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Reportage
"C'est une loterie !" : au cœur du "click day" ou comment l'Italie de Giorgia Meloni recrute de la main-d’œuvre étrangère
Sur la période 2023-2025, quelque 450 000 permis de séjour sont accordés à des travailleurs extracommunautaires dans des secteurs où le manque de main-d’œuvre est particulièrement criant en Italie. Mais les conditions sont très strictes : dans chaque secteur, tout se joue en seulement quelques minutes.
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C'est le jour J. Et mieux vaut ne pas le louper. En Italie, si le gouvernement Meloni a réduit les entrées d'immigrés clandestins dans le pays, parallèlement, il a quelque peu ouvert l'immigration de travail. Sur la période 2023-2025, 450 000 permis de séjour ont été accordés à des travailleurs extracommunautaires dans des secteurs où le manque de main-d'œuvre est particulièrement criant. Mais les conditions sont très strictes : dans chaque secteur tout se joue en un jour à haute tension, qu'on appelle le "click day".
Direction Rome, dans les locaux de l'Assindatcolf, le principal syndicat d'employeurs à domicile d'Italie. Dans ce secteur, le "click day" a eu lieu vendredi 7 février. Dans une ambiance survoltée, Philomène fait le pitre pour détendre les collègues, rivées à leur ordinateur. "Nous sommes sur le champ de bataille, prenez position !"
Une affaire de quelques minutes seulement
À 9 heures précises, sur le site du ministère de l'Intérieur, tous ceux qui en Italie cherchent une personne envoient leur demande. Premier à cliquer, premier servi, et peu d'élus... "Le quota est de 9 500 personnes, mais on estime les demandes à 40 000", précise Paola, la responsable du bureau. Le quota va partir en un instant et après de longues semaines de travail bureaucratique. Il a fallu constituer les dossiers des employeurs et surtout trouver des candidats à l'autre bout du monde et faire valider leur identité par un ministère sourcilleux. "Les filles, il est 8h59, maintenant silence !", lance Philomène, l'agent d'ambiance, qui redevient sérieuse.
"Le recrutement se fait par le bouche à oreille. Des étrangers qui travaillent déjà en Italie nous recommandent des proches."
Philomène, agent d'ambianceà franceinfo
Sur les plus de 800 000 travailleurs à domicile déclarés en Italie, plus de la moitié viennent de pays extracommunautaires, Ukraine, Philippines et Pérou en premier lieu. Le manque de main-d'œuvre italienne est chronique. "C'est difficile parce que le travail domestique est vu comme peu intéressant et mal payé. Or, c'est un travail aussi digne que les autres", estime Philomène.
Évidemment, le site rame face à l'afflux de demandes, mais les clics nerveux aboutissent finalement. Dans les jours à venir parviendra l'accusé de réception avec l'heure précise à laquelle la demande a été enregistrée. 9h01, bonnes chances de succès, 9h05, ce n'est pas gagné. La réponse définitive arrive dans les deux mois.
Un système rigide qui "stresse" tout le monde
En quelques secondes, donc, se joue la possibilité pour des milliers de familles et d'entreprises en Italie de trouver de la main-d'œuvre. Il y a 190 000 places en 2025 à répartir entre l'hôtellerie-restauration, le bâtiment, l'agriculture, l'aide à domicile et d'autres secteurs en tension... Si le "click day" est un échec, il faut attendre l'année suivante pour recruter dans ce cadre. Le système n'est pas souple : "Vraiment pas, non !, déplore Teresa Benvenuto, la secrétaire nationale de l'Assidatcolf. Tout le monde est stressé, nous comme les familles. C'est une loterie. Nous plaidons pour la suppression du 'click day' et pour que les demandes puissent être envoyées au fil de l'année en fonction des besoins des familles, tout en gardant un quota."
"Le temps de la procédure est long : le dossier est constitué en novembre mais le travail commence huit ou neuf mois plus tard. Quand les employeurs sont des personnes âgées, fréquemment elles meurent entre-temps."
Teresa Benvenuto, secrétaire nationale de l'Assindatcolfà franceinfo
Car une fois la réponse positive arrivée, le candidat doit encore obtenir un visa avant de venir en Italie avec un permis de séjour de deux ans. On peut souligner un paradoxe italien : le gouvernement affiche sa fermeté contre l'immigration alors que le besoin de main-d'œuvre est très important. Réduire l'immigration illégale, c'est le mantra de Giorgia Meloni. Et à coups d'accord avec les pays de départ, Libye et Tunisie, elle a réussi en 2024, avec une baisse de 60%, même si on a noté une reprise en début d'année 2025.
Sur l'immigration de travail, 450 000 titres de séjour ont été accordés depuis 2023, le patronat estime qu'il faudrait le double pour combler les besoins. Le problème du marché du travail italien est triple. D'abord, il y a une démographie en berne depuis des années : en 20 ans le pays a perdu plus de deux millions de travailleurs âgés de 15 à 34 ans. Ensuite, le manque d'attractivité : le salaire annuel moyen pour un temps plein est inférieur de 10 000 euros à ce qu'il est en France. Enfin, la place des femmes : le taux d'emploi des femmes est le plus bas de toute l'Union européenne.
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