On vous explique pourquoi les aliments à base de soja peuvent être nocifs pour la santé (si vous en mangez en trop grande quantité)

Article rédigé par Robin Prudent
France Télévisions
Publié
Temps de lecture : 6min
Un travailleur agricole montre des graines de soja, le 6 mars 2025, à Binzhou (Chine). (CFOTO / NURPHOTO / AFP)
Un travailleur agricole montre des graines de soja, le 6 mars 2025, à Binzhou (Chine). (CFOTO / NURPHOTO / AFP)

L'Agence nationale de sécurité sanitaire recommande de diversifier sa consommation de légumes secs afin de réduire l'exposition aux isoflavones, des substances végétales proches des hormones féminines, qui présentent des risques pour la fertilité.

Moins de soja à la cantine. L'Agence nationale de sécurité sanitaire (Anses) a recommandé, lundi 24 mars, de ne pas servir d'aliments à base de soja en restauration collective. Toutes les catégories d'âge et tous les types établissements sont concernés, des crèches aux Ehpad en passant par les écoles, les restaurants d'entreprises ou les hôpitaux. Mais quels sont les effets potentiellement nocifs pour la santé des yaourts, biscuits, sauces et steaks à base de soja ? Franceinfo revient sur les recommandations émises par les autorités de santé.

1 Quels sont les risques ?

Si le soja est une source végétale de protéines de bonne qualité et faible en graisse, il peut présenter également des risques pour la santé s'il est consommé en trop grande quantité. Dans son dernier avis, l'Anses rappelle ainsi que les aliments à base de soja contiennent des isoflavones, aussi appelées phytoestrogènes. Ces substances végétales proches des hormones féminines (les œstrogènes) peuvent avoir des effets toxiques sur le système reproducteur et la fertilité. "Du fait de la présence d'isoflavones dans les graines de soja, celles-ci exercent une action hormonale sur les personnes qui en consomment", explique le Service public d'information en santé. "Elles remplissent donc la définition d'un perturbateur endocrinien puisqu'elles imitent l'action d'une hormone féminisante."

2 Qui est concerné ?

Deux catégories de la population sont particulièrement exposées aux risques liés à ces substances : les femmes enceintes et les enfants. Au cours des dernières années, les autorités sanitaires leur ont recommandé de limiter leur consommation d'aliments à base de soja. "Par mesure de précaution, le Haut Conseil de la santé publique (HCSP) recommande de s'abstenir de consommer des aliments et boissons à base de soja pendant la grossesse et l'allaitement", rappelle Santé publique France sur son site MangerBouger.fr. Ces produits sont également "déconseillés" pour "les enfants de moins de 3 ans" et "les préadolescents", complète le Service public d'information en santé, "deux périodes de la vie où l'organisme est très sensible aux œstrogènes".

3 Quelles sont les quantités à ne pas dépasser ?

Pour la première fois, l'Anses a défini des valeurs toxicologiques de référence par ingestion. "C'est un seuil protecteur", en dessous duquel il n'y a quasiment aucun risque pour la santé, précise Perrine Nadaud, directrice adjointe de l'unité d'évaluation des risques liés à la nutrition à l'Anses, auprès de franceinfo. Deux valeurs toxicologiques de référence ont été établies par l'Anses : une pour la population générale (0,02 mg/kg et par jour) et une autre pour les femmes enceintes et en âge de procréer ainsi que les enfants prépubères (0,01 mg/kg et par jour).

Ces valeurs ont ensuite été comparées aux niveaux d'exposition alimentaire de la population française. Résultat : "Il existe un risque de dépassement [de ces seuils] chez les consommateurs d'aliments à base de soja", note l'Anses. Ainsi, 76% des enfants de 3 à 5 ans consommant ces aliments les dépassent, de même que 53% des filles de 11 à 17 ans, 47% des hommes de 18 ans et plus ainsi que des femmes de 18 à 50 ans. C'est à partir de ces conclusions que l'Anses a recommandé de ne pas proposer ces aliments en restauration collective, afin d'éviter que les repas pris dans ce cadre ne contribuent au risque de dépassement.

4Tous les produits présentent-ils les mêmes risques ?

Non. Il y a une très grande variété de concentration de phytoestrogènes selon les produits : "Il y a ainsi 100 fois plus d'isoflavones dans les biscuits apéritifs à base de soja que dans la sauce soja", note l'Anses. "Dans une même catégorie de produits, comme les desserts au soja, cela peut également passer du simple au double", détaille Perrine Nadaud.

Ces écarts sont dus à plusieurs facteurs : d'une part la variété de soja, les conditions de culture ou le degré de maturité de la plante et d'autre part les procédés de fabrication ou la formulation des recettes. Dans ces conditions, il n'est pas possible de donner une quantité précise de produits à base de soja à consommer par jour ; cela dépend d'abord de la quantité – très variable – d'isoflavones contenues dans l'aliment.

Des pistes existent tout de même pour s'y retrouver. Selon l'Institut national de recherche pour l'agriculture, l'alimentation et l'environnement (Inrae), les produits fermentés ont des teneurs moins élevées en phytoestrogènes que ceux issus de procédés industriels. "Les techniques traditionnelles utilisées en Asie comme le lavage ou le trempage permettent de réduire les teneurs de ces isoflavones", précise également Perrine Nadaud.

5 Faut-il arrêter de manger du soja ?

Non, pas pour la population générale. "Il ne s'agit pas de jeter l'opprobre sur le soja en tant qu'aliment, mais plutôt sur les teneurs en isoflavones que les produits au soja contiennent actuellement", précise Aymeric Dopter, chef de l'unité d'évaluation des risques liés à la nutrition à l'Anses, interrogé par l'AFP. C'est pour cela que l'agence a également recommandé aux industriels "de mettre en œuvre des techniques agronomiques et des procédés de fabrication permettant de produire des aliments en maîtrisant les teneurs en isoflavones".

En attendant ces améliorations, l'Anses appelle surtout les consommateurs à diversifier leurs apports en légumineuses. "A l'Anses, on a toujours recommandé un apport en légumes secs, souligne Perrine Nadaud. C'est une catégorie d'aliments qui est très intéressante d'un point de vue nutritionnel car ils contiennent des fibres et des protéines, mais on souhaite que les gens diversifient ces apports pour ne pas aller que vers le soja." Et les alternatives, qui contiennent bien moins d'isoflavones, sont nombreuses, à l'instar des lentilles, des haricots rouges ou encore des pois chiches.

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