Témoignage "Tout ce qui prouvait les sévices a été supprimé" : un lanceur d'alerte publie 1 700 vidéos pour prouver les mauvais traitements subis par Jean Pormanove

Ce lanceur d'alerte visionne depuis un an et demi les vidéos mises en ligne sur la chaîne Kick à laquelle participait Jean Pormanove, et qui ont disparu de la plateforme. Il a décidé de mettre des centaines d'extraits à la disposition de tous. Il s'est confié en exclusivité à franceinfo.

Article rédigé par Aurélien Thirard
Radio France
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 5min
Raphaël Graven, connu sous le pseudonyme de Jean Pormanove, est décédé à l'âge de 46 ans, lundi 18 août. Des soupçons de maltraitance se cachent derrière la mort soudaine du streameur. (DR)
Raphaël Graven, connu sous le pseudonyme de Jean Pormanove, est décédé à l'âge de 46 ans, lundi 18 août. Des soupçons de maltraitance se cachent derrière la mort soudaine du streameur. (DR)

L'autopsie de Raphaël Graven, alias Jean Pormanove, devait établir s'il existait un lien entre sa mort et ses défis extrêmes diffusés en direct sur le réseau Kick. Les conclusions présentées jeudi 21 août écartent pour le moment l'intervention d'un tiers, les experts privilégiant des causes médicales ou toxicologiques. Des analyses complémentaires doivent encore être réalisées. Mais une question reste en suspens : Raphaël Graven était-il sous emprise, a-t-il été manipulé ? Franceinfo a recueilli le témoignage de Pierre*, un lanceur d'alerte d'une vingtaine d'années qui, depuis près de deux ans, a archivé des milliers d'heures de vidéos de Pormanove. Il vient de les rendre publiques, en ligne, via un Google Drive.

Pierre passe une grande partie de son temps à scruter les réseaux sociaux. Il n'accepte pas que la plateforme Kick ait "fait le ménage", que tous les extraits de vidéos d'humiliation, de coups, d'insultes subis par Raphaël Graven en direct sur les réseaux aient disparu. "Leur chaîne a été supprimée, avec toutes les rediffusions. Tout ce qui prouvait les sévices avait été supprimé", dénonce-t-il. La chaîne, rendue en effet inaccessible après le décès de Graven/Pormanove, est à nouveau visible depuis jeudi soir.  

Lui qui scrute les diffusions, et tente d'alerter depuis un an et demi, a été particulièrement marqué par la mort de Jean Pormanove. "C'est vraiment dur de savoir qu'il a vécu une vie de souffrance jusqu'à la fin, jusqu'à mourir devant les caméras, devant 5 000 personnes. C'est juste horrible, ça m'empêche carrément de dormir", confie-t-il.

Près de 3 000 heures de visionnage et plus de 1 730 extraits problématiques

Le lendemain de la mort de Jean Pormanove, Pierre décide de mettre en ligne, à disposition de tous, sa gigantesque base de données alimentée depuis février 2024. "C'est quelque chose que je n'avais jamais vu sur d'autres plateformes comme YouTube ou Twitch. J'ai commencé à enregistrer des extraits d'une minute à chaque fois que je voyais quelque chose de choquant, comme une humiliation, un geste de violence ou des insultes envers Jean Pormanove, raconte le lanceur d'alerte. Ça représente 3 000 heures de stream." Des diffusions que Pierre regardait au jour le jour et dont il a extrait 1 739 vidéos, qui concernent également à la marge Coudous, l'acolyte de Jean Pormanove, qui est sous curatelle.

Pour Pierre, les coups, les brimades subies Raphaël Graven ne relèvent pas de la mise en scène, et c'est ce qu'il entend démontrer "aux autorités et aux gens". "Ce n'est pas quelque chose qui s'est passé une seule fois, c'est quelque chose qui dure depuis plusieurs mois, voire des années. Ça a même commencé bien avant que je commence" à copier des extraits.

"Maintenant que tout a disparu, je veux prouver aux gens que ça s'est réellement passé sous nos yeux et que personne n'a rien fait."

Pierre, lanceur d'alerte

à franceinfo

A force de voir chaque soir ces vidéos en direct, Pierre en connaît les moindres détails et il l'assure : Jean Pormanove était bien sous emprise. Il se souvient notamment de toutes les fois où Raphaël Graven a été menacé, assure-t-il, notamment par deux autres streameurs, Safine et surtout Owen C., alias Naruto. "L'emprise qu'avait Naruto sur Jean Pormanove, elle est réelle : sans lui, il finissait à la rue. A plusieurs moments, Owen le menace de le virer carrément de son appartement. Parce que l'appartement dans lequel vivait Jean Pormanove appartenait à l'oncle d'Owen et c'était payé au black, donc il pouvait le virer du jour au lendemain", explique Pierre. Des affirmations graves qu'il se dit en mesure de prouver via la consultation de ses vidéos archivées. Le lanceur d'alerte dit désormais se tenir à la disposition de la justice.

L'avocat de Naruto, l'un des deux influenceurs soupçonnés de maltraitance contre Jean Pormanove, a réagi vendredi sur franceinfo à ces accusations. "Pendant deux ou trois heures par jour, il y avait des streams dans lesquels il y avait des mises en scène", détaille l'avocat, Philippe-Henry Honnegger. "Il y avait des choses qui étaient scriptées, il y avait de l'improvisation, il y avait des coups qui étaient simulés. Ce que vous voyez à l'écran n'est pas la réalité de ce qui est vécu", insiste-t-il. "On aura un débat sur la nature de cette fiction et on pourra, le moment venu, décider si c'était normal ou pas que ça puisse être diffusé sur les réseaux."


 * Pierre est un prénom d'emprunt

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