Football : "Aucun joueur ne fait une saison pleine, à 100%"... Comment les équipes gèrent la fatigue et les blessures des joueurs

Fabrice Michel, président de l’association des Médecins des clubs professionnels de football (AMCPF) détaille le suivi médical des joueurs soumis à l'augmentation de la cadence des matchs.

Article rédigé par Andréa La Perna
France Télévisions - Rédaction Sport
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 5min
Khvicha Kvaratskhelia sort sur blessure lors de PSG-Lens en Ligue 1, le 14 septembre 2025, au Parc des Princes. (FRANCK FIFE / AFP)
Khvicha Kvaratskhelia sort sur blessure lors de PSG-Lens en Ligue 1, le 14 septembre 2025, au Parc des Princes. (FRANCK FIFE / AFP)

Le PSG va effectuer sa rentrée en Ligue 1, vendredi 17 octobre, face à Strasbourg sans pouvoir s'appuyer sur Ousmane Dembélé, Fabian Ruiz ou encore Joao Neves. Après une saison à rallonge avec 65 matchs joués - un record pour le club -, la cascade de blessures (neuf depuis le début de la saison) s'explique assez logiquement, d'après Fabrice Michel, président de l'AMCPF et ex-docteur de l'AS Monaco ou encore du FC Sochaux-Montbéliard. Pour franceinfo: sport, le médecin dévoile quelques clés pour mieux comprendre comment les équipes comme le Paris Saint-Germain peuvent surveiller l'évolution de la fatigue chez les joueurs à risques.

Franceinfo: sport : Comment gérer la santé des joueurs quand vous dépassez les 60 matchs dans une saison ?

Fabrice Michel : C'est facile de faire un turnover quand vous disposez d'un effectif pléthorique, quand vous avez presque deux équipes. Le problème, c'est la charge interne, la fatigue psychologique liée à l'éloignement familial. Le PSG n'a pas eu de moment calme la saison passée. Dès la Coupe du monde des clubs, quelques petites blessures sont apparues. On sentait déjà les prémices. Ils auraient pu prendre le pari de faire revenir les joueurs plus tard, mais c'est compliqué de dire à tel joueur qu'il ne va pas jouer tout de suite. Si le joueur arrive en retard par rapport au reste de l’équipe, vous tombez dans la préparation individualisée systématique. 

Aucun joueur ne fait une saison pleine, à 100% de bout en bout. Il y a des cycles. Il y a des moments où on est moins bien. Avant, comme dans le cyclisme, vous aviez des cycles de quatre semaines avec une semaine dure, une moyenne, une de régénération qui servait à booster vos performances par un phénomène de surcompensation. C'est ce que font les coureurs la semaine précédant un Grand Tour. Quand vous êtes à 48 heures d'un match, vous n'allez pas puiser dans vos réserves.

La Fifpro préconise 28 jours de repos et 28 jours de préparation entre chaque saison. Est-ce qu’aujourd’hui les joueurs ne bénéficient pas d'assez de repos pour prévenir le risque de blessures ?

Quelqu'un qui joue deux matchs par semaine fait déjà de la prévention. Le problème, c'est quand cela se répète sans qu'il n'y ait de période creuse. Les internationaux prennent l'avion et doivent gérer le décalage horaire. Ceux-là n'ont pas la bouffée d'oxygène que les autres ont dans le championnat. Pour certains, la trêve internationale est une cassure. 

Dans le cyclisme, vous ne voyez pas un coureur faire les trois Grands Tours. Il y a toute une planification. Pareil en biathlon, ils s'entraînent l'été et reprennent sur du ski à roulettes, puis ils ont des objectifs sur certaines périodes de l'année. Le foot est en train d'avancer comme un sport continu à l'américaine, comme le basket.

Quelles méthodes sont employées pour mesurer la fatigue musculaire et le risque de blessures ?

On s'aide dans le suivi, soit de questionnaires sur la fatigue et le sommeil, soit de l'HRV, c'est-à-dire la variabilité du rythme cardiaque. Ce sont des bilans sanguins. La Fédération en recommande un par an, a minima. Dans les clubs pro, on fait trois bilans par saison dans un club comme le PSG, au moins, deux pour un club moyen. Les joueurs ont souvent des bagues ou des actimètres avec des montres pour suivre leur état de forme. C'est parfois géré par des staffs individuels. 

On effectue des dosages de la CPK dans le sang pour surveiller les enzymes musculaires. C'est issu du rugby. On fait des petites piqûres au doigt tous les jours de façon espacée. Cela aide à voir la tolérance que vous avez à l'effort et surveiller le niveau d'entraînement. Si vos enzymes augmentent, qu'elles sont circulantes, c'est que vous cassez du muscle. Il ne faut pas faire trop de sprints. 

Puis vous échangez avec la cellule médicale pour mesurer la quantité d'efforts, notamment via les GPS, voir s'ils sont dans le rouge par rapport à leur profil habituel. Ceux qui débordent deux matchs d'affilée vont faire de la récupération, avec des massages supplémentaires, de la cryothérapie, de la balnéothérapie et parfois on prescrit des supplémentations vitaminiques. Dans le foot, on est de toute façon moins précis, moins exigeant. Dans le vélo, 200 grammes de différence, la VO2 max à 2%, c'est tranchant. Pareil dans le biathlon.

Une fois que la blessure musculaire arrive, quels chemins se présentent au club pour guérir et éviter une rechute ?

L'objectif, c'est d'éviter la récidive. Chez quelqu'un qui récidive une fois, deux fois, trois fois, c'est exponentiel. Il faut sécuriser les délais. C'est sûr qu'un Ousmane Dembélé, vous allez prendre plus de précautions. On sait que statistiquement, il y a plus de risques.

Quand vous avez un blessé musculaire, très rapidement on vous demande de vous projeter sur une planification. Vous l'estimez avec quelques jours de recul. Mais à un moment donné, c'est le joueur qui prend aussi ses responsabilités avec son ressenti. Après, c'est une histoire d'hommes dans un vestiaire avec un entraîneur, le médecin et le joueur, avec une prise de décision.

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