Harcèlement : l'Ordre des avocats "contribue à étouffer des pratiques professionnelles d'un autre temps", dénoncent des ex-collaborateurs de l'avocat Antoine Vey

Antoine Vey est visé par des accusations de harcèlement par ces quatre anciens collaborateurs.

Article rédigé par Margaux Stive, Aurélien Thirard
Radio France
Publié
Temps de lecture : 5min
Antoine Vey, en novembre 2021. (YOAN VALAT / EPA / MAXPPP)
Antoine Vey, en novembre 2021. (YOAN VALAT / EPA / MAXPPP)

Quatre ex-collaborateurs de l'avocat pénaliste parisien Antoine Vey, ancien associé d'Eric Dupond-Moretti, dénoncent dans une lettre ouverte que l'Ordre des avocats "contribue à étouffer des pratiques professionnelles d'un autre temps". Antoine Vey est visé par des accusations de harcèlement par ces quatre anciens collaborateurs et une audience disciplinaire le visant pour ces faits s'est tenue mercredi 21 mai. En parallèle, une information judiciaire est ouverte, confiée début 2025 à des juges d'instruction. Lors de cette audience disciplinaire, une suspension de 6 mois, dont trois mois avec sursis, a été requise à l'encontre d'Antoine Vey, a appris jeudi franceinfo de sources concordantes. Le conseil de l'Ordre a mis sa décision en délibéré.

"Un énième rendez-vous manqué avec nos pairs"

Dans leur lettre ouverte, les anciens collaborateurs d'Antoine Vey, connu pour avoir défendu Théo Luhaka, le Chilien Nicolas Zepeda, Jérôme Cahuzac ou encore Mohed Altrad, dénoncent le fait que l'Ordre des avocats a demandé aux quatre personnes ayant dénoncé les faits de harcèlement de ne pas assister à l'audience disciplinaire du pénaliste. "Leur présence n'a été tolérée que quelques minutes", écrivent-ils dans cette lettre que franceinfo a pu consulter. Antoine Vey a demandé à ce que l'audience se tienne à huis clos, ce qui a été accepté. "Aujourd'hui, la juridiction disciplinaire du Barreau de Paris les a purement et simplement congédiées, refusant qu'elles assistent aux débats portant sur leurs propres plaintes", écrivent leurs avocats, Me Virginie Le Roy et Romain Ruiz.

Ces ex-collaborateurs d'Antoine Vey regrettent "un énième rendez-vous manqué avec nos pairs", pour eux "l'Ordre persiste dans le maintien d'une procédure arriérée, déconnectée de la réalité de nos exercices professionnels et de nos principes essentiels". Virginie Le Roy et Romain Ruiz assurent que l'Ordre "leur [a] refusé la communication du dossier, des pièces transmises par la défense, de leurs propres procès-verbaux d'audition et l'assistance de leurs conseils au cours d'auditions et de confrontations brutales".

De son côté, l'avocat d'Antoine Vey, Me Emmanuel Marsigny, indique à franceinfo : "Les consœurs connaissent parfaitement la procédure disciplinaire. Elles ont mis en scène leur départ de l’audience pour pouvoir le médiatiser. Aucune surprise. Elles étaient invitées par la juridiction à venir s’expliquer et ont préféré faire des doigts d’honneur en sortant de l’audience. Cette lettre ne fait que les mettre en forme. Tout est dit."

L'Ordre a depuis réagi, jeudi, à cette lettre ouverte. "Le Conseil de l’Ordre déplore d’avoir à apporter un démenti à cette mise en cause publique, fondée sur des inexactitudes, qui consistent au demeurant à reprocher à l’instance disciplinaire d’avoir fait application des textes en vigueur", peut-on lire dans un communiqué de presse.

"Il n’y a naturellement eu ni mise en scène, ni geste déplacé"

"Il n’y a naturellement eu ni mise en scène, ni geste déplacé", s'indigne une des plaignantes, en réaction aux propos de Me Emmanuel Marsigny, "la défense par le complot est certes dans l’air du temps, mais elle se heurte souvent à la réalité des faits". Selon elle une vingtaine d’anciens collaborateurs, salariés et stagiaires sur une période de 10 ans ont décrit des pratiques harcelantes, discriminantes et sexistes. "La théorie du complot avancé par Antoine Vey ne convaincra personne", ajoute-t-elle.

Une autre plaignante abonde : "La défense d’Antoine Vey consistant à continuer à s’en prendre à nous par voie de presse est juste révélatrice de sa personnalité" et ajoute que les faits sont "tellement graves et les victimes tellement nombreuses que deux juges d’instruction ont été désignés pour traiter ce volumineux dossier."

"Lors de l’audience, Maître Vey a pu démontrer point par point que ces accusations sont tout aussi infondées que concertées", a appris franceinfo auprès de l'entourage d'Antoine Vey, "ces allégations surfent sur l’air du temps, et sont agitées tous les trois mois par un groupe animé par le seul objectif de nuire à sa réputation. Maître Vey garde le cap, soutenu par la confiance constante de ses équipes et de ses clients".

En mars 2023, le journal Libération avait recueilli une vingtaine de témoignages d'anciens ou actuels collaborateurs dénonçant des gestes ou des propos vécus comme du harcèlement moral ou sexuel. En janvier 2024, une enquête avait été ouverte par le parquet de Paris, confiée à la Brigade de répression de la délinquance contre la personne (BRDP) après la plainte d'une ancienne collaboratrice, pour des faits de 2017 et 2018, à l'époque où Me Vey était associé de l'ex-garde des Sceaux.

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