Budget 2026 : comment le gouvernement veut "responsabiliser les patients" pour réduire le coût des soins de santé

Article rédigé par franceinfo
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Le service des urgences à l'hôpital de Valence (Drôme), le 24 octobre 2024. (NICOLAS GUYONNET / HANS LUCAS / AFP)
Le service des urgences à l'hôpital de Valence (Drôme), le 24 octobre 2024. (NICOLAS GUYONNET / HANS LUCAS / AFP)

François Bayrou a proposé plusieurs mesures, dont "une réforme en profondeur" de la prise en charge des affections de longue durée et un doublement de la franchise médicale, de 50 à 100 euros.

"Nous pouvons être fiers de notre système de santé. Mais…" Lors de la présentation de sa feuille de route pour économiser près de 44 milliards d'euros dans le budget 2026, mardi 15 juillet, François Bayrou n'a pas épargné le secteur de la santé. Le Premier ministre a avancé un chiffre pour justifier les annonces qui allaient suivre : "Si nous ne faisons rien, la dépense augmentera l'année prochaine de 10 milliards d'euros." Le chef du gouvernement a ainsi demandé un coup de frein de "l'ordre de" 5 milliards d'euros, en demandant une "responsabilisation des patients pour que le coût de la santé soit plus concret pour nos concitoyens". L'Assurance-maladie avait déjà proposé de son côté, fin juin, un plan de 3,9 milliards d'euros d'économies.

Sans énumérer toutes les mesures qui permettront d'arriver à ce résultat, François Bayrou s'est contenté de donner quelques exemples, qui devront encore être soumis à l'examen du Parlement à l'automne, et sont donc susceptibles d'être soutenus, amendés ou supprimés.

Augmenter la franchise de 50 à 100 euros sur les médicaments

François Bayrou est d'abord parti d'un constat sur les médicaments : "Nous consommons par exemple en France deux fois plus d'antibiotiques qu'en Allemagne et je ne crois pas que nous soyons en meilleure santé que les Allemands." Il a ainsi annoncé sa volonté de doubler la franchise sur les boîtes de médicaments payées par les assurés sociaux, qui avait déjà augmenté en mars 2024"Chaque fois que nous achetons une boîte de médicaments, nous en payons une partie" [1 euro par boîte], avec un plafond fixé "à 50 euros par an", a-t-il expliqué. "Nous pousserons ce plafond à 100 euros, ce qui signifie, pour ceux qui consomment le plus de médicaments, une dépense de l'ordre de 8 euros par mois", a-t-il ajouté alors que le sujet est politiquement sensible.

La ministre du Travail, de la Santé, des Solidarités et des Familles Catherine Vautrin a ensuite précisé, lors de cette conférence de presse, que les franchises seraient désormais "versées directement au comptoir" par l'assuré, "tout simplement pour être plus visibles, pour aider chacun à mieux économiser". Un effort financier qui divise les Français, comme le montre ce reportage de France Télévisions dans une pharmacie :

Le gouvernement s'oriente-t-il également vers un déremboursement ou une prise en charge moindre des patients non vaccinés, comme le suggérait en avril sur franceinfo Patrick Martin, le patron du Medef ? Sans formuler clairement cette proposition, le Premier ministre a lâché que la "responsabilisation" passait aussi par la "vaccination", affirmant que "les trois quarts des personnes en réanimation au moment des épidémies de grippe" n'étaient "pas vaccinées". Cette "responsabilisation" des patients a été vivement critiquée par certains médecins, comme le docteur Jérôme Marty, sur le réseau social X.

Réformer "en profondeur" le système des affections longue durée

Parmi les autres mesures d'économies évoquées, figure également une révision du statut des affections longue durée (ALD), qui permet une prise en charge à 100% des soins et traitements liés à certaines pathologies (maladies cardiovasculaires, cancers, diabète…), a glissé le Premier ministre, sans donner de détails. Là encore, François Bayrou a comparé la situation française à celle de l'Allemagne : "20% des Français sont en affection de longue durée contre 5% de la population allemande. (...) Et je ne crois pas que les Français soient en plus mauvaise santé que les Allemands", a-t-il martelé.

"Nous allons donc engager une réforme en profondeur de prise en charge de ces affections avec, dès 2026, des mesures visant à sortir du remboursement à 100% des médicaments qui sont sans lien avec les affections déclarées", a-t-il poursuivi. Il a même évoqué la "sortie du statut" ALD "lorsque l'état de santé ne le justifie plus". Catherine Vautrin et l'Assurance-maladie ont déjà émis la possibilité que les personnes déclarées guéries ou en rémission perdent le statut d'ALD, quitte à le retrouver rapidement si leur pathologie reprenait. Face à ces propositions, les associations de patients et les malades naviguent entre inquiétude et compréhension.

