: Infographies Le nombre de suicides en France est en hausse, surtout chez les hommes très âgés et les jeunes femmes

Après des décennies de repli, les suicides ne reculent plus en France. En 2022, 9 200 personnes sont mortes de lésions auto-infligées, soit une progression de 3,3% en un an, rapporte l'Observatoire national du suicide (ONS), mardi 25 février. Chaque jour, ce sont ainsi 25 suicides qui sont enregistrés dans le pays, avec une nette surreprésentation des hommes, trois fois plus nombreux à se donner la mort que les femmes, selon le dernier rapport de cet organisme placé sous l'autorité du ministère de la Santé.

Ce rebond s'explique notamment par une "forte augmentation" du taux de suicide chez les hommes de plus de 85 ans, déjà identifiés comme la population la plus touchée (voir l'infographie qui suit). Les seniors masculins affichent désormais un taux de 86 suicides annuels pour 100 000 habitants (un bond de neuf points en un an), contre 13,4 pour l'ensemble des Français, tous âges et genres confondus (voir la deuxième infographie au bas de l'article).

"Les taux de suicide augmentent régulièrement avec l'âge" et "ce sont bien nos aînés qui en meurent le plus, chez les femmes comme chez les hommes", soulignent les auteurs du rapport. Ils appellent à s'interroger sur le "tabou" du suicide des personnes âgées et "sur le mal-être de nos aînés, dans un contexte de vieillissement de la population". 

A l'heure où la France envisage de légiférer sur l'aide à mourir, l'Observatoire national du suicide relève qu'un dispositif d'euthanasie ou de suicide assisté pourrait, "de manière contre-intuitive", constituer un levier de prévention du suicide. Dans les pays qui disposent déjà d'une telle législation, "le simple fait d'être écouté par un soignant, d'évoquer les possibilités du dispositif et d'entrevoir un horizon provoque dans certains cas un effet de revitalisation, ou du moins un début de prise en charge du mal-être", avance le rapport. En revanche, le taux de suicide ne baisse pas davantage dans les Etats où l'aide à mourir existe, "ce qui implique que ce sont des catégories de population différentes qui meurent selon ces deux modalités".

Une forte progression du taux de suicide des jeunes femmes

A l'autre bout de la pyramide des âges, l'ONS attire l'attention sur la situation "alarmante" des femmes de moins de 25 ans. Si elles restent la catégorie qui met le moins fin à ses jours, leur taux de suicide a doublé entre 2015 et 2022 et leurs hospitalisations pour gestes auto-infligés ont connu une "hausse brutale". En parallèle, les chiffres des hommes du même âge sont restés stables. Cette évolution, à rapprocher de la "hausse des pensées suicidaires et des syndromes dépressifs chez une minorité importante d'adolescentes et de jeunes femmes depuis 2014", a été amplifiée par la crise du Covid-19 et pourrait s'expliquer en partie par les "violences sexistes et sexuelles" et les "injonctions de genre" visant les femmes.

Toutes catégories confondues, "la baisse constante du taux de suicide, observée depuis le milieu des années 1980, semble s'essouffler", actent les auteurs, qui rappellent qu'un premier regain avait été observé en 2018 du fait d'une évolution méthodologique. Un "niveau plancher" aurait été atteint en France, après des décennies de succès liés, selon diverses hypothèses, à l'instauration de programmes de prévention, à une meilleure prise en charge des troubles mentaux et à la "limitation progressive de l'accès aux moyens létaux" comme les armes à feu ou les pesticides. L'heure est désormais à la "crise" dans le secteur du soin et de l'action sociale, s'inquiète l'ONS.

La France n'est pas isolée face à cette situation. Chez nos voisins européens, "les données les plus récentes semblent indiquer une tendance à la remontée des décès par suicide au cours des toutes dernières années", relève le rapport. Avec un taux de 13,3 décès pour 100 000 habitants en 2021, la France se situe dans la moyenne haute du reste de l'UE (10,2). Les bilans les plus élevés sont enregistrés en Europe de l'Est et du Nord, tandis que nos voisins du Sud sont plus épargnés. Ils bénéficieraient d'un climat moins propice aux dépressions saisonnières, de liens familiaux moins distendus et de croyances religieuses plus ancrées, d'où un "rôle protecteur" lié à la condamnation du suicide par les doctrines religieuses.

Si vous avez des pensées suicidaires, si vous êtes en détresse ou si vous voulez aider une personne en souffrance, il existe des services d'écoute anonymes et gratuits. Le numéro national 3114 est joignable 24h/24 et 7j/7 et met à disposition des ressources sur son site. L'association Suicide écoute propose un soutien similaire au 01 45 39 40 00. D'autres informations sont disponibles sur le site du ministère du Travail, de la Santé, des Solidarités et des Familles.