Reportage Ukraine-France : plus qu'une course vers le Mondial, un match en forme d'exutoire patriotique pour des milliers d'Ukrainiens

Pour les 25 000 supporters ukrainiens présents au stade, vendredi, il s'agissait bien plus que d'un match de qualification pour la Coupe du monde.

Article rédigé par Andréa La Perna - envoyé spécial à Wroclaw (Pologne)
France Télévisions - Rédaction Sport
Publié
Temps de lecture : 5min
Illia Zabarnyi et ses coéquipiers ukrainiens chantent l'hymne national avant le match contre la France à Wroclaw en Pologne, le 5 septembre 2025. (FRANCK FIFE / AFP)
Illia Zabarnyi et ses coéquipiers ukrainiens chantent l'hymne national avant le match contre la France à Wroclaw en Pologne, le 5 septembre 2025. (FRANCK FIFE / AFP)

Les Bleus ont dominé l'Ukraine (2-0), vendredi 5 septembre, en ouverture de leur campagne de qualification pour le Mondial 2026. Au-delà du fait sportif, la rencontre s'est disputée dans une disposition très particulière, sur terrain neutre, en Pologne, mais devant 25 000 supporters ukrainiens dans les gradins. Un étranger qui n'aurait pas été informé qu'il s'agissait d'un match délocalisé à cause d'une guerre aurait pu se dire qu'il assistait à un match à domicile comme les autres.

Mais il ne fallait pas forcément creuser très loin pour saisir que le contexte n'était pas celui d'un match de foot international classique. Il est rare qu'autant de supporters se rendent au stade avec un drapeau de leur pays sur les épaules. Il est tout aussi rare de voir ces mêmes supporters applaudir les joueurs adverses à l'annonce de la composition des équipes. La France fait partie des alliés les plus solides de l'Ukraine depuis l'invasion russe en février 2022.

Plus qu'un match de foot

Sur le tifo déployé juste avant le coup d'envoi, les ultras ukrainiens ont écrit "Fortress of Europe" (la forteresse de l'Europe). La formule est bien choisie et résonne à l'heure où le pays se cherche un maximum d'alliés. "Le sport et la politique sont plus connectés que beaucoup de gens ne le croient", nous glissait en début d'après-midi Illia, un ultra de 24 ans, qui n'a manqué aucun match de la sélection depuis l'invasion. "En Ukraine, le foot a toujours été patriotique et pro-Ukraine. L'ambiance de ce match sera à un niveau plus élevé [que les précédents joués en Pologne]", nous promettait-il.

Sur le terrain, la défense ukrainienne n'aura pas réussi à incarner cette forteresse, cédant après seulement neuf minutes de jeu sur la première occasion tricolore. Un premier but pris presque à la rigolade, comme s'il allait forcément tomber à un moment de la soirée. "Faites ce que vous voulez de nous à Paris, mais laissez-nous le 1-1 aujourd'hui", nous a soufflé notre voisin, maillot de l'Ukraine fièrement porté, comme d'autres journalistes en tribune de presse.

Mais les Bleus ont fermé la défense à double tour et inscrit un second but. L'essentiel était ailleurs de toute façon pour l'Ukraine. Ce match était une respiration, un exutoire aussi, à en juger par la clameur déclenchée par chaque demi-occasion ou tacle réussi, ou cette ola en seconde période qui a duré pendant presque dix minutes. "Des dizaines de milliers de soldats ukrainiens sont sur le front. Ils vont regarder le match. Les joueurs doivent tout donner pour montrer qu'ils se battent pour les forces armées, grâce auxquelles on peut encore avoir une équipe nationale et la soutenir. Ce sont ceux qui font que l'Ukraine existe", a détaillé Illia qui, lui, réside en République tchèque.

L'unité au-delà des fractures

Pour l'occasion, les ultras avaient acheté des mégaphones pour couvrir le plus d'espace sonore possible dans le stade. En plus du tifo et quelques drapeaux à message, ces derniers ont collecté de l'argent pour "aider ceux qui défendent le pays". Des enchères de charité ont été tenues à la mi-temps dans le secteur 210 de la Tarczyński Arena. Les lots ont été fournis par la Fédération ukrainienne : des maillots d'Illia Zabarnyi, de Maxim Tsygankov et un autre de Georgiy Sudakov. 13 000 euros avaient été par exemple collectés lors des deux précédents matchs.

De jeunes supporteurs ukrainiens, à Wroclaw (Pologne), le 5 septembre 2025. (FRANCK FIFE / AFP)
De jeunes supporteurs ukrainiens, à Wroclaw (Pologne), le 5 septembre 2025. (FRANCK FIFE / AFP)

Plus tôt dans la journée, les ultras ukrainiens s'étaient réunis au sud de la ville, à l'occasion d'un tournoi de foot. Soldats en permission, une majorité d'Ukrainiens ayant fait le déplacement depuis l'étranger et d'autres résidant à Wroclaw se sont offert une parenthèse en catimini. L'idée était de ne surtout pas ébruiter la localisation du tournoi pour éviter une confrontation violente avec les ultras polonais. 

"Il y a beaucoup d'Ukrainiens ici [un quart des 650 000 habitants de l'agglomération], mais les ultras du coin, dont ceux du Slask Wroclaw [le club majeur de la ville] sont assez anti-ukrainiens."

Illia, ultra ukrainien

à franceinfo: sport

La tendance est de plus en plus marquée en Pologne où le président Karol Nawrocki a été fraîchement élu au terme d'une campagne basée sur le nationalisme, avec pour slogan : "La Pologne d'abord, les Polonais d'abord".

La guerre a eu pour effet de réunir les ultras de toutes les équipes d'Ukraine, après des décennies d'inimitié. Malgré la défaite du jour, ce traité de paix signé entre les supporters n'a aucune raison d'être brisé. Le prochain match "à domicile" de l'Ukraine, fixé à Cracovie (Pologne) contre l'Azerbaïdjan le 13 octobre, devrait offrir des scènes similaires. Mais, cette fois, une défaite gâcherait vraiment la fête.

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