"La pandémie a remis les personnes âgées au centre : il faut qu'on reconstitue une société du lien social autour de la famille", Jean Viard
Face à la perte d'autonomie, comment remettre les personnes âgées au centre de la société ? Le sociologue Jean Viard s'interroge sur le rôle des aidants.
/2023/07/07/64a7df4c5fe71_placeholder-36b69ec8.png)
/2022/10/08/phpktHduG.jpg)
Ils sont aux côtés d'une grand-mère en fin de vie. Ils donnent de leur temps pour un frère handicapé, une sœur malade. Les aidantes, les aidants seraient entre 8 et 11 millions en France. Et le mois des aidants vient d'être lancé cette semaine pour les mettre en avant, mais aussi pour mieux les informer sur leurs droits. Comment redonner une juste place aux personnes âgées dans notre société et aux personnes qui les aident ? La réflexion de Jean Viard, sociologue et directeur de recherche au CNRS.
Entre huit et 11 millions d'aidants en France et 60% d'entre eux ont un emploi. Des salariés qui la plupart du temps, disent les études, n'osent pas le dire à leur patron.
franceinfo : Pourquoi est-ce que ce sujet est autant tabou dans notre société ?
Jean Viard : Je ne sais pas vraiment si c'est tabou, mais je pense que le fait d'aider ses vieux parents me semble la chose la plus normale du monde. On ne dit pas qu'on est aidant quand on s'occupe de ses enfants. Après, c'est un peu différent avec les enfants handicapés, parce que c'est très prenant. Je pense que les gens craignent que leur patron se dise : "celui-là ne va pas investir dans son boulot, donc je ne garde pas". Je pense que sur le fond, c'est ça.
Mais ce qui est vrai, c'est que la vie s'est allongée de 20 ans depuis la dernière guerre, forcément, les jeunes retraités, ils ont en général encore des parents. C'est la première fois dans l'histoire de France que ça arrive. Avant, à 65 ans, on avait perdu ses parents depuis déjà 15 ou 20 ans. Nous, on perd ses parents en moyenne à 63 ans. C'est la première fois qu'on est dans cette situation.
La pandémie a remis les vieux au centre de la société. Parce qu'au fond, pourquoi est-ce qu'on s'est battu pendant deux ans ? Mais pour sauver les vieux, les gros et les malades, si je mets des guillemets autour de ces mots. Donc c'est une période extrêmement humaniste : on a remis les personnes âgées au centre, et je pense que ça va marquer les sociétés.
Le paradoxe, c'est que souvent, ces aidants, ils se sentent très seuls, abandonnés notamment par les pouvoirs publics. Alors, il reste quoi de la crise du Covid ?
La crise du Covid va changer nos vies pendant longtemps. Donc, tout de suite comme ça, il reste la voiture électrique, la taxe de 15% sur les grandes entreprises, le télétravail qui a changé la vie de presque 30% des Français. Il reste plein de choses et notamment le télétravail, ça permet de reconstituer des familles au sens géographique du terme.
Le mot dominant de la pandémie, c'est le mot proche. On s'est rapproché des proches, et on s'est rapproché dans l'espace. Je pense qu'il faut faire une politique pour favoriser justement les solidarités de génération, il faut qu'on reconstitue la famille dans le territoire pour favoriser des solidarités, mais des solidarités faciles. Si vous avez vos vieux parents dans le même bâtiment que vous, vous passez tous les jours 10mn, vous amenez le pain, le journal, trois blagues, vous changez l'ampoule cassée. Il faut vraiment qu'on reconstitue une société du lien social autour de la famille.
Depuis la guerre, on a supprimé les logements sociaux les HBM, avant les HLM, qui étaient à loyer modéré, bon marché. A l'époque, on prévoyait une chambre pour les vieux parents. Et petit à petit, dans les années 50-60, on a fait la décohabitation dans les HBM, la décohabitation dans les fermes. C'est l'Etat qui a financé la décohabitation dans les fermes, parce que sinon les jeunes femmes ne voulaient plus rester dans l'agriculture, si en fait leur vrai boulot, c'était d'être aidant à plein temps, souvent de deux couples de vieux. C'était ça la réalité !
Je pense qu'avec la grande pandémie, il est temps qu'on reconstitue une famille. On ne va pas tous habiter ensemble, mais que la proximité géographique dans le proche - pouvoir aller se voir dans la journée à pied - devienne un critère d'aménagement de la société et donc de solidarité.
À regarder
-
Au cœur de la traque des migrants
-
Mouvement "No Kings" aux États-Unis : sept millions d'Américains sont descendus dans les rues contre Donald Trump
-
Allocations familiales : vers un coup de rabot ?
-
Un braquage a eu lieu au Louvre dimanche matin à l'ouverture
-
Avions : quand des batteries prennent feu
-
Affaire Epstein : le prince Andrew renonce à son titre royal
-
Grandir à tout prix
-
Cédric Jubillar : 30 ans de prison pour meurtre
-
Mal de dos : comment le soigner
-
Faire des têtes au foot, c'est stylé, mais...
-
En Chine, le plus haut pont du monde est devenu une attraction touristique
-
Quand t’es collé en forêt
-
À Marseille, la Bonne Mère retrouve sa couronne
-
Meurtre de Lola : ce qu’il s’est passé
-
Chili : un miracle dans le désert
-
Faux diplômes : tricher pour se faire embaucher
-
Vignes : des algues pour remplacer les pesticides
-
Du Maroc au Népal, en passant par Madagascar, la génération Z structure ses luttes sur Discord
-
À Londres, le café c'est dans les toilettes
-
De la propagande russe dans nos infos locales
-
Ordures ménagères : une taxe toujours plus chère
-
Temu, Shein... ça va coûter plus cher ?
-
C'est très compliqué dès qu'on parle de la France
-
Départ anticipé d’E. Macron : “La seule décision digne qui permet d’éviter 18 mois de crise”
-
Donald Trump : le Venezuela dans sa ligne de mire
-
Hommage à Samuel Paty : des minutes de silence "inutiles" pour sa sœur.
-
Avion low cost : payer pour incliner son siège
-
Otages français en Iran : l'appel de détresse de leurs familles
-
Cédric Jubillar : ses défenseurs passent à l'attaque
-
Salomé Zourabichvili : "La Russie utilise la Géorgie comme test"
Commentaires
Connectez-vous ou créez votre espace franceinfo pour commenter.
Déjà un compte ? Se connecter