Contention en psychiatrie : le psychiatre et lanceur d'alerte Mathieu Bellahsen réclame un "débat politique" pour savoir "si c'est un soin"

"Ce n'est pas juste une question de soignants, elle concerne le ministre de la Santé, le gouvernement, les médecins en chef, la direction des hôpitaux", affirme Mathieu Bellahsen, jeudi sur franceinfo.

Article rédigé par franceinfo
Radio France
Publié
Temps de lecture : 3min
Une soignante dans une chambre d'un hôpital psychiatrique. Image d'illustration. (PIERRE ROUANET / MAXPPP)
Une soignante dans une chambre d'un hôpital psychiatrique. Image d'illustration. (PIERRE ROUANET / MAXPPP)

"Il n'y a jamais eu de débat politique" pour savoir "si la contention est un soin", déplore jeudi 24 juillet sur franceinfo Mathieu Bellahsen, psychiatre, lanceur d'alerte, ancien chef de pôle au sein du service psychiatrique de l'établissement public de santé Roger-Prévot de Moisselles (Val-d'Oise) et auteur d'Abolir la contention aux éditions Libertalia en 2023. La contention – le fait d'attacher des patients sur un lit d'hôpital – est de plus en plus questionnée en France, à la fois par les patients, leurs proches et les professionnels de santé, qui réclament ces dernières semaines l'abolition de ces techniques d'entrave jugées inhumaines. 

"C'est vraiment une question politique. Ce n'est pas juste une question de soignants, elle concerne le ministre de la Santé, le gouvernement, les médecins en chef, la direction des hôpitaux", affirme Mathieu Bellahsen. Les chiffres ne sont pas anodins : selon le dernier bilan de l'Institut de recherche et documentation en économie de la santé (Irdes), 8 000 personnes ont subi une contention en 2022. Ce "ne sont que les chiffres des services de psychiatrie adulte. On n'a pas les chiffres pour les enfants", précise le psychiatre. "On n'a pas les chiffres dans les urgences, dans les Ehpad, en réanimation, et dans tout un tas de services qui pratiquent cette contention mécanique" qui consiste à "attacher une personne avec des sangles à un lit".

Essayer de "faire autrement"

"Est-ce qu'on se donne tous les moyens pour ne pas attacher [les patients] ?", s'interroge Mathieu Bellahsen. Selon la Haute Autorité de santé et la contrôleure générale des lieux de privation de liberté, la contention "doit être une pratique de dernier recours". Ce n'est pas le cas, parce que la "plupart du temps, c'est une pratique d'un recours assez rapide", dénonce le psychiatre. Pour lui, il faut s'interroger sur la nature et le sens des "soins" prodigués. "Qu'est-ce que c'est que le soin ? Est-ce juste de donner des médicaments" pour que "les patients se tiennent bien sages, ou est-ce que c'est essayer de comprendre ce qui leur arrive ?", avance le lanceur d'alerte.

"Moins vous essayez de comprendre ce qui arrive à un patient et plus vous allez avoir des pratiques coercitives avec lui."

Mathieu Bellahsen, psychiatre et lanceur d'alerte

sur franceinfo

"Bien entendu le manque de moyens peut aggraver les choses", nuance Mathieu Bellahsen. Il rappelle "qu'en 2021, quand la question prioritaire de constitutionnalité a permis d'encadrer la contention d'isolement, il n'y a jamais eu de débat politique, notamment porté à l'époque par Olivier Véran [ex-ministre de la Santé] et la majorité. Il n'y a jamais eu de débat politique" sur le fait de savoir si "la contention est oui ou non un soin". C'est en ces termes que le débat doit être introduit, selon le psychiatre. Soit "on dit que c'est un soin" et donc "c'est pour le bien de la personne", soit "on dit que c'est une mesure de sécurité" en se disant "qu'on ne peut pas faire autrement à certains moments". Si on a cette réflexion, "alors se pose la question de comment on essaye de faire autrement". 

Mathieu Bellahsen appelle à un "débat général pour créer une société qui fasse des soins psychiatriques réels et pas juste de la coercition". En conclusion, "c'est une question de soins, une question politique qui doit être portée à tous les étages du corps psychiatrique, qui va du gouvernement jusqu'à la Haute Autorité de santé".   

Commentaires

Connectez-vous ou créez votre espace franceinfo pour commenter.