Intelligence artificielle et deepfakes : "La loi, en théorie, en France est suffisante, le problème, c'est son application", déplore une avocate

Selon Rachel-Flore Pardo, avocate spécialisée dans le cyberharcèlement et les violences sexistes et sexuelles, la justice doit s'interroger sur l'existence d'une certaine "forme de complicité des plateformes".

Article rédigé par franceinfo
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Rachel-Flore Pardo, avocate spécialisée dans le cyberharcèlement et les violences sexistes et sexuelles, le 18 novembre 2024. (IAN LANGSDON / AFP)
Rachel-Flore Pardo, avocate spécialisée dans le cyberharcèlement et les violences sexistes et sexuelles, le 18 novembre 2024. (IAN LANGSDON / AFP)

"La loi, en théorie, en France, s'agissant des deepfakes [hypertrucages générés par intelligence artificielle] est suffisante depuis l'ajout de nouvelles dispositions en mai 2024 [article 226-8-1], qui visent spécifiquement les montages à caractère sexuel, mais le problème, c'est l'application de la loi, c'est toute la difficulté", explique lundi 10 février sur franceinfo Rachel-Flore Pardo, avocate au barreau de Paris, spécialisée dans le cyberharcèlement et les violences sexistes et sexuelles, à l'occasion du Sommet de l’intelligence artificielle à Paris.

Cette loi SREN (Sécuriser et Réguler l'Espace Numérique) a été adoptée le 21 mai 2024. Rachel-Flore Pardo, qui accompagne les victimes pour déposer plainte et faire retirer les contenus, déplore "qu'Internet soit une zone de non-droit, une zone sur laquelle on ne parvient pas à appliquer nos lois parce qu'on laisse trop souvent des faits délictueux se répandre en toute impunité".

Ce qui est interdit hors internet doit l'y être aussi

Les deepfakes sont la partie sombre de la révolution de l'IA, une technique de synthèse multimédia qui permet de superposer des fichiers vidéo ou audio. Les deepfakes sont de plus en plus nombreux et les femmes en sont les premières victimes. "Les plaintes sont en cours d'instruction", précise l'avocate. 

L'Union européenne s'appuie aujourd'hui sur le règlement Digital Services Act (DSA) dans le but de diminuer la diffusion de contenus illégaux et d'instaurer plus de transparence entre les plateformes en ligne et leurs utilisateurs. "C'est en tout cas la volonté de la France, de l'Union européenne, avec le Digital Services Act, de faire en sorte que ce qui n'est pas autorisé en dehors d'Internet ne soit pas autorisé davantage sur Internet", explique l'avocate.

"S'intéresser à la responsabilité pénale des plateformes"

Mais toute la difficulté, c'est de faire appliquer le règlement et la loi. "Il y a différentes enquêtes qui sont en cours de la Commission européenne à l'encontre de certaines grandes plateformes numériques. Ce qu'il va falloir aussi, c'est qu'en France, on vienne s'intéresser à la responsabilité pénale de ces plateformes", dit Rachel-Flore Pardo. Selon l'avocate, la justice doit s'interroger sur l'existence d'une certaine "forme de complicité des plateformes, notamment lorsqu'elles sont au courant des faits délictueux qui se diffusent sur leur outil, sur leur site Internet, et qu'elles n'agissent pas en conséquence".

Pavel Durov, le patron franco-russe de Telegram, avait été interpellé le 24 août dernier à l’aéroport du Bourget. Le milliardaire avait été mis en examen en raison de la publication de contenus illégaux sur sa plateforme de messagerie.

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