"La question de Gaza est devenue un slogan qui ne dit plus rien de la solidarité ou de l'émotion réelle vis-à-vis des Palestiniens", estime Yonathan Arfi, président du Crif
/2023/07/05/64a55fd777de4_placeholder-36b69ec8.png)
Sur le plateau de "Tout est politique" lundi 15 septembre, Yonathan Arfi, le président du Crif, a réagi à la multiplication des manifestations propalestiennes en Europe, et aux tensions autour du conflit à Gaza. Une émotion qu'il dit comprendre, sans pour autant approuver "l'obsession autour de ce conflit par rapport à d'autres causes".
Alors que des manifestations en soutien à la Palestine ont perturbé dimanche la dernière étape de la Vuelta, le Tour d'Espagne cycliste, Gilles Bornstein reçoit Yonathan Arfi, le président du Crif (Conseil représentatif des institutions juives de France), pour évoquer ces tensions en France et ailleurs, dans "Tout est politique", lundi 15 septembre, sur franceinfo.
Ce texte correspond à une partie de la retranscription de l'interview ci-dessus. Cliquez sur la vidéo pour la regarder en intégralité.
Gilles Bornstein : Les manifestations et prises de positions pro-israéliennes, pro-palestiniennes et anti-israéliennes se multiplient. Olivier Faure, le premier secrétaire du PS, a demandé de faire flotter le drapeau palestinien sur les mairies le 22 septembre. La Vuelta, le tour d'Espagne cycliste, s'est terminée dans le chaos. Dans un pays démocratique comme l'Espagne, on a le droit de manifester, y compris pour la Palestine ?
Yonathan Arfi : On a le droit de manifester, y compris pour l'État palestinien ou la solidarité avec les Palestiniens. En revanche, interrompre une course d'un événement majeur comme le Tour d'Espagne, c'est envoyer un autre message, celui de vouloir traquer la présence israélienne dans le pays de manière tout à fait obsessionnelle. Et ça, pour moi, ça va bien au-delà de l'expression d'une solidarité.
Donc, c'est un reproche que vous faites aux autorités espagnoles, à qui vous reprochez d'avoir été trop complaisantes ou bienveillantes vis-à-vis des manifestants ?
Il y a un double phénomène en Espagne. D'abord, il y a une mobilisation de la société civile qui va très au-delà de ce qu'on observe ailleurs et qui serait le témoin de l'impression de la question palestinienne dans la société espagnole. Ça, c'est le premier point. Et puis, le deuxième point, c'est la complaisance des pouvoirs publics, en l'occurrence du Premier ministre espagnol, qui apporte son soutien non pas aux organisateurs de la course qui ont vu leur événement perturbé, mais aux manifestants. C'est, je crois, quelque chose qui questionne profondément la démocratie.
"Il y a en Espagne historiquement une relation compliquée avec le monde juif"
Nathalie Saint-Cricq : Il faut préciser que le Parti populaire, c'est-à-dire la droite espagnole, a pris du recul en considérant que ce n'était pas normal ce qui se passait. À quoi vous imputez cette irrégularité dans la société civile espagnole, puisque vous venez de le dire ? Quand ça se passe en France, on a certaines tendances à dire que ce sont des mouvements qui sont organisés par la gauche radicale ou par certaines pensées de gauche. Est-ce que là, vous considérez que c'est organisé, voire manipulé, ou que c'est un mouvement spontané de la nation espagnole ? Et oui, si oui, qu'est-ce qu'il y a de spécifique ?
Yonathan Arfi : C'est difficile à dire et il faudrait pour le coup avoir un spécialiste de la société espagnole, que je ne suis pas. Néanmoins, ce que je sais, c'est qu'il y a en Espagne d'abord historiquement une relation compliquée avec le monde juif. Ce n'est pas nouveau, cela évoque une partie de l'histoire de l'Espagne d'une part, puis d'autre part une identification à la question palestinienne. Mais c'est un pays qui a une culture catholique très profonde, qui n'a pas été marquée par le même travail que d'autres pays catholiques comme la France, et ça laisse des traces. La deuxième chose, c'est un pays qui a reconnu très tardivement Israël, par exemple, il faut le savoir, donc c'est un pays qui a eu un rapport différent avec le monde juif et avec Israël.
La façon dont vous le dites, c'est que l'Espagne est mal à l'aise avec les juifs ?
Je pense qu'il y a en Espagne un rapport au monde juif qui est plus complexe qu'il ne l'est dans un pays comme la France par exemple. Le deuxième point, c'est qu'ils ont une identification à la cause palestinienne très puissante. Elle est en partie spontanée, elle est aussi en partie portée et animée politiquement. L'extrême gauche espagnole est globalement très puissante, on l'a vu, et la question palestinienne est devenue un des moteurs de cette mobilisation et de cette hystérisation du débat en Espagne. Je ne suis pas surpris que ces images se retrouvent en Espagne plutôt que dans d'autres pays européens.
