: Témoignages "C'était d'une violence extrême, c'était l'enfer" : des victimes racontent les violences physiques et sexuelles subies à Notre-Dame de Bétharram
Franceinfo a recueilli les témoignages de victimes qui ont subi des violences au sein de ce collège-lycée catholique des Pyrénées-Atlantiques, et notamment celui du plus vieux plaignant dans cette affaire. Car ces violences ont perduré pendant des décennies.
Trois hommes sont en garde à vue dans le cadre de l'enquête sur Notre-Dame de Bétharram pour des viols aggravés, agressions sexuelles et/ou violences aggravées. Des faits susceptibles d'avoir été commis entre 1957 et 2004. Ce sont les premières mises en cause après un an d'investigations sur plus d'une centaine de plaintes. Des violences dénoncées par d'anciens pensionnaires qui ont perduré pendant des décennies, et ce, dès les années 1950.
Il s'appelle Olivier et a 78 ans aujourd'hui. En 1955, il arrive à Bétharram. À cette époque, il a 8 ans et, dès le premier jour, l'enfer commence pour le jeune garçon : "Je suis arrivé un soir. Je me suis assis et j'ai dit bonjour au garçon qui était à côté de moi. Et à ce moment-là, le pion est arrivé derrière moi. Au fond de l'étude, il y avait une grande caisse en bois, mais énorme ! Le pion m'a chopé par le colback, m'a soulevé et m'a jeté dans la caisse à papier. C'était 'bienvenue à Bétharram'."
"J'ai pris des coups de pied dans le ventre pour une bille tombée par terre"
À partir de là, les sévices sont quotidiens et les punitions disproportionnées. Parce qu'il se ronge les ongles, Olivier reçoit de violents coups de règles sur les doigts "jusqu'à la corne" explique-t-il. Pour un chuchotement, les coups s'abattent sur les élèves. Un déchaînement de violence inouï. "C'était d'une violence extrême, explique Olivier. Je me rappelle d'une anecdote. Tout le monde connaît ces grands dortoirs de 50 lits à Bétharram. Un jour, on dormait avec des affaires pliées sur le lit, et il y a eu un chahut. Il y a le père supérieur, le pédophile, qui est arrivé dans un silence de mort dans le dortoir. Moi, j'ai bougé un peu le pied. Il y a une bille qui est tombée de mon pantalon et qui a roulé. Il a demandé qui avait fait ça et je me suis dénoncé. Il m'a foutu par terre. J'ai pris des coups de pied dans le ventre, dans la tête, partout ! Mais un fou ! Parce qu'une bille était tombée !"
Quand on lui demande s'il était possible de se rebeller et de résister. "Alors là, j'ai vu des bouts d'oreilles arrachés, prendre l'oreille et arracher le lobe. Vous n'aviez aucun droit de vous rebeller, vous en preniez dix fois plus", répond Olivier. Olivier se souvient avoir subi, une fois, des attouchements. Un climat de terreur qui dure sept ans au milieu de prédateurs. "Les surveillants des études étaient des monstres, des monstres de violence. C'était l'enfer ! L'enfer ! Les branlées qu'ils nous ont mises...", raconte-t-il.
"Quand je suis parti de Bétharram, je les ai bien regardés dans les yeux. Et je me rappelle ce que j’ai dit au père prefet : "Vous avez voulu me casser ? Regardez-moi." Et je lui ai fait un bras d’honneur en partant. Il ne pouvait plus me taper. Après la vie était belle en partant de Bétharram. Que voulez-vous qu’il m’arrive de pire ? J'apporte simplement un témoignage pour dire que cette histoire dure depuis très longtemps."
Un climat de terreur continue pendant des décennies
Cette histoire se poursuit dans les années 1980 à en croire un autre témoignage. En septembre 1985, Manu, 52 ans aujourd'hui, pousse les portes de Bétharram. Il a 13 ans et il est en décrochage scolaire. Sa famille l'y envoie, croyant le faire progresser. Il ne s'y oppose pas. Il est même plutôt serein. "On m'a dit que c'était un collège catholique, donc moi, je me dis que les gens sont gentils, se rappelle Manu, mais d'entrée, j'ai vu que ce n'était pas qu'un collège, c'était vraiment une maison de correction. Dès la première semaine, il y avait des violences physiques partout, que ce soit à l'étude, en cours, dans le dortoir, en classe. Il y avait un élève de terminale. Il était pion justement. Il m'a mis une tourte… Même mon père ne m'en avait pas mis une comme ça."
"J'ai subi des attouchements. C'est très dur pour moi d'en parler. Je croyais que c'était un collège catholique, et non... Je ne peux pas croire que ces gens croient en Dieu, c'était horrible."
Manu, ancien élève à Notre-Dame de Bétharramà franceinfo
Des violences qui auront ensuite des conséquences sur sa vie de jeune homme et d'homme. "J'ai perdu confiance en moi, raconte Manu. Ils nous ont matés, ils nous ont brisés, ils nous ont cassés. J'ai été témoin de choses terribles. J'ai vu un de mes camarades pleurer pendant deux heures dans son lit parce qu'on l'avait frappé pour un sourire. C'est possible ça en France ? Ça l'était en tout cas. Et aujourd'hui, si je témoigne, c'est pour que ces choses ne se reproduisent plus. J’en ai parlé 40 ans plus tard à mon épouse, qui comprend aujourd’hui certaines choses… Je suis assez sanguin, mes enfants ne comprenaient pas toujours que je hausse le ton de façon virulente. Et je m’en veux énormément d’être ce que je suis et j’espère que la justice va faire son travail." Ces trois gardes à vue dans l'enquête sont pour lui "un grand jour". "Il va falloir que ces hommes répondent de leurs actes", explique Olivier.
Ce climat de terreur continue pendant des décennies. De 2003 à 2005, Adrien est scolarisé dans le collège catholique. Il dénonce des actes qui se sont produits en 2004 : des attouchements de prêtre, mais aussi des agressions d'autres élèves. Des victimes devenues à leur tour des bourreaux". "On m'enfermait dans les toilettes. On me poursuivait dans les bois. Il y a eu aussi des agressions sexuelles par des élèves cette fois-ci. Ils m'enfermaient dans les toilettes et me violaient. C'est très compliqué d'essayer de se remémorer des moments que vous voulez absolument oublier", témoigne Adrien à '"ici Béarn Bigorre". Pour Adrien, il était dans "le dernier cercle de l'enfer". Lui aussi, comme tous les autres, a porté plainte.
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