Reportage "Trois patients en une semaine qui abordent la même série, c'est une première pour moi" : quand "Bref. 2" s'invite sur le divan des psychologues

Article rédigé par franceinfo, Corentin Bémol - Corentin Bémol
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Temps de lecture : 4min
Une patiente discute avec sa psychologue. (EMMA BUONCRISTIANI / MAXPPP)
Une patiente discute avec sa psychologue. (EMMA BUONCRISTIANI / MAXPPP)

Sorti le 14 février dernier, la saison 2 de "Bref." s'est illustrée par son approche de thèmes graves et profonds tels que le deuil, les relations toxiques ou encore la solitude. La compréhension de la série a provoqué des déclics chez beaucoup de spectateurs, qui se sont confiés à leur psychologue.

C'est le succès français de ce début d'année dans le monde des séries. Bref Saison 2, est sortie le 14 février sur Disney+, 13 ans après sa première saison, diffusée dans Le Grand Journal de Canal+. La série suit l'histoire d'un quadragénaire en galère, sans emploi, sans relation amoureuse, et qui tente de sortir la tête de l'eau.

Un programme à l'humour redoutable mais une histoire aux allures tragiques. Des thèmes très graves sont abordés dans cette saison coécrits par Kyan Khojandi et Bruno Muschio. Si bien que depuis deux semaines, la série s'est retrouvée sur le divan de plusieurs psychologues.

"Suis-je le mec du film ?"

Que ce soit en téléconsultation, ou bien à son cabinet à Meudon dans les Hauts-de-Seine, la psychologue clinicienne Roxane Kaniuk a entendu parler de cette série, une semaine seulement après sa sortie. "Mes patients, m'en ont beaucoup parlé. Ça arrive régulièrement qu'on me cite des œuvres, qu'on me dise 'Ah, ça m'a fait penser à quand j'ai vu ce film, petit ou petite', mais là, qu'il y ait trois patients en une semaine, qui abordent cette série, c'est franchement une première pour moi", explique-t-elle.

Les patients amènent avec eux, en thérapie, des pistes de réflexions abordées par Bref, en particulier sur la question du rapport à l'autre.

"Ils se demandent 'A quel point j'ai pu être toxique sans m'en rendre compte dans une relation amicale ou amoureuse ?"

Roxane Kaniuk, psychologue clinicienne

à franceinfo

"Ça va être des remises en question autour de ça… Si une situation similaire devait se répéter, est-ce que je l'aborderai de la même manière ?", ajoute-t-elle.

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Une autre psychologue qui exerce dans le 13ème arrondissement de Paris explique que "la saison 2 de cette série a interrogé plusieurs autres patients qui sont même assez déstabilisés. Mais tous le prennent comme des pistes de réflexion."

Pour Michaël Stora, psychologue et psychanalyste, la série brille par son processus d'identification au personnage principal. "Le personnage dans 'Bref 1' est un personnage très introverti, qui souffre de ce qu'on appellerait un narcissisme négatif, c’est-à-dire la position de victime dans laquelle il se complaît sans prendre en compte l'autre. Je pense que c'est une série très intéressante parce que nous, en tant que cliniciens et psychologues, on reçoit justement des patients qui sont un peu prisonniers de ces souffrances narcissiques. Et finalement cette deuxième saison repose véritablement cette question de : 'qu'est-ce que c'est avoir une relation à l'autre ?' et comment l'autre, par sa différence, vient nous rappeler que la différence, c'est ce qui fait la relation".

"Le paradoxe de Bref. 2"

Pour certains praticiens, le risque de cette série pour les personnes qui ont ressenti un "déclic" serait de s'y arrêter. Barbara Chamard, thérapeute spécialisée dans la gestion des émotions et qui possède une chaîne YouTube sur ces sujets, met en garde contre ce qu'elle appelle "le paradoxe de Bref. 2".

"Il y a un truc assez connu en psychologie qui s'appelle le biais de compréhension. Quand on met des mots sur un comportement ou sur un schéma psychologique, notre cerveau a l'impression qu'il a avancé. Parce que comprendre, c'est déjà un premier pas, ça permet de sortir du flou. Le piège, c'est que cette compréhension nous donne l'illusion que le travail est accompli, alors que ce qui est vraiment important, c'est de se servir de cette compréhension pour derrière commencer à changer les choses qu'on a envie de changer. Cela n'est pas forcément facile quand on a le sentiment d'être soulagé d'avoir compris", explique-t-elle.

Par le passé, d'autres œuvres ont pu se retrouver dans les discussions avec des psychologues, telle que la série En Thérapie, précise Michaël Stora. Vice-Versa, film d'animation signée Pixar, est également cité pour son illustration du fonctionnement des émotions.

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