Reportage Santé des femmes handicapées : cette sage-femme comble le manque d'accès aux soins gynécologiques

Une femme sur trois en situation de handicap n'est pas suivie par ce genre de spécialiste, selon une étude de l'Agence régionale de santé d'Ile-de-France. Pour y remédier, l'Etat finance le développement d'un dispositif appelé "Handigynéco".

Article rédigé par franceinfo - Emma Voglimacci
Radio France
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Temps de lecture : 3min
Pauline Roca, sage-femme, se rend une fois par semaine dans des établissements médico-sociaux (EMS) pour prodiguer des soins, comme ici, à Menucourt, dans le Val-d’Oise. (EMMA VOGLIMACCI / FRANCEINFO / RADIO FRANCE)
Pauline Roca, sage-femme, se rend une fois par semaine dans des établissements médico-sociaux (EMS) pour prodiguer des soins, comme ici, à Menucourt, dans le Val-d’Oise. (EMMA VOGLIMACCI / FRANCEINFO / RADIO FRANCE)

"Liberté, égalité, accessibilité" : c'est le slogan du rassemblement de l'association APF France Handicap. Elle appelle à manifester à Paris pour demander plus d'accessibilité dans les espaces publics, au travail ou encore dans la santé. Car c'est encore loin d'être le cas, notamment pour les femmes. Une femme sur trois en situation de handicap n'est pas suivie par un gynécologue, selon une étude de l'Agence régionale de santé (ARS) d'Ile-de-France de 2016.

Pour y remédier, l'Etat finance le développement d'un dispositif appelé Handigynéco : des sages-femmes spécifiquement formées viennent directement dans les établissements médico-sociaux (EMS) pour prodiguer des soins. Les patientes qu'elles rencontrent n'ont pas vu de gynécologue depuis parfois des dizaines d'années, comme dans ce foyer d'accueil médicalisé, à Menucourt, dans le Val-d'Oise.

"J'allais souvent chez le gynécologue avant"

Pauline Roca, sage-femme, se déplace volontairement dans ce genre de centre, une fois par semaine. Ce jour-là, elle est venue ausculter Stéphanie, qui est atteinte d'un trouble psychique. "J'allais souvent chez le gynécologue avant. Mais j'avais 27 ans. Aujourd'hui, j'en ai 51. Quand je suis arrivée ici, je ne l'ai plus vue car il fallait aller dans son cabinet…", confie-t-elle au micro de franceinfo.

Pour la professionnelle, ce manque de suivi est lié à un préjugé : "On entend les gens nous dire que les personnes handicapées n'ont pas besoin de soins, puisqu'elles n'ont pas de sexualité… Déjà, elle peut avoir des questions, elle peut éprouver des douleurs de règles. Et pour le coup, j'ai des patientes qui ont un partenaire depuis de nombreuses années ou certaines qui racontent avoir plusieurs 'plans cul'".

Reste que les spécialistes sont aussi peu accessibles, mal équipés pour l'accueil des personnes en situation de handicap et souvent "surbookés", comme le fait remarquer Stéphanie. Aller chez le docteur est un véritable chemin de croix pour ces patientes, confirme Magali Renucci, adjointe à la direction de l'établissement. "Ça nous a posé des vrais problèmes. On a eu des patientes qui ont été refusées pour ces raisons. La table d'auscultation n'était, par exemple, pas adaptée. Ou des médecins qui ne sont pas forcément à l'écoute, qui ne comprennent pas forcément la pathologie psychiatrique", détaille-t-elle.

Une femme en situation de handicap sur six a été victime de viol

Pauline, elle, prend le temps. La sage-femme a appris le counseling en formation, cette technique de communication met le patient et le soignant à égalité. Elle crée un véritable lien de confiance qui leur permet de se livrer, parfois de façon très intime, comme avec cette autre patiente. "J'ai été violée quand j'étais petite… Ça m'a choquée et je ne fais plus du tout l'amour", explique-t-elle à Pauline, qui écoute et vérifie que sa patiente est bien suivie pour ces violences.

Ces confessions sont fréquentes : près d'une femme en situation de handicap sur six a été victime de viol, selon les résultats d'une étude conduite par l'Ifop pour l'Association pour l'insertion sociale et professionnelle des personnes handicapées (Ladapt), publiée en novembre 2022. Depuis 2023, le dispositif "handigynéco" a permis de découvrir 65 cas de violences sexuelles.

Cette sage-femme comble le manque d'accès aux soins gynécologiques pour les femmes handicapées. Reportage d'Emma Voglimacci

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