"L'obsession autour de ce conflit, la manière dont cette mobilisation est massive, ça interroge"
Nathalie Saint-Cricq : Est-ce que vous êtes étonné par un certain nombre d'attitudes qu'il peut y avoir dans des pays européens, telles que celle de Pedro Sanchez ?
Je ne m'y attendais pas au moment où Israël a commencé ses opérations militaires à Gaza. Je m'y attendais dès que le 7 octobre s'est passé. Dès qu'il s'est passé les massacres de citoyens israéliens dans les kibboutz, nous savions qu'il y aurait mécaniquement d'abord un temps de solidarité et ensuite un temps de libération.
S'il n'y avait pas eu l'attitude du gouvernement de Nétanyahou, il n'y aurait pas eu cette libération...
Mais vous savez quoi ? Je ne le sais pas et je n'en suis pas convaincu. Même au contraire, quand on regarde, quand commencent les actes d'antisémitisme en Europe ? Ils commencent dès le 7 octobre au soir, dès le 8, le 9, le 10 octobre, bien avant les opérations militaires israéliennes.
Gilles Bornstein : On ne peut pas comparer les quelques manifestations, peut-être, dont vous parlez après le 7 octobre, avec ces manifestations de masse qui, comme l'a dit Nathalie, qu'on le veuille ou non, sont quand même consécutives à l'attitude du gouvernement israélien à Gaza.
Yonathan Arfi : Vous savez, elles prennent prétexte, elles prétendent être des mobilisations motivées par les opérations militaires israéliennes. Très souvent, ces manifestations-là, en fait, elles libèrent quelque chose dans la société.
Vous dites en fait qu'il y a un refoulé antisémite ?
Non, je ne dis pas qu'il y a uniquement un refoulement de l'antisémitisme, loin de là. Je dis juste que la question de Gaza est devenue un slogan, est devenue un cri de ralliement générationnel d'ailleurs pour partie, comme l'ont été à d'autres époques d'autres causes, et que ça ne dit plus rien de la solidarité réelle ou de l'émotion réelle vis-à-vis des Palestiniens.
Que vous comprenez ?
Bien sûr, qui n'a pas d'émotion face à la détresse de populations civiles ? Et c'est tout à fait compréhensible que des gens soient touchés par cette détresse-là. En revanche, l'obsession autour de ce conflit par rapport à d'autres causes tout aussi dramatiques, la manière dont cette mobilisation est massive, ça, ça interroge.
Cliquez sur la vidéo pour regarder l'entretien en intégralité.
À regarder
-
Grues effondrées : tornade meurtrière dans le Val d'Oise
-
De nombreux sites paralysés à cause d'une panne d'Amazon
-
Hong Kong : un avion cargo quitte la piste
-
Quand Red Bull fait sa pub dans les amphis
-
Ces agriculteurs américains qui paient au prix fort la politique de Trump
-
ChatGPT, nouveau supermarché ?
-
Eléphants : des safaris de plus en plus risqués
-
Concours de vitesse : à 293 km/h sur le périphérique
-
Églises cambriolées : que deviennent les objets volés ?
-
Quel était le système de sécurité au Louvre ?
-
La Cour des comptes révèle les failles de sécurité du musée du Louvre
-
Cambriolage du Louvre : ces autres musées volés
-
Cambriolage au Louvre : l'émotion et la colère de Stéphane Bern
-
Promeneurs, joggeurs : la peur des chiens
-
Vol des bijoux au Louvre : sept minutes pour un casse spectaculaire
-
Au cœur de la traque des migrants
-
Mouvement "No Kings" aux États-Unis : sept millions d'Américains sont descendus dans les rues contre Donald Trump
-
Allocations familiales : vers un coup de rabot ?
-
Un braquage a eu lieu au Louvre dimanche matin à l'ouverture
-
Avions : quand des batteries prennent feu
-
Affaire Epstein : le prince Andrew renonce à son titre royal
-
Grandir à tout prix
-
Cédric Jubillar : 30 ans de prison pour meurtre
-
Mal de dos : comment le soigner
-
Faire des têtes au foot, c'est stylé, mais...
-
En Chine, le plus haut pont du monde est devenu une attraction touristique
-
Quand t’es collé en forêt
-
À Marseille, la Bonne Mère retrouve sa couronne
-
Meurtre de Lola : ce qu’il s’est passé
-
Chili : un miracle dans le désert
Commentaires
Connectez-vous ou créez votre espace franceinfo pour commenter.
Déjà un compte ? Se connecter