Charles Kushner : ami de Benyamin Nétanyahou, en famille avec Donald Trump, gros donateur Maga... et ambassadeur des Etats-Unis en France

Une quinzaine de visites touristiques à Paris, souvent à l'occasion de l'anniversaire de sa femme Seryl :apparemment, cela suffit comme formation pour devenir ambassadeur dans le pays défini comme "le plus ancien allié de l'Amérique". Aucune connaissance géopolitique, pas d'appétence particulière pour la culture hexagonale... Charles Kushner ne parle pas français et admet volontiers être un néophyte dans son nouveau rôle.

Mais il n'en est pas moins convaincu d'avoir les qualités requises pour mener à bien sa mission. "Je ne connais pas grand-chose à l'art ou au vin français, disait-il à l'époque de sa nomination. Mais je comprends les affaires. Mes expériences m'ont permis d'acquérir une compréhension profonde des négociations complexes, de la planification stratégique et de comment cultiver des relations solides. Toutes ces compétences sont essentielles dans le domaine diplomatique." Et c’est d'ailleurs en le qualifiant de "chef d'entreprise, philanthrope et négociateur exceptionnel" que Donald Trump l'a nommé à ce poste juste après sa réélection, le décrivant comme un fervent défenseur des intérêts américains. 

Des liens personnels avec Benyamin Nétanyahou

Mais les Etats-Unis ne sont pas le seul pays dans le cœur de Charles Kushner : Israël y occupe une place particulière. Fils de juifs polonais, survivants de la Shoah, arrivés en Amérique en 1949, il rappelle souvent l'importance du devoir de mémoire. Il en a d’ailleurs fait l'une des principales vocations de son mandat d'ambassadeur, comme il le soulignait en mai dernier, en citant un sondage de l’ONG Claims Conference : "En France, de récentes enquêtes revèlent que 46% des jeunes adultes n'ont jamais entendu parler de l'Holocauste. Ces données sont perturbantes et soulignent le besoin urgent d'une éducation complète pour s'assurer que les atrocités du passé ne soient pas oubliées."

Les liens de Charles Kushner avec l'Etat hébreu sont très personnels, puisqu'il entretient des relations privilégiées avec le Premier ministre Benyamin Nétanyahou. En 2019, la journaliste d'investigation Vicky Ward a publié une enquête sur la famille Kushner. "L'un des grands thèmes de mon livre, c'est Bibi Nétanyahou. Un très, très vieil ami de la famille Kushner, affirme-t-elle. On raconte que lorsque Jared était enfant, Bibi a dormi dans sa chambre une nuit, et que Jared a été envoyé dormir au sous-sol. Bibi a donné beaucoup de conférences dans la communauté juive de Charles Kushner." De quoi mieux comprendre la lettre dans laquelle Charles Kushner reprend les critiques de Benyamin Nétanyahou à l'égard de la France et ses accusations d'inaction face à la montée de l'antisémitisme.

Le fils de Charles Kushner, Jared, est marié à Ivanka Trump, la fille aînée du président américain depuis 2009. Jared Kushner a beaucoup conseillé le président américain lors de son premier mandat et était encore mercredi 27 août à la Maison Blanche pour une réunion sur l'après-Gaza. Charles Kushner est souvent présenté comme "le père du gendre". Pour lui, l'administration Trump est avant tout une histoire de famille. C'est ce qu'il expliquait à Paris Match il y a quelques semaines, en parlant de Donald Trump : "Avant de le considérer comme le président des Etats-Unis, personnellement je le considère comme un ami proche, ma famille. Nous avons des enfants, des petits-enfants en commun, et nous étions amis avant qu'il accède à la présidence."

"Une très grave erreur"

Pourtant Kushner n'a pas toujours été ce family man, cet homme de valeurs. En 2005, le milliardaire plaide coupable de 18 chefs d’accusation, notamment évasion fiscale, contributions illégales à des campagnes électorales et subornation de témoins. Son beau-frère collabore avec les enquêteurs fédéraux. Pour le dissuader de témoigner contre lui, il le fait chanter en ne reculant devant rien. Chris Christie, procureur général du New Jersey à l'époque, qui a en tant que tel poursuivi Charles Kushner, le confirme : "Je n'avais pas d’autre choix que de le traduire en justice. Je veux dire si un type engage une prostituée pour séduire son beau-frère, fait une vidéo et l'envoie à sa propre sœur pour l'intimider et l'empêcher de témoigner devant un grand jury, est-ce que j'ai besoin de plus de justification ? C'est l'un des crimes les plus répugnants et les plus dégoûtants que j'ai traités quand j'étais procureur."

Condamné à deux ans de prison, Charles Kushner reconnaissait il y a quelques mois devant le Sénat avoir commis une "très, très, très grave erreur". "Mais, ajoutait-il, je pense que mes erreurs passées me rendent meilleur en termes de jugement, de la façon de voir la vie, en terme de valeurs."

Quelques jours avant la fin de son premier mandat, Donald Trump lui fait bénéficier d'une grâce présidentielle. Une faveur consentie à un membre de sa famille mais aussi à un généreux donateur. Alors que dans les années 2000, il finançait largement le Parti démocrate, il change de camp lors de la première campagne de Donald Trump avec un don de plus de 100 000 dollars à la fondation Make America Great Again. Pour la réélection du Républicain, il a investi un million de dollars, ce qui fait de lui l'un des plus gros contributeurs de la campagne Trump 2024. Parce que dans la galaxie Trump, même quand c'est une histoire de famille c'est aussi une affaire d’argent.