le crime est-il lié au laxisme de la maire démocrate de la ville de Charlotte ?
Ce meurtre a relancé une polémique sur le prétendu laxisme des villes démocrates aux États-Unis, alimentée par le président républicain Donald Trump. Il a déjà, dans le passé, accusé le maire démocrate de Washington d'être trop laxiste. Ces derniers jours, le président a affirmé que le sang d'Iryna Zarutska était "sur les mains des démocrates qui refusent de mettre les gens mauvais en prison". Le procureur général adjoint du pays, qui a aussi été l'avocat de Donald Trump, Todd Blanche a affirmé dans une interview à Fox News que cet événement était "un exemple frappant de l'échec des politiques libérales de gauche".
Charlotte est en effet l'une des villes américaines où il y a le plus de crimes violents, en valeur absolue. En 2024, il y a eu 7 355 crimes violents dans la ville, selon les données du FBI. C'est 72 fois plus que la moyenne qui s'élève à 101 crimes violents par ville. Il y a eu 109 meurtres à Charlotte en 2024, contre un seul par ville en moyenne.
Mais ces valeurs absolues comparent des villes qui n'ont rien à voir, certaines sont très densément peuplées, comme New York, d'autres n'ont que quelques centaines d'habitants. Charlotte est la 11e ville la plus peuplée des États-Unis. Si l'on rapporte le nombre de crimes à sa population, elle se situe à la 500e place dans le classement des villes où il y a le plus grand nombre de crimes violents par habitant et à la plus de 600e dans le classement des villes où il y a le plus grand nombre de meurtres par habitant. Notons que ces indicateurs placent quand même Charlotte bien trois fois au-dessus de la moyenne.
Cet été, la ville se félicitait de voir la criminalité chuter de 25% pendant le début de l'année 2025, en comparaison avec l'année 2024.
Cependant, les taux de criminalité dans la ville sont-ils liés au parti politique de sa maire ? Une étude publiée en janvier 2025 par des chercheurs des universités de Harvard, Washington Tacoma, Pittsburgh et George Washington, et relayée par le média de fact-checking DW, a montré que l'affiliation politique des maires n'avait pas une grande influence sur la criminalité ni sur la présence policière. "Élire un démocrate, plutôt qu'un républicain, comme maire n'entraîne pas d'impact détectable sur les effectifs de police ni sur les dépenses en matière judiciaires, et ça ne fait pas non plus changer les taux de criminalités et d'arrestations", concluait l'étude.
"Elire un démocrate plutôt qu'un républicain comme maire n'entraîne pas d'impact détectable"
Conclusion d'une étude
"Pendant les 30 dernières années, quasiment toutes les villes des États-Unis ont vu une grande baisse de la criminalité", expliquait alors un professeur associé à Harvard à la Harvard Gazette.
En fait, la maire de Charlotte, Vi Lyles, est d'abord critiquée pour sa première réaction, après la mort de la réfugiée le 22 août. Elle avait très peu parlé de la victime, sans même donner son nom. "En premier lieu, mes pensées et mes prières vont à la famille et aux amis de la jeune femme. C'est une situation tragique qui met en lumière les problèmes de sécurité liés à la santé mentale et les systèmes qui devraient être mis en place. Je ne connais pas tous les détails des antécédents médicaux de cet homme, mais je crois comprendre qu'il souffre depuis longtemps de sa santé mentale et qu'il semble avoir eu une crise. Je veux être claire : je ne diabolise pas ceux qui souffrent de problèmes mentaux."
C'est seulement après la publication des images de vidéosurveillance que la réaction initiale de l'élue locale a été ressortie et critiquée par la sphère MAGA.
Plus récemment, la maire a annoncé un renforcement de la sécurité et de la présence policière dans les transports en commun de sa ville, rapporte CNN. "Nous avons besoin d'une solution bipartisane pour faire face aux multirécidivistes qui ne font pas face aux conséquences de leurs actions et à ceux qui ne peuvent pas obtenir de traitement pour leur maladie mentale et sont autorisés à être dans la rue", a-t-elle déclaré.
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