"Frais d'incarcération" : tout est-il actuellement gratuit en prison pour les détenus ?

Le ministre de la Justice Gérald Darmanin a annoncé, lundi soir, vouloir faire payer aux détenus une partie des frais d'incarcération. Une idée dénoncée notamment par l'OIP qui rappelle que la vie des détenus est déjà marquée "du sceau de la précarité".

Article rédigé par Joanna Yakin
Radio France
Publié
Temps de lecture : 5min
Une cellule de prison au centre pénitentiaire de Vendin-le-Vieil, le 10 avril 2025. (FRANCOIS NASCIMBENI / AFP)
Une cellule de prison au centre pénitentiaire de Vendin-le-Vieil, le 10 avril 2025. (FRANCOIS NASCIMBENI / AFP)

Que les détenus mettent la main à la poche pour apporter leur "participation au service public de la Justice", c'est l'idée avancée par le ministre de la Justice Gérald Darmanin, lundi 28 avril. Le garde des Sceaux a annoncé vouloir "rétablir les frais d'incarcération" pour financer l'amélioration des conditions de travail des agents pénitentiaires. Il évoque "un montant symbolique, mais important", chiffrant à "quasiment quatre milliards d'euros par an" les frais de fonctionnement des établissements pénitentiaires. Dans les faits, les détenus, que l'on présente souvent comme logés, nourris et blanchis, supportent déjà une partie des coûts de leur incarcération.

Comme l'indique l'Observatoire international des prisons (OIP), l'administration pénitentiaire "ne fournit que le minimum" aux détenus en cellule. D'après le "guide du détenu arrivant" rédigé par le ministère, les détenus se voient fournir un "kit arrivant" avec de quoi faire leur toilette, des sous-vêtements propres, des draps, une couverture, des produits d'hygiène, de la vaisselle pour prendre leurs repas ainsi que des papiers et des crayons pour écrire à leurs familles ou amis.

Un coût de "200 euros par mois minimum"

Si les prisons fournissent bien deux repas et une collation par jour aux détenus, "les quantités sont parfois insuffisantes et la qualité de la nourriture médiocre et déficiente en produits frais. Un kit d'hygiène est fourni à l'arrivée en prison, mais il n'est pas toujours renouvelé. De même, pour l'entretien des cellules, des produits de nettoyage doivent être fournis, mais leur distribution est parcimonieuse", explique l'OIP.

Ainsi, d'après l'observatoire, le coût de la vie en prison pour les détenus "a été estimé par un rapport sénatorial à 200 euros par mois minimum". Pour obtenir davantage que le "minimum" fourni, les prisonniers doivent en effet bel et bien mettre la main à la poche. Ils peuvent effectuer des achats via "la cantine". Ce système de "vente par correspondance géré par l'administration pénitentiaire", comme le présente l'OIP, permet notamment aux détenus d'acheter des aliments supplémentaires, des produits frais, des timbres, de la lessive, du savon, des journaux ou encore du tabac.

Pour avoir la télévision ou la radio, les détenus doivent en outre payer une location. D'après l'OIP, "la télévision est louée pour un coût de 14,15 euros par mois et le frigo 7,50 euros par mois". Les communications téléphoniques sont également facturées. "Entre 70 et 110 euros par mois pour 20 minutes d'appel quotidien vers des portables en métropole", indique l'OIP.

Un compte nominatif ouvert en prison

Comme le rappelle le ministère de la Justice dans son "guide du détenu arrivant", il est interdit en prison "d'avoir avec soi de l'argent en espèces, des chéquiers ou des cartes de paiement". À l'arrivée d'un détenu, le personnel pénitentiaire ouvre donc un compte personnel à son nom pour gérer son argent au sein de la prison. Les proches du détenu peuvent effectuer des virements bancaires sur ce compte mais la somme présente sur le compte n'est pas entièrement disponible pour le quotidien du prisonnier. L'argent mis sur ce compte est appelé "pécule" et est divisé en trois parties : une partie disponible pour le détenu en prison, une partie mise de côté pour anticiper la sortie de prison, et une partie "automatiquement dédiée au remboursement des personnes victimes".

Toujours d'après le guide, les 200 premiers euros versés sur ce compte sont toutefois de l'argent directement disponible pour le détenu en prison, c'est ce que l'on appelle la Provision alimentaire mensuelle (PAM). Le ministère de la Justice fournit même une grille. Si le détenu touche plus de 200 euros par mois, 10% de la somme est mise de côté pour son pécule de libération. Concernant l'indemnisation des parties civiles, 20% sont retenus pour les détenus qui disposent de 200 à 400 euros, 30% pour ceux qui touchent plus de 600 euros.

"Pauvreté carcérale"

Les chiffres de l'OIP montrent toutefois que plus d'un détenu sur quatre est "sans ressources". Ainsi, "22% des personnes incarcérées sont considérées en 'pauvreté carcérale', c'est-à-dire qu'elles disposent de moins de 50 euros par mois", explique l'OIP. L'Observatoire rappelle par ailleurs que "plus de la moitié des personnes détenues sont sans emploi avant leur entrée en prison" et qu'une fois en prison, "seulement 30% des personnes détenues ont aujourd'hui accès à une activité rémunérée, payée entre 25% et 45% du SMIC."

Le "guide du détenu arrivant" évoque d'ailleurs bien ces situations. "Si vous êtes sans ressources suffisantes, le personnel de la prison vous fournit ce qu'il vous faut pour vous laver, vous habiller, écrire à votre famille. Vous pouvez aussi recevoir 30 euros par mois", peut-on lire.

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