Fin de vie : la proposition de loi sur les soins palliatifs adoptée à l'unanimité en première lecture à l'Assemblée nationale

Ce texte, nettement plus consensuel que celui sur l'aide à mourir, prévoit d'inscrire dans la loi un droit opposable aux soins palliatifs afin de mettre fin aux inégalités d'accès pour les malades en souffrance.

Article rédigé par Yann Thompson
France Télévisions
Publié
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La députée Renaissance Annie Vidal, rapporteure générale de la proposition de loi sur les soins palliatifs, s'exprime à la tribune de l'Assemblée nationale, à Paris, le 12 mai 2025. (XOSE BOUZAS / HANS LUCAS / AFP)
La députée Renaissance Annie Vidal, rapporteure générale de la proposition de loi sur les soins palliatifs, s'exprime à la tribune de l'Assemblée nationale, à Paris, le 12 mai 2025. (XOSE BOUZAS / HANS LUCAS / AFP)

Un texte d'unité dans une Assemblée d'ordinaire divisée. Les députés ont adopté, mardi 27 mai, en première lecture, une proposition de loi visant à développer l'accès aux soins palliatifs sur tout le territoire pour les patients atteints de maladies graves. Deux semaines après avoir été approuvé à l'unanimité en commission des affaires sociales, le texte a de nouveau été voté par l'intégralité des 560 parlementaires ayant pris part au scrutin. Il devra à présent être examiné par le Sénat.

Destinée à "garantir l'égal accès de tous à l'accompagnement et aux soins palliatifs", cette proposition de loi entend mettre fin aux carences de l'offre palliative actuelle. Chaque année, environ 180 000 patients meurent sans avoir pu bénéficier de ces soins destinés à soulager leurs souffrances physiques et psychologiques, particulièrement en fin de vie, selon une estimation de la Cour des comptes (PDF). Dans les hôpitaux, une vingtaine de départements sont dépourvus d'unités spécialisées, et l'offre à domicile ou en institution est encore trop réduite. 

"Trop de familles vivent ces derniers moments dans l'angoisse, le désarroi et parfois l'isolement."

Annie Vidal, députée Renaissance et rapporteure générale de la proposition de loi sur les soins palliatifs

à l'Assemblée nationale

Pour garantir un accès effectif à cette prise en charge, la proposition de loi prévoit la création d'un droit opposable à l'accompagnement et aux soins palliatifs. Si la loi est définitivement adoptée, tout malade qui ne parviendra pas à bénéficier de ces services alors que son état le requiert pourra saisir la justice afin que soit ordonnée sa prise en charge par une équipe qualifiée.

Pour anticiper de telles situations, le texte vise aussi à créer un nouveau rendez-vous pour les patients diagnostiqués d'une pathologie grave ou en perte d'autonomie. Il prendra la forme d'un plan personnalisé d'accompagnement, grâce auquel les besoins sanitaires, psychologiques et sociaux de la personne et de ses proches seront identifiés et pris en charge le plus tôt possible.

De futures "maisons d'accompagnement" ?

Une des mesures phares de la proposition de loi est la création de maisons d'accompagnement. Ces nouvelles structures, inspirées d'expérimentations menées dans le Doubs ou dans le Tarn, offriront une solution intermédiaire à des patients dont l'état n'impose pas une hospitalisation mais est incompatible avec un maintien à domicile. Ces lieux de vie et de soins, plus spécialisés que des Ehpad et ouverts à des malades de tous les âges, se déploieront progressivement pour couvrir tous les départements d'ici à 2034. 

Plus globalement, le texte adopté par l'Assemblée nationale ambitionne de sensibiliser et de former aux soins palliatifs l'ensemble des soignants, aussi bien dans les hôpitaux que dans les maisons de retraite, les établissements pour personnes handicapées et les cabinets de médecine générale. L'intervention de bénévoles au domicile des malades sera facilitée. Après le décès du patient, des associations pourront aussi épauler les proches par un accompagnement au deuil. Au-delà du seul volet médical, l'enjeu sociétal des soins palliatifs est bien de "reconfigurer" notre regard et notre rapport collectif "à la mort, à la maladie, au malade et à son entourage", plaide Annie Vidal.

Malgré les promesses, la crainte de restrictions budgétaires

Lors des débats dans l'hémicycle, les principales préoccupations ont porté sur la capacité de l'Etat à investir suffisamment pour le développement des soins palliatifs. La proposition de loi s'adosse à un plan de soutien sur dix ans déjà lancé par la ministre de la Santé, Catherine Vautrin, en 2024, avec une enveloppe augmentée chaque année de 100 millions d'euros. Mais les mesures adoptées pour inscrire cette stratégie décennale dans la loi "n'ont à ce stade aucun caractère contraignant et n'offrent donc aucune garantie concrète et pluriannuelle de l'amélioration de la prise en charge de nos concitoyens", a mis en garde la Société française d'accompagnement et de soins palliatifs (Sfap). A gauche comme à droite, des élus ont dit craindre que les sommes allouées aux soins palliatifs soient rabotées chaque année par volonté d'économies budgétaires. 

"Le cœur du problème demeure les ressources humaines et les financements, qui ne peuvent pas être traités par ce texte, au moins à court terme."

Claire Fourcade, présidente de la Sfap

dans un communiqué

L'autre point de crispation a concerné le second pilier du futur "modèle français de la fin de vie" défendu par Emmanuel Macron et Catherine Vautrin : l'aide à mourir. A la demande de François Bayrou, hostile au deuxième volet, le projet de loi initial sur la fin de vie avait été divisé en deux textes, sur les soins palliatifs et sur l'aide à mourir. Un choix salué et défendu dans l'hémicycle par la plupart des élus de droite et d'extrême droite, tandis qu'une grande partie de la gauche et du centre a tenté de rétablir des liens entre les deux pans du projet. 

Ces tensions sont apparues au grand jour lors de l'examen d'un article sur la création d'un diplôme universitaire de spécialisation en médecine palliative et en soins d'accompagnement. Les députés ont fini par rejeter l'ensemble de l'article, car y avait été inclus un amendement du député macroniste Christophe Marion ajoutant la mention d'"aide à mourir" dans l'intitulé du diplôme. Pour les uns, les soins palliatifs doivent rester dissociés de l'aide à mourir. Pour les autres, ces soignants doivent être formés à pratiquer le dernier geste, quitte à opposer leur clause de conscience une fois en poste. Il appartiendra désormais au Sénat de reprendre les débats, sans doute à l'automne.

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