"Jusqu'à présent, les résultats sont très encourageants" : dans la lutte contre la maladie d'Alzheimer, le lithium suscite l'espoir des chercheurs
A l'heure actuelle, aucun traitement ne permet de guérir cette maladie, qui touche 900 000 personnes en France.
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Une découverte qui pourrait bouleverser le quotidien des patients atteints de la maladie d'Alzheimer et la recherche scientifique. Des chercheurs de la prestigieuse université américaine Harvard Medical School (HMS) ont mis en évidence, dans une étude publiée mercredi 6 août dans la revue Nature, un lien entre le déficit de lithium dans le cerveau et le développement de cette pathologie neurodégénérative qui touche 900 000 personnes en France, selon l'Institut Pasteur.
"Nous montrons que le lithium endogène", naturellement présent dans l'organisme, "contribue à la préservation des fonctions cognitives pendant le vieillissement", écrivent les auteurs de l'étude, qui ont mesuré la quantité de plusieurs métaux dans les cerveaux de patients décédés. Parmi eux, le lithium "était le seul à présenter une réduction significative dans le cerveau des personnes atteintes de troubles cognitifs légers, précurseurs de la maladie d'Alzheimer", observent-ils.
Le lithium "séquestré" par des protéines dans le cerveau
Ce n'est pas la première fois que le lithium, notamment utilisé dans des traitements de la bipolarité, est étudié en lien avec la démence et la maladie d'Alzheimer. Mais "l'idée que la carence en lithium pourrait être une cause de la maladie d'Alzheimer est nouvelle et suggère une approche thérapeutique différente", explique l'auteur principal de cette étude, Bruce Yankner, professeur de génétique et de neurologie à la HMS, dans un article publié sur le site de l'université. "Le lithium s'avère être comme les autres nutriments que nous tirons de l'environnement, tels que le fer et la vitamine C", poursuit-il, expliquant que c'est aussi "la première fois que quelqu'un démontre que le lithium existe à un niveau naturel biologiquement significatif sans être administré sous forme de médicament".
L'originalité de cette étude "est que les auteurs suggèrent qu’il y a un déficit de lithium dans le cerveau des patients atteints de maladie d’Alzheimer, qui serait séquestré par les plaques amyloïdes", des amas de protéines marqueurs de la maladie d'Alzheimer, explique Luc Buée, directeur du centre de recherche en neurosciences et cognition de Lille (Nord). "Ils l'ont fait à la fois dans des cerveaux humains, puis chez les souris."
"Avant, on n'arrivait pas à réaliser des analyses aussi fines des régions cérébrales à proximité ou à distance de ces plaques, mais c'est désormais possible grâce à des avancées technologiques."
Luc Buée, directeur de recherche au CNRSà franceinfo
La deuxième particularité de cette étude est qu'elle s'est aussi intéressée à la manière dont l'orotate de lithium, un sel minéral, pourrait être remplacé chez les personnes en déficit. Les chercheurs américains "se sont focalisés sur l'orotate de lithium, alors que d'ordinaire, c'est le carbonate de lithium qui est utilisé en clinique, poursuit Luc Buée. Ils ont vu que l'orotate a une meilleure capacité à lier le lithium que le carbonate, lui évitant de se faire piéger par les plaques d'amyloïdes". En d'autres termes, ce sel minéral permet de jouer les gardes du corps alors que le lithium associé au carbonate, lui, est capturé par les plaques d'amyloïdes.
Une molécule disponible et peu onéreuse
A ce jour, il n'existe aucun traitement pour guérir la maladie d'Alzheimer, qui affecte principalement la mémoire et les fonctions cognitives, liées par exemple au langage, au raisonnement ou encore à l'apprentissage. En avril, la Commission européenne a donné son feu vert à un nouveau médicament, le Leqembi. Mais outre son prix très élevé, il est réservé à un petit nombre de patients aux prédispositions génétiques particulières, en raison d'effets secondaires graves.
C'est pourquoi cette découverte est scrutée de près par les scientifiques : l'orotate de lithium est un complément alimentaire peu onéreux et facilement disponible, déjà vendu en pharmacie sans ordonnance et en ligne. Toutefois, "il est inutile de se ruer en pharmacie pour aller chercher du lithium en pensant prévenir la démence", insiste le professeur Philippe Amouyel, directeur général de la Fondation Alzheimer. "Il faut être prudent et ne pas extrapoler aux humains ces conclusions faites sur des souris", souligne Bruce Yankner. "On ne peut jamais savoir tant qu'on n'a pas essayé dans le cadre d'un essai clinique contrôlé chez l'homme", ajoute l'auteur de l'étude, même si, "jusqu'à présent, les résultats sont très encourageants".
Ces essais cliniques chez l'homme n'ont pas commencé. "Aucune compagnie pharmaceutique ne va faire de profit sur le lithium", anticipe Tomas Hajek, psychiatre à l'université Dalhousie (Etats-Unis), cité dans Nature. Un avis partagé par Luc Buée, du centre de recherche en neurosciences et cognition de Lille. "Cette molécule ne coûte rien, abonde-t-il. C'est pareil pour la caféine, aucune entreprise pharmaceutique ne finance des compléments à base de caféine alors que des études très intéressantes sont menées." Il faudrait alors que ces essais soient financés par l'Etat, mais elles "prendront plus de temps", craint Luc Buée.
Philippe Amouyel se veut plus optimiste. Le directeur général de la Fondation Alzheimer mise sur un délai de "cinq à sept ans pour que des essais cliniques soient concluants". "Cela peut aller plus vite puisqu'on connaît déjà cette molécule", argue-t-il. Par ailleurs, "les gouvernements et les laboratoires auront plutôt intérêt à investir, vu le prix de remboursement des médicaments qui vont bientôt sortir en France, le Leqembi et le Kisunla, qui coûtent 25 000 euros par an et par malade". Un argument qui peut effectivement faire mouche, dans un contexte budgétaire restreint, où le gouvernement de François Bayrou s'est mis en quête de 40 milliards d'euros d'économies, dont environ cinq milliards dans le secteur de la santé.
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