Les espoirs du RN, les craintes de la gauche, la menace de Liot... Pourquoi la bataille pour les postes clés de l'Assemblée est loin d'être anodine
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Un renouvellement du bureau de la chambre basse du Parlement a lieu mercredi et jeudi. Le Rassemblement national espère revenir au sein des instances, un an après en avoir été évincé, tandis que le centre et la droite veulent réduire l'influence de la gauche.
Semaine décisive au Palais-Bourbon. Alors que le remaniement et le débat imminent sur le budget 2026 font les gros titres, l'Assemblée nationale va pourvoir son bureau, une instance peu connue du grand public mais cruciale pour peser sur le fonctionnement de la chambre basse du Parlement. Six vice-présidences et trois questures seront soumises au vote, mercredi 1er octobre dans l'après-midi, tandis que 12 secrétaires seront élus jeudi matin, puis les présidents des huits commissions permanentes.
Les tractations au sein des trois principaux blocs (Rassemblement national, socle commun alliant centristes et Républicains, et la gauche) vont bon train, avec en arrière-plan la menace permanente d'une censure, qui pèse déjà sur le gouvernement de Sébastien Lecornu. Voici pourquoi la composition de ce bureau de l'Assemblée se révèle stratégique et peut changer la donne en vue des prochaines échéances parlementaires.
Parce que le RN devrait retrouver des postes prestigieux, avec l'accord du bloc central
Le Rassemblement national devrait faire son retour, après une longue absence au sein de cette instance. Il y a un an, les députés lepénistes n'avaient obtenu aucun poste, faute de soutien des autres groupes politiques. Mais les macronistes ont infléchi leur ligne. Ils soutiennent désormais la proposition de la présidente de l'Assemblée, Yaël Braun-Pivet (Renaissance), qui a proposé de confier deux vice-présidences à chacun des trois blocs et au moins un secrétaire pour chacun des 11 groupes, conformément à la consigne du règlement du Palais-Bourbon, qui invite dans son article 10 à "s'efforcer de reproduire au sein du bureau la configuration politique de l'Assemblée".
"C'est tout simplement un retour à la normale et au respect des institutions", se félicite auprès de franceinfo Philippe Ballard, député de l'Oise, qui rappelle qu'avec 120 sièges actuellement, le groupe de Marine Le Pen est le plus important de l'hémicycle. "Les macronistes se sont rendu compte qu'ils ont fait une ânerie l'an dernier, ils ont vu ce que ça donnait de donner des postes clés au Nouveau Front populaire (NFP) et à La France insoumise (LFI)", avance le porte-parole du RN. Un changement de pied qui pourrait augurer de meilleurs échanges entre les élus d'extrême droite et les troupes de Sébastien Lecornu, à qui Marine Le Pen veut laisser le temps de prononcer son discours de politique générale et de présenter son budget, avant d'envisager une éventuelle censure.
Hélène Laporte et Sébastien Chenu, élus vice-présidents de l'Assemblée en juin 2022, pourraient donc faire leur retour au perchoir grâce à l'addition des voix RN, UDR (le groupe dirigé par Eric Ciotti), et du bloc central, malgré l'opposition des quatre groupes de gauche, qui plaident pour un "cordon sanitaire" dans les instances du Palais-Bourbon. Les scrutins s'annoncent donc électriques. "Ne laissons pas un parti antirépublicain, xénophobe et climatonégationniste se normaliser et gangréner toujours plus nos institutions", a déclaré Cyrielle Chatelain, présidente du groupe écologiste, dans un communiqué lundi. Une critique balayée par un député MoDem interrogé par franceinfo : "Il s'agit du fonctionnement de l'Assemblée, pas de décisions pour l'avenir des Français. Un député RN a la même légitimité électorale que moi."
Parce que la gauche peut perdre ses présidences de commissions
Derrière l'enjeu des vice-présidences de l'Assemblée, la question des présidences de commissions est tout aussi importante dans le travail parlementaire. Il y a huit commissions permanentes (lois, finances, affaires culturelles et de l'éducation, affaires économiques, affaires étrangères, affaires sociales, défense et développement durable) qui examinent et modifient les textes de loi avant qu'ils soient débattus dans l'hémicycle. Actuellement, les groupes de l'ex-NFP ont trois présidences (deux pour La France insoumise, une pour le Parti socialiste).
Depuis 2008, la Constitution prévoit que le poste de président de la commission des finances soit dévolu de droit à un membre de l'opposition. L'insoumis Eric Coquerel occupe ce poste depuis 2022. Mécontent de sa représentation actuelle, le RN revendique ce poste central, "qui doit échoir au premier groupe à l'Assemblée nationale, et le premier groupe, c'est le RN. Ce serait de bon aloi de l'avoir", assurait Philippe Ballard sur France 3, le 21 septembre.
