"Il n’y a pas de frontières dans l’amour" : l'indignation d'un couple sous le coup d’une enquête pour suspicion de mariage blanc

Jeudi au Sénat, une proposition de loi est étudiée en vue d'interdire les mariages entre les Français et les personnes en situation irrégulière. Un cauchemar pour les couples dans cette situation, comme Marine* et Yannis*, rencontrés en Côte-d'Or.

Article rédigé par franceinfo
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Un jeune couple rêve devant une boutique de robes de mariée (photo d'illustration). (CHARLY JURINE PRO / MAXPPP)
Un jeune couple rêve devant une boutique de robes de mariée (photo d'illustration). (CHARLY JURINE PRO / MAXPPP)

Dans les alentours de Dijon, toute la famille de Marine* était invitée pour une petite fête. Il y avait un couscous au menu et il ne restait que la tenue à choisir pour son mariage avec Yannis*. Mais la date est repoussée le temps d’une enquête. Le maire a signalé au procureur cette union en raison de doutes sur un possible mariage blanc. "Je n’en peux plus, réagit Marine en larmes. Comment me séparer de l’homme de ma vie, de l’homme que j’aime ?, demande-t-elle. Pourquoi ? Pour un bout de papier ?”

Yannis pourrait chercher à avoir plus facilement un titre de séjour. Le couple est convoqué au commissariat. "On est un vrai couple ! Que voulez-vous qu’on montre de plus ?", s’exaspère Marine, en montrant la lettre reçue du parquet. Yannis travaille depuis son arrivée en France, il y a cinq ans. Il a été contrôlé pour la première fois il y a trois mois, et il a une obligation de quitter le territoire français (OQTF). "C’est la femme de ma vie, je ne veux pas la quitter", assure-t-il.

"Ils veulent casser leur amour"

Maxence*, 7 ans, se réfugie dans les jambes de sa maman. "Ils veulent casser leur amour", résume-t-il de sa petite voix. Marine est sous antidépresseurs. Et la proposition de loi du sénateur centriste de la Somme, Stéphane Demilly, qui est examinée jeudi 20 février au Sénat en vue d’interdire les mariages entre Français et personnes en situation irrégulière, est un cauchemar de plus pour elle. "On ne choisit pas de se marier avec un Algérien ou un Polonais ! Il n’y a pas de frontières dans l’amour, ils ne comprennent pas ça en fait", se désespère-t-elle.

La proposition de loi est soutenue par le gouvernement. Elle fait écho à la situation de Robert Ménard, le maire de Béziers, convoqué devant la justice parce qu’il a refusé de marier une femme et un Algérien sous le coup d’une OQTF. Car les maires doivent saisir la justice dès qu'il y a des suspicions de mariage blanc. Dans les petites communes, ils connaissent tout le monde, dans les plus grandes, les officiers de l'État civil décèlent parfois des incohérences. Maire Horizons d’une petite commune et président de l'association des maires de France en Côte-d'Or, Ludovic Rochette, explique que c'est le devoir des élus de se tourner vers le procureur. "On est sur un acte sérieux", insiste-t-il.

"Le maire est le représentant de la République dans sa commune et je rappelle que quand on marie, on prononce une phrase qui est forte, c’est ‘au nom de la loi’."

Ludovic Rochette, président de l'association des maires de France en Côte-d'Or

à franceinfo

"Donc il faut s’assurer que le mariage que l’on procède se fasse dans le cadre légal", expose-t-il. Ludovic Rochette dénonce des situations très compliquées pour les maires, qui se retrouvent confrontés à des futurs mariés qui ne comprennent pas cette décision. "Qu’un maire soit obligé de procéder à un mariage d’une personne sous obligation de quitter le territoire, c’est quand même proche de l’absurdité", souligne-t-il. Pour le représentant de l'association des maires de France en Côte-d'Or, cette proposition de loi permettrait d'éviter ces tensions. 

*À leur demande, tous les prénoms ont été modifiés pour préserver leur anonymat. 

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