Témoignage "J'ai profondément honte" : un ancien militaire israélien désabusé par l'attitude de certains soldats dans la bande de Gaza

Alors que l'Etat hébreu continue ses assauts meurtriers dans la bande de Gaza et que la famine s'aggrave dans l'enclave palestinienne, les méthodes d'Israël sont de plus en plus pointées du doigt. Y compris par d'anciens militaires israéliens.

Article rédigé par Thibault Lefèvre
Radio France
Publié
Temps de lecture : 3min
Un soldat israélien à ville d'Hébron, en Cisjordanie occupée, le 23 novembre 2024. (photo d'illustration) (HAZEM BADER / AFP)
Un soldat israélien à ville d'Hébron, en Cisjordanie occupée, le 23 novembre 2024. (photo d'illustration) (HAZEM BADER / AFP)

Le décompte macabre se poursuit. La Défense civile de la bande de Gaza a affirmé que les forces israéliennes ont de nouveau tiré, dimanche 20 juillet, sur des Palestiniens qui tentaient de récupérer de l'aide humanitaire dans le petit territoire, tuant 93 personnes. Sollicitée par l'AFP, l'armée israélienne a évoqué des "tirs de sommation pour écarter une menace immédiate qui pesait sur elle", face à un regroupement de "milliers" de personnes, démentant le bilan de la Défense civile.

L'ONU et des ONG font régulièrement état d'un risque de famine dans la bande de Gaza assiégée par Israël après plus de 21 mois de conflit, déclenché par une attaque sans précédent du mouvement islamiste palestinien sur le sol israélien le 7 octobre 2023.

Mais comment les soldats d'hier voient l'attitude des soldats d'aujourd'hui à Gaza ? Joël Carmel, 32 ans aujourd'hui, dont trois de service militaire, il y a une dizaine d'années, témoigne. L'homme a servi en Cisjordanie occupée, notamment. Il milite désormais dans l'association "Breaking the silence". franceinfo l'a rencontré dans la vieille ville occupée d'Hébron.

"Je me demande comment ça pourrait être pire"

Dans les rues vides du centre d'Hébron, à l'heure de la prière du midi, sous un soleil de plomb, Joël Carmel vide son sac. "En tant qu'Israélien, j'ai profondément honte quand je vois ce qu'il se passe. Dans plusieurs années, on regardera en arrière et il nous sera impossible d'expliquer à nos enfants et nos petits-enfants pourquoi nous n'avons pas arrêté ça" déclare-t-il.

Depuis près de deux ans, l'ancien militaire observe, désabusé, les massacres de civils lors des distributions de nourriture, les bombardements, sur les écoles, mais ce qui le touche et le révolte le plus, c'est l'attitude de soldats, pourtant formés au droit de la guerre. "Tous les jours, on voit de nouvelles horreurs à Gaza. Et je me demande comment ça pourrait être pire. Ce qui a été une sorte de révélation pour moi, ça a été l'utilisation de Palestiniens comme boucliers humains. Ca montre bien la déshumanisation qui traverse la société israélienne", accuse-t-il.

"Nous utilisons les Palestiniens comme des boucliers humains ! Et c'est exactement ce que fait le Hamas et ce que nous lui reprochons"

Joël Carmel

à franceinfo

Une attitude jamais vue auparavant

Ce niveau de déshumanisation est, selon l'ancien soldat, inédit dans l'armée. "D'une manière générale, la société israélienne est de plus en plus à droite. Elle de moins en moins de tolérante à l'égard des Palestiniens", regrette-t-il.

Avant d'estimer que "les sionistes religieux ont pris de plus en plus d'importance dans l'armée. C'était un de leurs objectifs depuis des années d'occuper des positions majeures dans l'armée. Et c'est ce qu'on voit aujourd'hui : leurs représentants sont à des postes clefs que ce soit dans l'armée, au gouvernement et plus généralement dans la société israélienne."

Les sionistes religieux, favorables à l'expulsion des Palestiniens de Gaza, sont donc surreprésentés dans l'armée. Et notamment, parmi les près de 900 soldats morts depuis le massacre du 7 octobre.

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