A cette occasion, le Premier ministre a mis sur la table le "dossier médical partagé", afin "que le médecin suivant sache à quel patient et à quelle pathologie il peut avoir affaire". Lancé en 2004, ce dispositif s'est avéré être un fiasco, car il est boudé par les patients et les praticiens. Sa tenue par les praticiens serait désormais "obligatoire", "avec le concours de l'intelligence artificielle". De quoi, selon François Bayrou, "faire des pas de géant sur le diagnostic, la prévention et l'aggravation des affections".

"Mettre fin à une dérive" des arrêts-maladies

Autre sujet sensible, les arrêts-maladies. François Bayrou a affirmé qu'il souhaitait "mettre fin à une dérive" dans ce domaine, là encore, chiffre à l'appui : "Les contrôles qui ont été exécutés sur les arrêts-maladies de plus de 18 mois ont montré que pour 50% d'entre eux, ces arrêts de travail n'étaient plus justifiés."

Le Premier ministre souhaite notamment qu'un salarié puisse reprendre le travail après plus de 30 jours d'arrêt-maladie sans voir le médecin du travail. "Comme nous en manquons cruellement, comme d'autres spécialités, des dizaines de milliers de personnes qui souhaiteraient reprendre le travail en sont empêchées (...), c'est absurde." Et d'ajouter : "A l'exception des maladies professionnelles et des accidents du travail, on dira que c'est le médecin généraliste ou spécialiste qui déterminera la possibilité de reprise du travail." François Bayrou a également annoncé un "projet de loi à l'automne sur la fraude fiscale et sociale, pour mieux la détecter et la sanctionner et retrouver l'argent perdu".

Mi-avril, lors de la conférence des finances publiques, il avait déjà insisté sur le coût de ces arrêts-maladies, qui s'élève à 17 milliards d'euros de dépenses par an, soit un quart de plus que pendant le Covid-19. Si le nombre d'arrêts-maladies est resté stable, l'an dernier, dans le privé, il a augmenté chez les moins de 30 ans. La faute à de mauvaises pratiques managériales, selon la ministre du Travail Astrid Panosyan-Bouvet. Ces arrêts sont en tout cas dans le viseur de l'Assurance-maladie, qui a réduit leur indemnisation depuis le 1er avril et lancé un formulaire plus sécurisé depuis le 1er juillet. Elle a aussi lancé ces dernières semaines une nouvelle opération visant les médecins généralistes les plus prescripteurs de journées d'arrêt-maladie, provoquant la colère des syndicats.

Demander "une plus grande efficacité" à l'hôpital, avec la réutilisation du matériel

Alors que les hôpitaux ont connu une dégradation "sans précédent" de leurs finances en 2023, selon les premiers constats issus du Panorama des établissements de santé relayés en mai, François Bayrou veut les mettre à contribution : "Une plus grande efficacité sera demandée à l'hôpital, notamment dans les achats. (...) Lorsqu'un médicament, même très coûteux, approche de la date de péremption, il ne peut ni le donner, ni le vendre à un autre établissement, il est obligé de le détruire et l'autre doit l'acquérir au prix fort", a développé le Premier ministre, appelant à "du bon sens" "en partageant ou en mutualisant les achats".

Le chef du gouvernement a également cité le matériel médicalisé, comme "les fauteuils pour les personnes infirmes gravement malades en fin de vie" ou "les cannes anglaises", allant jusqu'à proposer de recycler ce matériel lorsque les patients sont décédés : "Il faut pouvoir les réutiliser après que la personne n'en a plus besoin, par exemple après qu'elle a disparu."

Au-delà de la levée de boucliers suscitée par cette proposition, ces éventuelles nouvelles coupes dans le budget de l'hôpital inquiètent. "Attention, toute forme de rabot sur l'hôpital public aura des conséquences très graves", a alerté sur RMC mercredi Arnaud Robinet, président de la Fédération hospitalière de France. "L'hôpital public a déjà connu une crise" avant le Covid-19, "ce qui a amené des conséquences en termes de recrutement, d'investissement."

"Non, nos hôpitaux ne sont pas moins performants. Ils font face à 21 millions de passages aux urgences par an, avec un million de soignants mobilisés", a pour sa part réagi sur BFMTV Frédéric Valletoux, député (Horizons) de Seine-et-Marne, président de la commission des affaires sociales et ex-ministre de la Santé.

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