Narcotrafic : les députés rejettent la création d'une "porte dérobée" dans les messageries chiffrées, mais adoptent plusieurs mesures controversées

L'Assemblée a notamment validé le "procès-verbal distinct", permettant de ne pas divulguer aux avocats des trafiquants certaines informations sur la mise en œuvre de techniques spéciales d'enquête.

Article rédigé par franceinfo avec AFP
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Le ministre de l'Intérieur, Bruno Retailleau, le 18 mars 2025, à l'Assemblée nationale. (ARTHUR N. ORCHARD / HANS LUCAS / AFP)
Le ministre de l'Intérieur, Bruno Retailleau, le 18 mars 2025, à l'Assemblée nationale. (ARTHUR N. ORCHARD / HANS LUCAS / AFP)

Création d'un "procès-verbal distinct" et d'un nouveau régime carcéral, mais maintien de la confidentialité des messageries chiffrées... Les députés poursuivent, depuis lundi 17 mars, l'examen de la proposition de loi sénatoriale visant à lutter contre le narcotrafic, et soutenue par le gouvernement. 

Mercredi, les parlementaires ont adopté l'une des mesures les plus décriées du texte, qui prévoit la création d'un nouveau régime carcéral d'isolement pour les plus gros trafiquants. La proposition entend créer des quartiers de haute sécurité, dans lesquels seraient affectées les personnes issues de la criminalité organisée les plus dangereuses, sur décision du garde des Sceaux. Initialement fixée à quatre ans renouvelables, la durée de détention a été ramenée à deux ans renouvelables, par amendements, après un avis du Conseil d'Etat.

Les députés ont également approuvé jeudi l'extension du recours à la visioconférence pour la comparution des narcotrafiquants les plus dangereux, une mesure destinée à prévenir les risques d'évasion et protéger les agents pénitentiaires.

Bruno Retailleau mis en échec sur les messageries chiffrées

Peu avant minuit jeudi, les élus du Palais Bourbon ont décidé de maintenir la confidentialité des messageries chiffrées, Bruno Retailleau échouant à les convaincre du bien-fondé de cette mesure, au terme d'un vote perturbé par une rarissime panne technique. Le ministre de l'Intérieur souhaitait pouvoir imposer aux plateformes (Signal, WhatsApp...) de communiquer les correspondances des trafiquants aux services de renseignement. Mais les députés avaient supprimé cette mesure – qui agrège contre elle de nombreux acteurs et experts de la cybersécurité – en commission des lois la semaine dernière. Les députés de la gauche et du centre opposés à l'article initial s'inquiétaient de l'introduction d'un mécanisme de "porte dérobée", ou backdoor, permettant à un tiers d'accéder à des messages chiffrés, ouvrant en même temps une faille de sécurité.

Vendredi, les parlementaires ont validé la création d'un "procès-verbal distinct", une mesure destinée à protéger les enquêteurs et informateurs mais jugée attentatoire aux droits de la défense par les avocats pénalistes et la gauche. Cette disposition, approuvée par 57 députés contre 31, prévoit la création lors des enquêtes d'un procès-verbal distinct, ou "dossier-coffre", pour ne pas divulguer à la défense certaines informations sur la mise en œuvre de techniques spéciales d'enquête (sonorisation, captation des données informatiques...), telles que la date, l'horaire, le lieu de leur mise en œuvre, ou l'identité de la personne ayant concouru à l'installation. Défendue par le ministre de l'Intérieur, elle avait été supprimée en commission.

"Interdiction de paraître" et fermeture administrative

Plus tard dans la journée, les députés ont approuvé un article lui aussi vivement contesté par la gauche, qui permettrait au préfet de prononcer une "interdiction de paraître" d'un mois maximum dans les lieux liés à des activités de trafic de stupéfiants pour les personnes y participant. Le préfet pourra aussi saisir un juge pour faire expulser de son logement toute personne dont les agissements en lien avec des activités de trafic de stupéfiants troublent l'ordre public. Les députés du Nouveau Front populaire se sont notamment alarmés d'une mesure qui impacterait, au-delà du trafiquant, les membres de sa famille.

L'Assemblée a également adopté un article permettant aux préfets de décider la fermeture administrative de commerces soupçonnés de blanchiment, pour une durée allant jusqu'à six mois, éventuellement prolongée six mois par le ministre de l'Intérieur. Face au grand nombre d'amendements restants, la décision a été prise dans la soirée de pouvoir continuer les débats lundi s'ils n'étaient pas achevés dans la nuit vendredi, comme initialement prévu.

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