"L'un des derniers messages de Caroline était 'Justice !'" : émotion dans les écoles après le suicide d'une enseignante harcelée pour son homosexualité

La disparition de la quadragénaire, le jour de la rentrée scolaire, a suscité un vif émoi auprès des communautés enseignante et homosexuelle.

Article rédigé par Noémie Bonnin
Radio France
Publié
Temps de lecture : 5min
Une salle de classe vide, en septembre 2025. (JEAN-FRANCOIS FORT / HANS LUCAS)
Une salle de classe vide, en septembre 2025. (JEAN-FRANCOIS FORT / HANS LUCAS)

Elle était ciblée par des tags, écrits sur les murs même de l'école, et des lettres anonymes depuis la fin de l’année 2023. Une institutrice de 42 ans, harcelée par un corbeau en raison de son homosexualité, a été retrouvée morte lundi 1er septembre, jour de la rentrée scolaire, à Anglards-de-Salers (Cantal) près de son domicile. La piste du suicide étant privilégiée, a indiqué mardi le parquet. Directrice d'une école à classe unique à Moussages, à une dizaine de kilomètres d'Anglards-de-Salers, la victime a été découverte sans vie par les gendarmes en contrebas d'un site escarpé.

Une enquête "en recherche des causes de la mort" a été ouverte "afin de recueillir tous les témoignages et permettre à la famille d'apporter tous les éléments, même si l'acte ne pose pas de question particulière". Interrogée par l'AFP, l'Éducation nationale s'est dite "profondément touchée par le décès tragique" de la professeure et a annoncé l'activation mardi d'"une cellule d'écoute" dans la circonscription de son école.

Une enquête classée sans suite

Durant l'année scolaire 2023-2024, cette directrice avait retrouvé des tags et une lettre anonyme avec menaces de mort concernant son orientation sexuelle. Elle avait été alors arrêtée temporairement par son médecin avant de reprendre son activité. Depuis fin avril, elle était de nouveau en arrêt de travail, a indiqué le rectorat de Clermont-Ferrand.

Une enquête avait alors été ouverte par le parquet mais celle-ci "n'avait pas permis d'identifier les auteurs" et avait été classée en mars 2025 "en l'absence de nouveaux faits", a précisé Sandrine Delorme, procureure de la République d'Aurillac.

L'académie suivait "de près" la situation de la professeure, "préparant son retour en tenant compte de ses souhaits", a ajouté le rectorat dans un communiqué. L'institution lui avait en effet proposé une mutation, qu'elle avait refusée.

L'Éducation nationale "n'a pas réussi à protéger son personnel"

Le syndicat des directrices et directeurs d'école dénonce un manque de soutien à l'époque de la part de sa hiérarchie. "Caro, directrice d'école a décidé de mettre fin à ses jours ce lundi, jour de rentrée. Broyée par l'institution, par son village, par ses parents d'élèves, elle avait écrit sur un groupe de directeurs : "Lundi... sera bien plus difficile pour moi que pour vous". Nous sommes dévastés.", écrit mardi sur X le Syndicat des directrices et directeurs d'école.

"Quand vous êtes directrice d'école et qu'on vous demande de quitter votre école parce que des tags homophobes sont inscrits sur les murs de l'établissement, vous avez le sentiment d'une injustice !, dénonce Thierry Pajot, secrétaire général du syndicat au micro de franceinfo. L'un des derniers messages de Caroline, c'était 'Justice, justice, justice, justice !", qu'elle avait écrit en capitales...", confie-t-il à franceinfo. 

"L'enquête judiciaire devra conduire à punir ceux à l'origine des actes discriminatoires qui ont conduit notre collègue à mettre fin à ses jours", a réagi dans un communiqué le syndicat Unsa. "L'enquête interne devra, elle, conduire à comprendre pourquoi l'employeur, informé de la situation, n'a pas réussi à protéger son personnel", a ajouté l'Unsa. Sur Instagram, Julia Torlet, la porte-parole de SOS Homophobie, affirme que "l'Education nationale a du sang sur les mains" et que la "lesbophobie tue".

Le ministère de l'Éducation nationale a finalement annoncé le lancement d'une enquête administrative, ce que réclamaient les syndicats d'enseignants. L'inspection générale de l'éducation, du sport et de la recherche va la mener pour faire la lumière sur ce drame, précise l'équipe d'Elisabeth Borne.


Si vous avez des pensées suicidaires, si vous êtes en détresse ou si vous voulez aider une personne en souffrance, il existe plusieurs services d'écoute anonymes et gratuits. Le numéro national 3114 est notamment joignable 24h/24 et 7j/7 et met à disposition des ressources sur son site. L'association Suicide écoute propose un service similaire au 01 45 39 40 00. D'autres numéros, dédiés notamment aux plus jeunes, sont disponibles sur le site du ministère de la Santé. Le ministère propose aussi une page consacrée à la formation, pour repérer, évaluer et intervenir. Vous trouverez également des informations complémentaires sur le site de l'Assurance-maladie.

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