Vendée Globe : Denis Van Weynbergh est arrivé beau dernier et hors délai, récit de 118 jours de galère pour le skippeur belge
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Le skippeur belge, tout dernier concurrent de l'"Everest des mers", est arrivé aux Sables-d'Olonne samedi matin.
Malheureux qui, comme Denis Van Weynbergh, a fait un trop long voyage... Arrivé aux Sables-d'Olonne samedi 8 mars, un peu avant 10 heures, après 118 jours de course, le navigateur belge termine hors délai, la course s'étant arrêtée officiellement vendredi matin, conformément au règlement du Vendée Globe. Le skippeur, qui ambitionnait d'être le premier Belge à terminer le tour du monde à la voile en solitaire et sans assistance, ne sera pas classé. La conclusion, en queue de poisson, d'une odyssée de plus de six ans.
Pas facile de monter un projet pour le Vendée Globe quand on vient d'un pays à la culture maritime qui ne compte qu'une soixantaine de kilomètres de côtes et qui est doté d'un seul port en capacité d'accueillir un Imoca, la catégorie de bateaux qui concourt au fameux "Everest des mers". "La première victoire, c'était d'oser annoncer qu'on voulait participer, car on fait ça en Belgique, on vous prend pour un clown", racontait-t-il sur la chaîne YouTube de la course avant le départ. Ce touche-à-tout, qui a été journaliste, chef d'entreprise et humanitaire au cours de ses précédentes vies, se jette dans le grand bain en 2018 : il revend son entreprise d'acheminement de colis pour s'offrir Spirit of Hungary, le bateau du skippeur hongrois Nandor Fa, qui vient d'achever le Vendée Globe à une solide huitième place. Solide, le bateau l'est aussi. "Il est plus fiable que performant", le qualifie Denis Van Weynbergh dans le journal belge L'Echo.
Dès le début, une drôle d'histoire belge
Avoir un bateau, c'est une chose. Lancer un projet pour le Vendée Globe en est une autre. Quand "DVW" toque à la porte des banques outre-Quiévrain pour financer le projet, il est fraîchement reçu : "Quand on vient avec un bateau qui vaut une certaine somme d'argent en garantie, les banquiers rigolent." Nul doute que les établissements de Brest sont plus habitués, eux. A l'époque, l'objectif est de s'aligner sur l'édition 2020, et l'ancien journaliste passe jusqu'à 70% de son temps sur le plancher des vaches pour trouver des partenaires. Il finit par tenter un financement participatif en espérant convaincre les amoureux du grand large d'acheter des parts d'une œuvre photographique reproduite sur la grand-voile. Flop retentissant. "Sans doute parce qu'on a essayé de mélanger culture et sport, ce sont des filières différentes." Un mal pour un bien, veut-il croire à l'époque, "parce qu'on n'aurait jamais été prêts pour aller faire un tour du monde."
Deuxième chance pour l'édition 2024. Cette fois, Denis Van Weynbergh recentre le projet sur la Vendée en installant son camp de base aux Sables-d'Olonne. Faute de moyens, le gaillard est contraint de dormir pendant plus d'un an sur son bateau. "En hiver, c'est moins drôle", euphémise-t-il au micro de franceinfo. Le nouveau règlement du Vendée Globe, qui impose de compter déjà un nombre de miles et plusieurs participations à des courses, ainsi qu'une concurrence accrue pour figurer dans la liste des 40 projets retenus l'obligent à privilégier le sportif sur le financier. Pour subsister, il loue son bateau pour le tournage du téléfilm Seul, racontant la galère d'Yves Parlier, marin contraint de se nourrir d'algues lors d'un Vendée Globe 2000 particulièrement épique.
Système D comme Denis
Miracle : le fonds d'investissement belge D'Ieteren Group tombe sous le charme du quinquagénaire et accepte de financer 90% du budget (riquiqui) du défi belge. Avec une enveloppe estimée à 1,8 million d'euros par le magazine Voile et Voiliers, Denis Van Weynbergh ne possède que le deuxième plus petit budget des skippeurs engagés. Le reste, c'est un mélange de bricole et de débrouille : le Belge parvient à trouver un accord avec un camping du coin qui lui prête un bungalow hors saison contre un sponsoring du bateau (mais l'été, il est prié de plier bagage), le responsable technique du projet a été bénévole pendant deux ans avant de gratter un statut de prestataire, et le reste de ses ouailles sont des locaux tombés sous le charme du projet et donnant de leurs soirées et de leurs week-ends pour aider DVW à concrétiser son rêve. Parmi eux, un retraité, une secrétaire médicale, une salariée de chez Leclerc ou encore un tatoueur qui a décoré une partie du bateau et s'est retrouvé bombardé responsable logistique. Le système D élevé au rang d'art : "Même les gens qui ont porté un sac ou poussé un chariot, c'est grâce eux qu'on en est là", leur rendait hommage Denis Van Weynberg au moment de franchir le cap Horn, fin janvier.
