"On cachait les femmes dans des sous-sols" : Anne-Marie Cardon, militante infatigable, raconte son combat pour les droits des femmes

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Article rédigé par Antonin Bodiguel
France Télévisions

Anne-Marie Cardon, 88 ans, a connu les avortements clandestins et la mort qui pouvait les accompagner. Militante de la première heure, elle incarne les luttes pour la contraception et l’interruption volontaire de grossesse (IVG), des combats qu’elle juge toujours d’actualité.

Anne-Marie Cardon est une militante dans l'âme. À l’occasion du vendredi 8 mars, journée internationale des droits des femmes, elle veut continuer son combat commencé dans les années 1970. Elle en a raconté les grandes lignes dans un livre, Une femme qui dérange (Edilivre, 2016). A 88 ans, l'œil malicieux et sa lutte chevillée au corps, elle martèle à franceinfo : "On fait le 8 mars, c'est bien, mais le droit des femmes, c'est tous les jours." 

Elle a rapidement été confrontée à la réalité des foyers en difficulté. Dès l'âge de 15 ans, elle devient travailleuse familiale en Mayenne, d'où elle est originaire, et côtoie des mères isolées et submergées par des grossesses non désirées. Une proximité qui scelle son engagement pour la cause féminine. Puis, à Saint-Étienne-du-Rouvray (Normandie), elle crée des associations, sensibilise les femmes aux questions de contraception et s’engage au Planning familial de Rouen. "Beaucoup de femmes ne pouvaient pas diriger leur vie sexuelle et se retrouvaient enceintes malgré elles. Certaines mouraient après des avortements clandestins. Ça, c’était insupportable".

Braver l’interdit pour sauver des vies

Dans les années 1970, en pleine clandestinité, Anne-Marie pratique des IVG illégales à Rouen, tout en accompagnant des femmes dans leurs démarches. "On cachait les femmes dans des sous-sols pour qu'elles ne soient pas arrêtées. On savait qu'on était dans l'illégalité, mais ça ne nous faisait pas peur", assure-t-elle avec détermination. En 1973, alors qu'elle se retrouve enceinte d'un cinquième enfant, elle décide de se rendre aux Pays-Bas, où l'avortement est légal. Le 17 janvier 1975, la légalisation de l’avortement en France, portée par la loi Veil, devient une réalité.

"On a gagné une lutte extraordinaire. Les femmes pouvaient enfin arrêter une grossesse dans de bonnes conditions, à l’hôpital et sans jugement."

Anne-Marie Cardon, militante féministe

à franceinfo

L’inscription du droit à l’IVG dans la Constitution française, en mars 2024, marque une autre étape décisive. Mais elle préfère rester prudente : "C'est une grande victoire, mais je pense que c'est toujours un droit fragile, et s'il le faut, on se bagarrera à nouveau."


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