"Ma femme a commencé à lancer son plan diabolique" : au procès du féminicide de Chahinez Daoud, la posture victimaire de son mari Mounir Boutaa
Le quadragénaire est jugé devant la cour d'assises de la Gironde, quatre ans après l'assassinat de son épouse, brûlée vive en mai 2021, à Mérignac. Au premier jour de son procès, l'accusé de 48 ans a été invité à s'exprimer sur sa personnalité.
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"Ces drames et ces délits connexes vous font encourir la peine de réclusion à perpétuité, monsieur." D'une voix claire, la présidente de la cour d'assises de la Gironde, Marie-Noëlle Billaud, vient d'achever l'exposé des faits reprochés à Mounir Boutaa, lundi 24 mars, au premier jour du procès du quadragénaire. Après deux heures de récit glaçant, l'accusé est invité à s'exprimer sur le crime qui lui est reproché : le 4 mai 2021, il a fait feu à deux reprises sur les jambes de sa femme, Chahinez Daoud, avant de la brûler vive à Mérignac, dans l'agglomération bordelaise. La salle attend depuis l'ouverture des débats cette première prise de parole, suspendue à ses lèvres. Va-t-il s'expliquer ? Exprimer des remords ? Chercher ses mots ? Se taire ?
Tout de blanc vêtu, veste beige écru et chemise immaculée, Mounir Boutaa se lève. Son crâne rasé reflète les lumières de la salle. Il parle vite, trop vite, comme s'il courait après ses phrases : "Comment ça se fait qu'en 2025, son amant [ne soit] pas présent ici ? (…) Je vais me donner à 100% pour démontrer et dénoncer l'association de malfaiteurs qui se sont réunis pour me détruire ! Ce n'est pas leur coup d'essai, j'ai des preuves !" Sur les bancs du tribunal, des murmures fusent. Lui poursuit, indifférent. Celui dont le discernement a été considéré comme altéré par les psychiatres ne réclame rien de moins que la démission de la juge d'instruction. La présidente l'interrompt et suspend l'audience.
"Je suis quelqu'un qui ne ment jamais"
A sa reprise, l'enquêtrice de personnalité doit être entendue. La présidente propose d'abord à Mounir Boutaa d'énumérer ses qualités et ses défauts. La réponse fuse : "Je suis quelqu'un qui ne ment jamais, quelqu'un de très très gentil, de très très serviable. J'ai passé toute ma vie en gentleman." Quant à ses défauts, l'homme de 48 ans n'en concède qu'un : "Têtu." La présidente garde un visage impassible. Elle donne la parole à l'enquêtrice de personnalité, chargée de retracer le parcours de l'accusé, qu'elle a rencontré par visioconférence en mars 2022.
Mounir Boutaa décrit une enfance heureuse passée en Algérie, choyée par des parents aimants. A l'âge de 22 ans, il décide de quitter son pays et de rejoindre son frère en France. Il y rencontre Séverine S., qu'il épouse. De leur union naissent deux enfants. Sa première femme parle d'un homme charmant, attaché à sa famille, mais qui se métamorphose sous l'effet de l'alcool. En 2011, Séverine S. entame une procédure de divorce, après plusieurs épisodes de violence. L'accusé a dit l'avoir vécu comme une trahison, à laquelle est venue s'ajouter la mort de son père, quelques mois plus tard.
Dans le box, l'accusé relève la tête et lâche, de but en blanc : "Ma femme [Séverine S.] a dit beaucoup de bêtises, mais je lui pardonne. Pour elle, j'étais un esclave, un bon esclave qui faisait vivre les enfants." Il ajoute, bravache : "Elle me tenait en laisse…" Le quadragénaire balaie d'un revers de la main les questions sur sa consommation d'alcool : "Je buvais comme tous les hommes, avec mon travail pénible."
Une "inversion" des "rôles", selon l'avocat des parties civiles
Quelques minutes plus tard, c'est au tour de Chahinez Daoud d'être l'objet de la colère de Mounir Boutaa. Celle qu'il a aimée, dit-il, "à la folie". Celle qui, selon lui, aurait orchestré un "plan diabolique" visant à lui nuire. Celle qui, pourtant, a déposé sept plaintes et mains courantes à son encontre entre 2018 et 2021. Il refait sa vie avec elle, après l'avoir rencontrée en Algérie en 2015. L'année suivante, elle s'installe avec lui en France. Rapidement, les violences émaillent leur quotidien, selon les témoignages de ses proches.
"Ma femme a commencé à lancer son plan diabolique. Il n'y avait pas de violences conjugales."
Mounir Boutaa, accusédans le box des accusés
"Moi, j'avais beaucoup d'attention pour elle, mais elle, elle ne m'a jamais aimé", ose-t-il. Et l'obsession de son infidélité refait surface, alors qu'aucun élément du dossier ne vient étayer l'existence d'un quelconque amant. Mounir Boutaa va même jusqu'à affirmer que c'est la raison pour laquelle Chahinez Daoud aurait un jour tenté de l'empoisonner, ce que rien dans le dossier ne vient étayer.
D'après lui, elle battait "d'une force incroyable" ses trois enfants, dont les deux premiers étaient issus d'une première union. En guise d'argument, il ajoute : "Elle attachait des enfants dans les crèches en Algérie !" La présidente l'interrompt sèchement. "Monsieur, madame Daoud n'a jamais été condamnée pour des faits de violence en Algérie." Un instant de flottement. Il veut répondre, s'accroche à ses preuves, à sa version. Mais son discours s'embourbe.
Lors de la suspension d'audience, Julien Plouton, l'avocat des parents de Chahinez Daoud, s'interroge face à la presse : "Inverser les rôles, se poser en victime… Nous aurons l'occasion d'interroger les experts. Est-ce qu'il y a une part d'adaptation, de manipulation, ou est-ce un discours entièrement authentique ?" Les avocates de Mounir Boutaa, elles, font péniblement face. "Il faudra comprendre la personnalité de Mounir Boutaa à travers les témoignages des psychiatres qui viendront à la barre", tentent Anaïs Divot et Elena Badescu. Selon elles, seuls ces experts pourront dévoiler la véritable nature de l'homme derrière les accusations. Leur audition est prévue jeudi.
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