: Info franceinfo Un prévenu de la prison de Bois-d'Arcy accuse des détenus et des surveillants de violences et de menaces, une enquête ouverte
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Alors qu'une vingtaine de détenus ont récemment dénoncé, devant la justice, un "climat de violence" au sein du centre pénitentiaire des Yvelines, franceinfo a eu accès au témoignage de Mohamed, qui y est incarcéré dans l'attente de son procès.
Ebranlé par la mort, en mai, d'un jeune détenu tué par son compagnon de cellule, le centre pénitentiaire de Bois-d'Arcy, situé dans le département des Yvelines, est au cœur d'une nouvelle affaire. Selon les informations de franceinfo, Mohamed, incarcéré à Bois-d'Arcy dans l'attente de son procès pour "participation à une association de malfaiteurs en vue de la préparation d'un crime" notamment, a, avec son avocat, déposé plainte contre X le 16 juillet auprès du parquet de Versailles, pour "violences volontaires aggravées", "complicité", "non-assistance à personne en danger" et "traitements inhumains et dégradants". Contacté, le parquet de Versailles, juridiction compétente pour traiter des affaires intervenues dans le secteur, a annoncé à franceinfo qu'une enquête pénale avait été ouverte le 30 juillet. Sollicitée dans ce dossier, l'administration pénitentiaire n'a pas souhaité s'exprimer sur la procédure judiciaire en cours.
Le prévenu, âgé d'une vingtaine d'années, accuse des détenus de la maison d'arrêt, mais également des surveillants de l'institution pénitentiaire, de menaces et de violences physiques répétées à son encontre. Des messages menaçants et des blessures ont été documentés par des photographies prises par Mohamed avec un téléphone portable, apporté illégalement au sein du centre de détention. Des clichés que franceinfo a pu consulter.
"Du désinfectant de force dans les yeux"
D'après cette plainte, à laquelle franceinfo a eu accès, les violences ont débuté fin mai, à la suite d'une confrontation organisée par les enquêteurs entre Mohamed et un influent détenu incarcéré dans une autre prison. Mohamed a partiellement identifié l'homme comme son interlocuteur dans une précédente affaire de réseau de passeurs de migrants. Une désignation qu'il affirme avoir payée cher depuis. "A cette période, il commence à recevoir des menaces écrites, des papiers sous sa porte, comme 'T'es mort'"', rapporte l'avocat du plaignant, Rudy Albina.
Une scène de violence, datée du 7 juillet, est également décrite : selon son récit, des surveillants de l'administration pénitentiaire ont pris à part Mohamed "pour le frapper", puis, une nouvelle fois dans la soirée, "pour lui mettre du désinfectant de force dans les yeux." Le prévenu accuse également des surveillants de l'avoir visé avec un pistolet à impulsion électrique, "jusqu'à ce qu'il s'urine dessus, en lui précisant 'qu'ils allaient continuer jusqu'à ce qu'il se suicide, ou qu'il finisse en psychiatrie'", décrit la plainte.
Un plaignant placé sous protection
Dans sa plainte, Mohamed raconte encore avoir été agressé dans la nuit du 12 au 13 juillet, après avoir été "conduit par des surveillants sous la douche, où l'attendaient déjà plusieurs codétenus violents".
"Il ressort de ces éléments un système de violences toléré, voire organisé, avec une volonté manifeste de livrer monsieur à ses agresseurs."
Extrait de la plainte déposée par Mohameddocument consulté par franceinfo
Après plusieurs signalements, Mohamed a été entendu le 15 juillet par des agents du centre pénitentiaire et un régime de protection a été mis en place dans la maison d'arrêt, assure le parquet de Versailles. "Outre son placement dans une aile dédiée à la prise en charge des personnes vulnérables, [le plaignant] est accompagné dans tous ses mouvements en détention et bénéficie d'un accès seul en promenade ainsi qu'à la douche", détaille à franceinfo l'administration pénitentiaire.
De nouvelles violences sont survenues dans les jours suivants, affirme le prévenu. Entendu par des officiers de police judiciaire, Mohamed a notamment fait état d'une agression dans la nuit du 1er au 2 août, durant laquelle du protoxyde d'azote lui aurait été introduit dans l'anus par des surveillants. Cet acte, que le plaignant affirme avoir subi, est qualifié de viol par son avocat. "Plus Mohamed dénonce les choses, plus les violences s'intensifient", déplore Rudy Albina.
