Entretien "Il suffit d’une petite fragilité pour passer à l’acte"... Chez les masculinistes la violence est omniprésente

Le parquet national antiterroriste s'est saisi d'un projet d'attentat contre des femmes en France, le 27 juin. Le suspect appartiendrait aux "incels" au sein du mouvement masculiniste, la journaliste Perla Msika revient sur les différences entre ces groupes d'hommes.

Article rédigé par franceinfo
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La journaliste Perla Msika, au micro de Franceinfo le 3 juillet 2025. (FRANCE INFO / RADIO FRANCE)
La journaliste Perla Msika, au micro de Franceinfo le 3 juillet 2025. (FRANCE INFO / RADIO FRANCE)

Pour la première fois, le parquet national antiterroriste se saisit d'un projet d'attentat contre des femmes en France. Le 27 juin à Saint-Etienne, le mis en cause a été interpellé par la DGSI près de son lycée, armée de deux couteaux. Le 3 juillet, le jeune homme, masculiniste revendiqué, a été mis en examen pour association de malfaiteurs.

Au sein des masculinistes, les profils sont multiples, et le jeune homme de 18 ans appartiendrait à la tendance des "incels". Pour la journaliste Perla Msika, de Consipary Watch et spécialiste de ce mouvement, ces groupes d'hommes se forment sur les réseaux sociaux, où les plus âgées manipulent des adolescents sur ce que devraient être "les relations hommes femmes". À l'inverse des groupes masculinistes et misogynes, en opposition avec le féminisme, les "incels", eux, seraient "une réaction au féminisme".

Franceinfo : Que professent les masculinistes ?

Perla Msika : Les masculinistes, et en particulier les incels, c'est une tendance. Les incels sont des "involuntary celibates", des "célibataires involontaires" en français. Ce sont des groupes d'hommes qui se sont d'abord réunis en ligne sur des forums à partir des années 2000. En partant du postulat que leur misère sexuelle, leur solitude affective seraient la faute des femmes, qu'elles en seraient coupables. Ce qui les différencie d'un groupe misogyne et masculiniste, c'est qu'ils existent non pas par opposition aux féministes - c'est important - mais par réaction au féminisme. En considérant que les féministes, les militantes et la lutte pour les droits des femmes ont inversé le rapport de domination : les féministes auraient pris le pouvoir et auraient fait d'eux les dominés et surtout des citoyens de second rang.

Cette mouvance poursuit-elle des objectifs politiques ?

Non pas clairement. Ce sont des hommes, d'un courant assez plaintif, qui n'est pas nécessairement violent. C'est-à-dire qu'on se réunit pour parler, se plaindre de son célibat, de sa solitude et on ne passe pas forcément à l'action. Mais il suffit, dans certains profils d'une petite fragilité mentale pour que cela change. C'est pour cela que c'est important de parler du profil de ce garçon, pour comprendre qu'on peut passer à l'acte en cas d'extrême fragilité.

Vous avez entendu la ligne de défense de son avocate, mais quelle est la différence entre un mouvement organisé et une personne un peu perdue ?

Le masculinisme est une idéologie très claire. On sait d'ailleurs qu'il y a une porosité avec d'autres idéologies réactionnaires, comme l'ultra-droite. Mais je pense qu'on ne doit pas passer à côté de l'idée que le masculinisme est, aussi, une affaire de manipulation des jeunes hommes. On le voit avec ce genre de profil, ce sont toujours des jeunes de 16, 18 et parfois même 14 ans.

"Tous les incels ne passent pas à l’acte, heureusement, mais il suffit d’une petite fragilité pour le faire."

Perla Msika, journaliste spécialiste du mouvement masculiniste

à franceinfo

Peut-on l'expliquer psychologiquement ?

Psychologiquement, je ne sais pas. Je dirais plutôt qu'on est à un âge de grande vulnérabilité. On entre dans la vie affective, dans la vie sexuelle, dans la vie sociale de manière générale. Et on a d'un côté cette étape très difficile à passer pour tous les adolescents. Et puis de l'autre, ces masculinistes, ces incels, qui à portée de téléphone nous proposent un mode d'emploi très clair : un homme c'est ça, une femme c'est ça, les relations hommes femmes c'est ça. Et puis surtout un ennemi à abattre : les féministes qui nous empêchent d'atteindre cet objectif.

Y a-t-il des leaders sur les réseaux sociaux ? Les parents et enseignants se demandent comment les repérer…

Il n'y a pas de "leaders" incels, ce sont plutôt des groupes organisés en ligne. Et c'est surtout assez secret, surtout sur des réseaux comme Reddit. Ce qui est intéressant, c'est qu'il y a quand même un système de contraste. Pour les incels, il y a cette idée qu'on se plaint d'une forme de misère sexuelle, et puis l'extrême contraste, ce sont les masculinistes. Par exemple, il y a Andrew Tate, cet Américain masculiniste, ancien combattant de kickboxing, qui s'est reconverti en influenceur et prône une masculinité ultra-violente, dominatrice.

Incite-t-il à la violence ?

Il prône une masculinité violente et aussi une vision de la femme complètement soumise à lui. Par exemple, il dit très clairement qu'une femme appartient à l'homme avec qui elle est, et qu'elle est responsable des viols qu'elle a subis. Ce n'est pas forcément une violence physique, mais en tout cas c'est une violence dans les mots.

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