De son côté, le socle commun du centre et de la droite pourrait tenter de récupérer la présidence de la commission des affaires culturelles et de l'éducation, actuellement occupée par la socialiste Fatiha Keloua Hachi. "On a fait nos comptes et si l'extrême droite s'abstient, ça passerait pour moi, avance-t-elle, avec prudence, auprès de franceinfo. J'ai normalement toutes les voix de la gauche, ainsi que celles de Liot."
L'élue de Seine-Saint-Denis craint cependant que le retour du Rassemblement national à la vice-présidence de l'Assemblée soit négocié contre un soutien du parti à la flamme pour un centriste ou un élu de droite. "Si le RN décide de voter pour le socle commun, c'est plié", assure-t-elle. "On ne s'abstient jamais", précise Philippe Ballard, sans préciser vers qui irait le vote de l'extrême droite.
Le groupe Ensemble pour la République (EPR, ex-Renaissance) vise quant à lui la commission des affaires économiques, présidée depuis octobre 2024 par la députée LFI Aurélie Trouvé, qui avait bénéficié de désaccords entre EPR et la droite. "Les enjeux de cette commission sont au cœur de notre projet politique. Il y a un beau symbole à la reprendre à LFI. Et c'est justice pour Stéphane [Travert] qui aurait dû l'obtenir il y a un an sans le coup de trafalgar des LR", a soutenu Gabriel Attal, président du groupe, dans un message interne consulté par France Télévisions.
"Le bloc présidentiel est minoritaire dans l'Assemblée nationale, il n'y a pas de raison qu'ils captent 90% des présidences de commissions", rétorque Aurélie Trouvé, qui se targue d'avoir "utilisé des pouvoirs législatifs qui n'avaient jamais été utilisés jusqu'ici". Si l'objectif du socle commun est néanmoins atteint, la gauche n'aura plus qu'un président de commission issu de ses rangs. Un net recul, à l'heure où les commissions permanentes, parfois transformées en commissions d'enquête, peuvent obtenir une grande visibilité médiatique.
Parce que Liot menace de censurer le gouvernement en cas d'éviction de Charles de Courson
Un autre poste est au cœur des convoitises du bloc central : rapporteur général du budget. Il est actuellement occupé par Charles de Courson, député Liot (Liberté, Indépendants, Outre-mer et Territoires) de la Marne. Il avait été désigné en juillet 2024 au bénéfice de l'âge après un scrutin extrêmement serré. Le socle commun l'a dans son viseur avec l'insoumis Eric Coquerel. Les députés macronistes ont encore en mémoire la séquence médiatisée où les deux hommes sont allés à Bercy réclamer des documents budgétaires qu'ils n'arrivaient pas à obtenir. "S'il n'y a pas de changement de méthode de sa part, ça va être compliqué de travailler avec de Courson, témoigne une députée EPR auprès de franceinfo. Il a son honnêteté intellectuelle, il n'est pas instrumentalisé par Coquerel. Mais normalement, un rapporteur général est là pour faciliter les choses entre les députés et le ministre du Budget. Or, on ne peut pas dire qu'il a facilité les choses", poursuit-elle. "On ne peut pas laisser deux membres de l'opposition monopoliser la parole", commente, plus sévère, un autre membre du bloc central.
Le socle commun aimerait donc rééquilibrer le rapport de force en disposant d'un rapporteur issu de ses rangs. Mais le groupe Liot, lui, souhaite conserver ce poste. "Charles de Courson a une compétence claire sur le sujet et c'est un homme indépendant. C'est sa force, commente Stéphane Viry, député Liot des Vosges. Ce poste doit être occupé par un homme libre. Il faut que ce soit un poil à gratter. Il ne s'agit pas de s'opposer systématiquement par principe."
Cette crispation pourrait, là aussi, avoir des répercussions sur le destin de Sébastien Lecornu. A mots à peine couverts, le groupe Liot menace de censurer le Premier ministre si son favori ne conserve pas ses fonctions de rapporteur général du budget. "Si Charles de Courson venait à être battu, le groupe en tirera toutes les conclusions dans son attitude vis-à-vis du bloc central”, menace Harold Huwart, député Liot d'Eure-et-Loir, dans Le Parisien. Certes, le groupe Liot ne compte que 23 députés mais en cas de score serré, il peut faire la différence. "Je trouve déplorable qu'on mélange les enjeux d'organisation de l'Assemblée avec les enjeux de censure. 'Je ne te donne pas le poste de rapporteur, alors tu me censures'. Où va-t-on ?", s'agace une députée macroniste.
Pour l'heure, il n'est pas question de céder à cette pression. Le socle commun envisage bien de présenter un candidat, à moins que les derniers accords au sein de l'alliance de centre droit n'évoluent, LR étant également intéressé. Le candidat du camp présidentiel pourrait être Jean-René Cazeneuve, député EPR du Gers qui a occupé le poste de 2022 à 2024... mais qui est également pressenti pour entrer au gouvernement.
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