Intelligence artificielle : "il faut un cadre pour éviter que la technologie écrase nos systèmes", selon Jean Viard

Le salon Vivatech, le plus grand salon d'Europe consacré aux nouvelles technologies ferme ses portes samedi. Pour le sociologue Jean Viard, il ne faut pas craindre les innovations, mais il faut créer un cadre juridique suffisamment solide pour les limiter.

Article rédigé par Benjamin Fontaine
Radio France
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Temps de lecture : 4min
40% des Français utilisent l'intelligence artificielle activement selon une enquête Ipsos de février 2025. (KENNETH CHEUNG / ISTOCK UNRELEASED)
40% des Français utilisent l'intelligence artificielle activement selon une enquête Ipsos de février 2025. (KENNETH CHEUNG / ISTOCK UNRELEASED)

Devenu en moins de 10 ans le plus grand salon des nouvelles technologies en Europe, Vivatech ferme ses portes samedi 14 juin porte de Versailles, à Paris. Pendant quatre jours, les investisseurs et entrepreneurs du secteur ont parcouru les allées à la découverte des 300 innovations présentée sur place. Ce salon a aussi été l'occasion pour l'entreprise française Mistral AI d'annoncer un partenariat avec le géant américain Nvidia. 

franceinfo : Est-ce que la technologie a tendance à véritablement nous éloigner de l'humain ?

Jean Viard : Chaque fois qu'il y a une révolution industrielle cela crée des angoisses légitimes. Nous sommes aujourd'hui face à une immense révolution, celle de l'intelligence artificielle, dont on ne connaît pas les débouchés. C'est un processus qui démarre, qui va bouleverser une partie du monde du travail, qui va bouleverser nos relations, nos outils, etc. Le meilleur moyen, de ne pas avoir peur, c'est de maîtriser la technologie. Il faut aussi dire que la révolution va plus vite que la norme et le droit. Il faut créer du droit et de la protection. Mais ça va prendre du temps.

franceinfo : Pour certains, ces innovations technologiques représentent un vrai levier d'émancipation, pour d'autres, ça va au contraire créer des divisions. Quelle est votre position ?

Jean Viard : Cela dépend de comment on utilise les technologies. Selon moi, le débat pour ou contre n'a aucun sens, car n'importe quelle révolution technologique apporte des bénéfices. Il faut aussi penser à la plus-value pour les services publics, par exemple. Il faut surtout se demander comment apprivoiser, maîtriser et limiter ces innovations, mais à mon sens, il faut plutôt en profiter, car les bénéfices sont importants et permettent de gagner du temps sur des tâches répétitives.

franceinfo : L'intelligence artificielle, les évolutions technologiques en général n'ont-elles pas tendance à renforcer certaines inégalités sociales ?

Jean Viard : C'est difficile à dire. Ce qui joue en premier lieu, c'est l'égalité entre les garçons et les filles. Il y a une bagarre à mener pour ramener la parité dans tous les nouveaux métiers autour de l'IA, dans les écoles d'ingénieurs. En réalité, il y a plein de gens qui vont utiliser l'IA sans le savoir dans leur téléphone portable, leur voiture ou la climatisation de leur maison, etc. À côté de cela, vous aurez bien évidemment des ingénieurs qui eux seront très bien formés pour l'utiliser.

franceinfo : On s'aperçoit à l'usage que l'utilisation des réseaux sociaux et de l'IA nous pousse aussi vers des formats courts où l'on perd un peu cette notion du temps long. On veut que les choses aillent vite, on a du mal à se concentrer. Est-ce dommageable ?

Jean Viard : Cela rejoint un peu la question de l'interdiction des réseaux sociaux aux enfants de moins de 15 ans dont on parle depuis quelques jours. Moi, je n'y crois pas tellement. Je pense qu'il y a des gens qui sont en situation de malaise et qu'il faut y répondre avec des moyens humains. Il y a quelques années, on disait que l'opium du peuple, c'était la religion. Au fond, Internet est aujourd'hui le nouvel opium du peuple. Il faut aussi dire que la démocratie est en danger, car cela modifie les systèmes d'information. La question est de savoir si la démocratie va aller plus vite que les avancées technologiques pour produire des cadres qui vont empêcher la démolition de nos systèmes. Une démocratie, c'est un équilibre entre la puissance de l'économie et la puissance du politique. Est-ce que la politique va se mettre au niveau de la nouvelle puissance de la technologie pour éviter que la technologie nous écrase ? C'est l'enjeu de la décennie qui vient.

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