Vrai ou faux L'Assemblée nationale peut-elle empêcher l'interdiction de la vente de voitures thermiques neuves en 2035 ?

En réalité, le rejet de cette mesure par les députés ne modifie pas l'application du règlement européen, en vertu du principe de primauté du droit de l'Union européenne.

Article rédigé par Robin Prudent
France Télévisions
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Temps de lecture : 4min
Les députés à l'Assemblée nationale, à Paris, le 18 février 2025. (ERIC BERACASSAT / HANS LUCAS / AFP)
Les députés à l'Assemblée nationale, à Paris, le 18 février 2025. (ERIC BERACASSAT / HANS LUCAS / AFP)

Un vote pour rien ? Une majorité de députés a refusé, lundi 17 février, d'inscrire dans le droit français la date européenne de 2035 pour l'interdiction de la vente de véhicules thermiques neufs, qui doit remplacer l'échéance de 2040 actée jusqu'ici par la France. A la suite de ce rejet, Marine Le Pen s'est empressée de féliciter, sur X, "les députés du Rassemblement national" qui ont, selon elle, permis d'empêcher "une mesure de non-sens". Mais qu'en est-il vraiment ?

En réalité, le vote des députés français ne change rien à l'entrée en vigueur de cette interdiction dans l'Union européenne, et donc en France. Et pour cause, celle-ci a été fixée par le règlement européen 2023/851  du 19 avril 2023. Or, ces actes juridiques européens "sont obligatoires dans tous leurs éléments et sont directement applicables dans tous les Etats membres de l’UE", selon le règlement de l'Union européenne. "L'interdiction est d'effet direct, elle s'appliquera donc en 2035 sur notre territoire, sans avoir besoin de transposition interne, confirme l'avocat Arnaud Gossement. Un Etat ne peut pas seul, de son côté, annuler cette mesure."

Une simple mise en conformité du droit français

Mais alors, pourquoi les députés ont-ils été amenés à voter sur ce sujet, s'ils n'ont pas de compétence en la matière, en vertu du principe de primauté du droit de l'Union européenne ? Pour comprendre, il faut analyser le texte étudié par l'Assemblée nationale, lundi. Il s'agit du projet de loi "DDADUE" qui doit permettre de mettre en conformité le droit français avec différentes évolutions législatives européennes récentes. "C'est un texte technique qui assure la mise en cohérence avec les décisions européennes, afin que le droit français soit clair et lisible", précise Arnaud Gossement.

Parmi tous les articles très divers du projet de loi, l'article 35 prévoyait ainsi de mettre en conformité l'interdiction des véhicules thermiques prévue en 2040 par la France au règlement européen prévoyant une entrée en vigueur en 2035 dans tous les pays de l'UE, "pour des raisons de clarté, d’intelligibilité et d’accessibilité du droit".

Or, certains députés ont profité de ce vote pour en faire une manifestation politique. Un amendement, déposé par les députés du Rassemblement national, a ainsi été soumis pour supprimer cet article 35. Il a été adopté de justesse par 34 députés, en majorité du RN, face à 30 députés contre, issus de Renaissance, des Ecologistes et de La France insoumise, notamment.

"C'est de la pure politique"

Un rejet qui a permis aux députés du RN de rappeler leur opposition à cette interdiction en 2035... mais qui ne modifie en rien les règles applicables en France à cette date-là. "L'amendement a juste empêché de nettoyer le droit français, mais ça ne change rien d'autre. C'est de la pure politique", analyse Arnaud Gossement.

Ce coup d'épée dans l'eau n'a pas tardé à provoquer d'autres réactions politiques, toujours du côté de l'extrême droite. "L'Assemblée nationale a voté contre le projet délirant de la fin du moteur thermique en 2035 ! Mais l'UE est pour... ce vote ne servira donc à rien !", a réagi sur X Nicolas Dupont-Aignan. Le président de Debout la France en a profité pour demander le rétablissement de "la primauté du droit national sur le droit européen". Idem du côté du résident des Patriotes, Florian Philippot, qui milite pour sortir de l'Union européenne "au plus vite" .

L'interdiction de la vente de véhicules thermiques neufs en 2035 continue donc bien de se jouer au niveau de l'Union européenne. Une "clause de revoyure" est d'ailleurs prévue en 2026 afin d'évaluer l'objectif de 2035. Ce sera alors aux institutions européennes, et non aux députés français, de prendre une décision sur le sujet.

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