Volodymyr Zelensky (3/5) : le cercle des amis

"Tirer depuis la forêt sur la voiture de mon ami, c’est une faiblesse. La réponse sera forte et ça n’affecte pas la force de notre équipe". En septembre 2021, Volodymyr Zelensky est à New York quand il apprend qu’en Ukraine, l’un de ses proches collaborateurs, Serhiy Shefir, vient d’échapper à un attentat. Il poste immédiatement une vidéo de soutien sur les réseaux sociaux. Le président n’hésite jamais quand il faut défendre son entourage.

Zelensky est un homme de loyauté. Quand il arrive au pouvoir, en 2019, il s’appuie sur les fidèles : les copains de Kryvyï Rih, avec lesquels il a monté ses premiers spectacles, et tous ceux qui gravitent autour de sa lucrative société de production "Kvartal 95". Au total, il place une trentaine de personnes à des postes importants du gouvernement ou de l'administration. Yuriy Kostiuk, le scénariste de la série Serviteur du peuple, travaille ainsi en coulisses sur la communication du président et rédige ses discours.

La fidélité plus que les compétences

Mais on lui reproche très vite de placer des amis sans expérience politique ou militaire, de préférer la loyauté personnelle à l’expertise et aux compétences : Ivan Bakanov, l'ancien voisin d’immeuble de la famille Zelensky, se retrouve, du jour au lendemain, nommé chef du parti créé en 2017, "Serviteur du peuple" puis, après l'élection, patron des renseignements. Il est toutefois remercié au bout de deux ans pour "défaillances graves", aspiré dans une vaste purge des agents de l’État suspectés de collaboration avec les forces russes, notamment dans les zones occupées.

Loyal, Zelensky, mais pas naïf. Il sait qu’il doit donner des gages à ses partenaires occidentaux. Cela ne l’empêche pas, pour autant, de justifier le système d’évasion fiscale mis en place autour de sa société de production via des compagnies offshore : "À l'époque de M. Ianoukovitch, tout le monde avait son entreprise, en particulier dans la télévision et les médias. Toutes les chaînes de télévision avaient en plus des sociétés étrangères. Absolument toutes. Les autorités fiscales venaient nous voir toutes les semaines. Donc, pour ces choses-là, des sociétés étrangères ont été ouvertes, en plus des grosses sociétés qui se trouvaient sur le territoire ukrainien".

C'est l'affaire des "Pandora Papers", dans laquelle au moins deux de ses proches sont cités : Bakanov, justement, et Serhiy Shefir. Les deux hommes exploitaient un réseau de sociétés dans les îles Vierges britanniques, à Chypre et au Belize. Certaines de ces sociétés possédaient de coûteuses propriétés à Londres.

Andriy Yermak, le pilier

Pourtant, peu à peu, le premier cercle s’efface. Zelensky s’entoure de nouveaux profils plus technocrates. Tous gravitent autour d’un seul homme, un pilier au sens propre - sa silhouette massive atteint presque les 2 mètres : Andriy Yermak.

Bien qu’officiellement "seulement" chef de cabinet, il agît souvent comme un vice-président officieux. Les diplomates s’agacent de son ego surdimensionné, Washington lui trouve un côté un peu rugueux. Mais sa proximité avec Zelensky est telle qu’on dit qu’aucune décision importante ne se prend sans lui. Les deux hommes dorment dans le même bunker du complexe présidentiel et soulèvent de la fonte ensemble le matin pour garder une bonne condition physique. Leurs relations vont bien au-delà du travail, auquel Yermak se dédie à 200%.

Les deux hommes se sont rencontrés au début des années 2000. À l’origine producteur et avocat en droit audiovisuel, Andriy Yermak est devenu l’architecte incontournable de la diplomatie ukrainienne : c’est lui qui dirige les négociations de paix, coordonne l’aide militaire, parle avec les représentants étrangers.

L’autoritaire Andriy Yermak concentre beaucoup de pouvoirs. Trop de pouvoirs, disent les observateurs. Zelensky doit faire une mise au point : "Il faut que vous compreniez que tout cela a un but : c’est pour m'attaquer. La Russie a lancé de nombreuses campagnes de désinformation, affirmant que ce n'est pas moi qui décide, mais des personnes de l'ombre, que le président ne contrôle pas le parti ou que le président n'a pas d'influence sur ses ministres (...). Yermak est un manager puissant, c'est l'un des managers les plus puissants de mon équipe. Je le respecte pour ses résultats. Mais il fait ce que je lui dis de faire. Et il s'en acquitte parfaitement".

C’est Yermak encore qui a travaillé sur le vaste remaniement de juillet 2025, ce qui lui a permis de placer l’une de ses obligées à la tête du gouvernement : Ioulia Svyrydenko, ex-ministre de l’Économie et figure montante de la galaxie Zelensky. Pour certains analystes, il affaiblit le chef de l'État plus qu'il ne le protège, en l'enfermant dans une "bulle" où seul compte l'avis de ses plus proches conseillers. Une sorte de "gouvernance personnalisée" en l'absence d'un parti fort, méthode qui a fait échouer tous les présidents ukrainiens.

La première dame du premier cercle

Enfin une autre femme, elle, est là depuis le début de l’aventure qui a commencé sur les bancs de l’université de Kryvyï Rih : Olena Zelenska.

"C’est mon amour, c’est ma meilleure amie, c’est mon énergie", dit d’elle son mari lors d'une interview avec Christiane Amanpour sur PBS. Cela fait 22 ans qu’ils se sont passé la bague au doigt. Une première dame discrète, mais active, qui dénonce régulièrement l’inaction de la communauté internationale et porte elle aussi la voix de la résilience ukrainienne à l’étranger. 

Ce podcast contient des archives sonores dont certaines sont tirées du documentaire Zelensky, d'Ariane Chemin, Yves Jeuland et Lisa Vapné, produit par Guilaine Chenu, coproduit par Arte France et Particules Docs (2025).