Crise diplomatique avec l'Algérie : trois questions sur l'accord de 1968, remis en cause par une partie de la droite et l'extrême droite

François Bayrou est revenu, lundi, sur les refus de l'Algérie de reprendre sur son territoire l'assaillant de l'attaque mortelle au couteau de Mulhouse. Des déclarations qui s'inscrivent dans un contexte déjà très tendu entre Paris et Alger.

Article rédigé par franceinfo
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Les drapeaux algériens et français flottent à Alger, le 9 octobre 2022 lors de la visite de la Première ministre de l'époque, Élisabeth Borne, dans la capitale algérienne. (ALAIN JOCARD / AFP)
Les drapeaux algériens et français flottent à Alger, le 9 octobre 2022 lors de la visite de la Première ministre de l'époque, Élisabeth Borne, dans la capitale algérienne. (ALAIN JOCARD / AFP)

La crise entre la France et l'Algérie s'est invitée au Salon de l'agriculture, lundi 24 février. Lors de sa visite, le Premier ministre a jugé "inacceptable" que l'Algérie ait refusé "dix fois" de reprendre l'assaillant de Mulhouse. Le suspect de l'attaque au couteau, qui a fait un mort et cinq blessés à Mulhouse samedi, est né en Algérie et se trouvait sous le coup d'une OQTF (obligation de quitter le territoire). Mais l'Algérie a refusé "à 10 reprises de le reprendre sur son territoire", a précisé le ministre de l'Intérieur ce week-end. Depuis, plusieurs responsables politiques appellent la France à dénoncer l'accord de 1968 entre Paris et Alger, qui organise l'entrée, le séjour et l'emploi des Algériens en France.

1 En quoi consiste l'accord de 1968 ?

Cet accord, relativement méconnu en France, a été signé en décembre 1968, six ans après la fin de la guerre d'Algérie et les accords d'Evian. Initié sous la présidence du Général De Gaulle, l'accord facilite l'installation des travailleurs Algériens en France, jusqu'à 35 000 par an, ainsi que leur famille et leur octroie un statut particulier. Les Algériens relèvent ainsi d'un régime spécifique en France, contrairement aux ressortissants d'autres pays dans le monde. Par exemple, leur entrée sur le territoire français est facilitée, ils ont un accès plus rapide aux titres de séjour valables 10 ans et ils bénéficient de la liberté d'établissement pour exercer une activité de commerçant ou une profession indépendante. 

L'accord de 1968 a été révisé trois fois, en 1985, 1994 et 2001, mais ses grands principes et les dérogations au droit commun ont été maintenus. Par ailleurs, cet accord étant un traité international, il a une valeur supérieure aux lois nationales, comme le prévoit la Constitution. En vertu de cet accord, les Algériens vivant en France ne sont donc pas soumis aux dernières lois votées sur l’immigration.

2 Quelle est la position du gouvernement sur l'accord 1968 ?

Dans les allées du Salon de l'agriculture, lundi, François Bayrou s'est insurgé contre les refus "inacceptables" de l'Algérie de reprendre l'assaillant de Mulhouse, un Algérien sous obligation de quitter le territoire français. "Nous allons avoir des réunions dans les jours qui viennent pour poser cette question-là : la France, la justice française, la défense de notre sauvegarde, cela passe par l'affirmation forte qu'on ne peut pas accepter la situation qui est créée", a déclaré le Premier ministre.

Un conseil des ministres sur l'immigration a lieu mercredi. Il était prévu avant l'attentat de Mulhouse, mais des mesures visant l'Algérie vont y être notamment discutées. Bruno Retailleau, le ministre de l'Intérieur, souhaite par exemple que l'accord de 1968 entre la France et l'Algérie soit abrogé. Cet élément sera sur la table, a affirmé, lundi, la porte-parole du gouvernement.

3 Qu'en dit l'opposition ?

Également au Salon de l'agriculture, en même temps que François Bayrou lundi, Jordan Bardella, le président du Rassemblement national, appelle le gouvernement à muscler son jeu : "Il faut oser le bras de fer diplomatique. Et maintenant, si le gouvernement est cohérent, il faut faire en sorte que plus aucun visa ne soit délivré à un ressortissant algérien tant que l'Algérie refusera de reprendre ces indésirables et ses ressortissants étrangers, notamment les clandestins."

La remise en cause de l'accord de 1968, comme le demandent une partie de la droite et l'extrême droite, est au contraire considérée comme une très mauvaise idée par la gauche, qui dénonce une instrumentalisation de cet accord. "On ne résoudra rien avec des déclarations incendiaires sur les plateaux de télévision", estime le sénateur communiste, Ian Brossat. Le tout sur fond de mensonges, martèle-t-il : "On nous fait croire que les accords de 1968 auraient engendré une migration massive des Algériens vers la France et, la réalité, elle n'est pas du tout celle-là. Par exemple, la part des Algériens dans l'immigration en France est à peu près similaire que celle des Marocains."

Par ailleurs, dénoncer l'accord de 1968 ne résoudra pas le problème des OQTF, estime le député PS Arthur Delaporte : "Ce n'est pas parce qu'on dénoncera l'accord qu'on résoudra ce problème de refus d'OQTF. Donc, en fait, il ne faut pas faire de l'accord la cause de quelque chose qui est d'abord lié à un problème de relations diplomatiques." Le socialiste plaide pour un rétablissement de relations diplomatiques plus cordiales. "Cela passe aussi par un changement de ton côté algérien", affirme Arthur Delaporte.

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