"Un climat de violences généralisées"
Cette plainte intervient dans un contexte de fortes tensions à la prison de Bois-d'Arcy. Le tribunal administratif de Versailles a été sollicité par 22 détenus de la maison d'arrêt le 29 juillet. Ils accusent certains agents de "manquements graves à la déontologie" et dénoncent des réveils nocturnes, des refus arbitraires de douche, des jets de courriers ou encore des insultes et des menaces. Tous demandent des mesures d'urgence face à ce qu'ils définissent comme un "climat de violence". Leur requête a été rejetée par le juge des référés, considérant que les demandes ne répondaient pas à une situation d'urgence.
"Les détenus ont pris un risque pour révéler le climat de tensions et violences au sein de la prison, et malgré cela, le juge administratif estime que ces témoignages ne disent rien du climat général", s'indigne Matthieu Quinquis, avocat et président de l'Observatoire international des prisons, organisation qui s'est jointe à la procédure déposée par les détenus. "Quel niveau de gravité faut-il atteindre pour mettre le holà ?", s'interroge-t-il.
"Nous avons eu des remontées sur des faits qui nous inquiètent et qui traduisent de l'incapacité de l'administration à assurer intégrité psychique et physique des détenus."
Matthieu Quinquis, avocat et président de l'Observatoire international des prisonsà franceinfo
"Il existe un climat de violences généralisées au sein de l'établissement", juge Vincent Scuderoni, avocat au barreau de Paris et président de l'Association pour la défense des droits des détenus, association corequérante dans cette procédure. En avril 2023, la justice administrative avait déjà enjoint à l'Etat de prendre 12 mesures pour garantir la sécurité et les droits fondamentaux des détenus à Bois-d'Arcy, concernant notamment la prévention des risques d'incendie, l'hygiène alimentaire ou encore le "respect de la dignité de la personne humaine lors des opérations de fouilles".
La situation carcérale des détenus en France est régulièrement dénoncée par les associations et la contrôleuse générale des lieux de privation de liberté, Dominique Simonnot, mais Bois-d'Arcy "sort du lot", estime Vincent Scuderoni. Les signalements reçus par son association mêlent à la fois "conditions indignes de détention" et "violences".
Une prison au double de sa capacité maximale
L'existence de violences entre détenus et de mauvaises conditions de détention sont également admises et dénoncées par les différentes organisations syndicales contactées par franceinfo. Elles récusent cependant toute violence commise par des agents de la prison, ou évoquent des cas isolés.
Selon un représentant syndical local du personnel de Bois-d'Arcy, qui exerce la profession de surveillant depuis 2017, de nombreux facteurs entrent en ligne de compte pour expliquer un tel climat de tension dans l'établissement, parmi lesquels "le manque d'effectifs et le manque de moyens". "Depuis l'incident du 6 mai [la mort d'un détenu tué par son voisin de cellule], beaucoup de collègues ont été touchés par la scène et ne sont pas revenus travailler. Avec cette charge de travail augmentée, on a moins de temps qu'auparavant à passer avec chaque personne détenue", fait-il notamment valoir.
La surpopulation carcérale criante à Bois-d'Arcy contribue à ces tensions, dénonce Andy Noel, secrétaire local Force ouvrière Justice au centre pénitentiaire de Fresnes. "Début août, il y avait 205% de surpopulation au sein de la maison d'arrêt, avec 18 matelas au sol et 106 cellules triplées : trois personnes étant contenues dans une cellule de 9 mètres carrés censée être individuelle", chiffre-t-il. Au 1er juin, la maison d'arrêt comptait ainsi 979 détenus pour 472 places, selon les chiffres du ministère de la Justice.
L'administration pénitentiaire assure cependant que "la maison d'arrêt de Bois-d'Arcy est engagée depuis plusieurs années dans une démarche volontariste visant à prévenir, réduire et contenir les phénomènes de violence, afin de garantir un environnement plus sûr pour les personnes détenues comme pour les personnels". Elle ajoute que tous les agents pénitentiaires ont le devoir de se conformer aux règles du code de déontologie. "Lorsque l'administration pénitentiaire constate des faits susceptibles de constituer une infraction, un signalement est systématiquement adressé au procureur de la République", insiste la même source.
Les sanctions applicables à l'encontre du personnel pénitentiaire peuvent aller de l'exclusion temporaire de fonction à la révocation, et s'additionner à des interdictions pénales d'exercer définitivement des fonctions au sein de l'administration. Mohamed a quant à lui fait une demande de remise en liberté, qui lui a été refusée. Il a fait appel. Il devrait être fixé sur son sort mercredi.
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