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Les contraintes économiques et logistiques n'ont pas eu raison des ambitions du skippeur belge, qui affirme avant le départ espérer faire mieux que Nandor Fa, le précédent propriétaire du bateau, qui avait bouclé son tour du monde en 95 jours. "Il faut se mettre un challenge en termes de timing", claironnait le Belge. "Quatre-vingt-dix jours, ce serait un beau Vendée Globe", poursuit-il sur la chaîne YouTube de la course, tout en rappelant son statut de Petit Poucet. "Un des ADN du projet, c'est qu'avec une équipe de bénévoles, on peut terminer un Vendée Globe. On n'est pas obligé d'avoir 15 ou 20 millions d'euros pour participer." En revanche, pour le gagner oui... demandez à Charlie Dalin ou Yoann Richomme, qui ont bouclé la course dans des temps record.
Si Clarisse Crémer embarque un doudou à bord, lui part avec une reproduction du Manneken Pis (saucissonnée dans du papier bulle), histoire de jouer à fond la carte belge. Avant lui, seul Patrick de Radiguès s'est frotté deux fois à cette course hors norme, en 1996 et 2000, sans jamais conclure. Sur le ponton du départ, le 10 novembre, Denis Van Weynbergh ne cachait pas être excité : "Je suis comme un ado avant son premier rendez-vous amoureux." Il file sa métaphore : "La course au large, c'est comme les histoires d'amour : on sait quand ça commence, mais on ne sait jamais quand ça se termine." Il ne croyait pas si bien dire.
Le dilemme du prisonnier
La suite, c'est une succession de coups durs et de galères. Le double vainqueur Michel Desjoyeaux a théorisé que "le Vendée Globe, c'est une merde par jour". On n'a pas compté précisément si DVW a dû gérer 120 catastrophes, mais peu s'en faut.
Le 17 décembre, il devient lanterne rouge après l'abandon du concurrent hongrois Szabolcs Weöres au large du cap de Bonne-Espérance. Mi-janvier, il acte la révision à la baisse de ses objectifs : "Il reste au moins un mois avant d'être à la maison", assure-t-il au Journal des Sables, alors que Charlie Dalin remonte le chenal, fumigène en main. "Ce n'est pas simple à gérer quand on voit toutes les arrivées, la fête." Le 23 janvier, DVW franchit le cap Horn, avec quelques jours de retard sur le dernier de la précédente édition. "Ça fait six ans que j'en rêvais", déclare ému le skippeur belge. Le 14 février, tout paraît encore jouable, son arrivée est encore prévue pour la fin du mois. Fin février, sa grand voile subit deux avaries coup sur coup. Denis Van Weynberg a beau grimper plusieurs fois au sommet du mât pour tenter de réparer, rien n'y fait.
L'expérience laisse des traces. Denis Van Weynberg lâche face caméra à ses enfants : "Faites-moi des petits enfants, comme ça j'aurai une histoire à leur raconter. Mon grand-père me racontait la guerre, moi je pourrai leur raconter le Vendée Globe." S'y ajoute une pétole tenace. "Je me suis fait dépasser par Clara la tortue", ironise le skippeur belge dans une vidéo, le montrant au coude-à-coude... avec un goéland qui barbote dans son sillage.
Malgré la mobilisation de milliers d'internautes qui tentent de faire pression sur la direction de course pour revenir sur le point de règlement concernant la fermeture de la ligne d'arrivée, rien n'y fait. S'il avait participé au Vendée Globe 2020, Denis Van Weynbergh aurait eu 160 jours, le temps du dernier de la première édition, pour boucler tranquillement sa course et être classé. Mais depuis, le délai a été ramené au temps de la lanterne rouge de la dernière édition, le Finlandais Ari Huusela. "J'ai l'impression d'être un prisonnier à qui on rajoute des jours tous les jours, avec des épreuves à surmonter pour sortir, se lamentait-il lors d'une vacation avec la direction de course, le 5 mars. Ne pas en voir le bout, c'est compliqué, c'est désespérant de ne pas avancer plus de 80 à 100 milles par jour."
Le titre de premier Belge à terminer le Vendée Globe demeure vacant, après son arrivée hors délai samedi matin. S'il a perdu sa 33e place, Denis Van Weynbergh a gagné une notoriété considérable parmi les fondus de voile et les amateurs d'aventure humaine. Le skippeur avait eu cette phrase prophétique avant le départ : "Sur un Vendée Globe, on peut être dernier au classement, on n'est pas perdant pour autant. Bien au contraire." A fortiori si on s'est vu refuser cette dernière place.
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