Les procédures engagées contre l'État pour des dysfonctionnements judiciaires ont été multipliées par deux en deux ans

Les plaintes visent presque toutes la justice prud'homale et dénoncent en grande majorité les délais de traitement à rallonge.

Article rédigé par franceinfo
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La robe d'un avocat avec au premier plan une balance, le symbole de la justice. (FRANCK FIFE / AFP)
La robe d'un avocat avec au premier plan une balance, le symbole de la justice. (FRANCK FIFE / AFP)

Les procédures engagées contre l'État pour des dysfonctionnements judiciaires ont été multipliées par deux en deux ans, selon les chiffres obtenus par France Inter auprès de la présidence du tribunal judiciaire de Paris, chargé de ces dossiers. La décision sur l'assignation de l'État pour faute lourde et déni de justice dans l'enquête sur la disparition d’Estelle Mouzin à Guermantes (Seine-et-Marne) doit justement être rendue mercredi 3 septembre.

Au 30 juin, la première chambre civile du tribunal de Paris traitait 1 148 procédures engagées contre l'État pour des dysfonctionnements judiciaires. C'est le double par rapport à 2023. 30 % de ces procédures (329 dossiers) sont basées sur des plaintes collectives réunissant plusieurs centaines, voire plusieurs milliers de demandeurs. Presque toutes dénoncent des délais de traitement déraisonnables et visent majoritairement la justice prud’homale.

Trois raisons identifiées

En France, un salarié qui conteste son licenciement doit attendre entre 18 et 30 mois avant d’obtenir un premier jugement, délai qui s’est allongé d’un tiers en dix ans. Selon l’avocat spécialisé en droit du travail Haïba Ouaissi, trois raisons majeures expliquent ce dysfonctionnement. "De nombreux conseils de prud’hommes manquent de greffiers, de salles d’audience et d’équipement informatique", constate dans un premier temps l’avocat.

Il pointe également "la complexification du droit, avec une inflation législative folle dans ce pays, et qui rallonge les débats dans les tribunaux, les demandes d’expertises de plus en plus nombreuses." La troisième raison identifiée par l’avocat spécialiste est l’augmentation du contentieux : "Avec la précarisation de l’emploi en France, les particuliers vont de plus en plus devant les tribunaux", souligne-t-il.

D'autres domaines également engorgés

Cette inflation des procédures contre les délais déraisonnables de jugement ne touche pas que la justice prud’homale. Les baux ruraux sont également engorgés, les affaires de sécurité sociale où l'on détermine notamment les taux d'invalidité, et même les conflits avec les compagnies aériennes pour, par exemple, obtenir réparation après l’annulation d’un vol.

Désormais, à chaque fois qu'un dossier est déposé devant la première chambre, le représentant de l'État propose au plaignant de régler l’affaire à l’amiable pour éviter d'aller jusqu'au procès. Il s’agit d’un dédommagement financier de l’ordre de 200 ou 300 € par mois de retard par rapport au délai raisonnable. C’est seulement si le plaignant refuse que sera engagée la procédure civile.

Cette augmentation spectaculaire des procédures contre les lenteurs de la justice crée un encombrement tel au sein de la première chambre civile du tribunal de Paris qu’elle est désormais saisie d’une plainte contre ses propres lenteurs dans un dossier qu’elle instruit.

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